La manipulation comme logique sociale structurante

par Kreativkaos
vendredi 15 décembre 2006

L’article qui suit se propose de démasquer les mécanismes et logiques sous-jacents qui président à notre organisation sociétale. Il se veut aussi, par le constat critique qu’il porte, une dénonciation (une de plus) de la grande fraude sur laquelle reposent nos sociétés. Enfin, pour que la critique soit constructive, il propose, dans sa seconde partie, quelques pistes et idées pour enclencher cette « révolution tranquille » dont nos sociétés ont tant besoin.

Le travail de manipulation des individus occupe une activité importante de nos sociétés. La manipulation semble être l’interaction principale entre les individus, groupes et institutions. Manipulations psychologiques, émotionnelles, symboliques, financières, ou encore rhétoriques sont à l’œuvre.

 

 

On pense d’emblée aux médias et à leur petite reine, la TV. On pense évidemment aussi à l’enseignement de l’histoire. Cette dernière étant essentiellement une entreprise de fabrication de fables au service des pouvoirs. Du reste, sans parler de fabrication intentionnellement fausse de l’histoire, pensons seulement à ce que certains historiens veulent signifier quand ils parlent de « fantasmer l’histoire ».

Le syndrome 1984, pourrait-on l’appeler, n’est pas seulement actif dans des systèmes totalitaires ; le syncrétisme politique permet d’utiliser des techniques douteuses de manipulation dans les démocraties. Toute la construction de la société américaine moderne repose sur ces mêmes techniques inspirées, entre autres, par des théories de Freud détournées de leur propos initial[1].Quand on sait que la campagne des dernières élections de 2005 en Grande-Bretagne, qui ont vu la victoire de Blair, a reposé sur un focus group de huit personnes, cela donne à réfléchir sur l’état de nos démocraties[2].

Autre exemple, la tendance depuis les années 1990 est à la « spectacularisation » de l’information[3] qui permet un mélange des genres, autre domaine, autre syncrétisme... La mise en scène de l’information sert plusieurs desseins. Le premier est « l’entertainment » ou le facteur fun, le divertissement : rendre l’information factuelle intéressante et attractive, de façon à garder collé au tube cathodique le spectateur littéralement mis sous hypnose par le pouvoir de l’image. Le second est, une fois le canal de la crédulité ouvert par l’émerveillement de la technologie et de toutes les expertises étalées, l’inculcation d’idées et de raisonnements qui servent les agendas des différents pouvoirs en place[4]. Enfin, d’un simple point de vue mercantile, la manipulation et la spectacularisation de l’information servent, bien sûr, à augmenter les ventes, donc le profit, de ceux qui vivent sur la manne de la fabrication de la réalité sous forme d’images, de discours ou d’écrits.

Autre exemple encore de manipulation, dans le domaine du politique celle-ci, par le biais de la psychologie.

L’ascenseur social est bloqué en France, nous le savons, la frustration et révolte qui en résultent se dirigent vers une mauvaise cible pour une frange de la population qui adhère aux théories xénophobes. Ce sont des pulsions comme la colère ou la frustration qui génèrent les idées du Front national en France, et les extrémismes en général. Ces idées s’accompagnent d’une fausse rationalité composée essentiellement de sophismes et d’arguments fallacieux[5]. Nous avons là le parfait exemple d’individus intelligents qui manipulent des consciences et des inconscients de citoyens à leurs dépens en étayant leurs idées (nocives) sur les pulsions (délétères) de l’individu. Ainsi s’opère le conditionnement. Une fois que ces idées sont attachées à ces pulsions, plus moyen de les dissocier - à moins d’intervenir sur elles ; elles sont comme des hélices d’ADN qui s’entortillent l’une autour de l’autre.

Les gouvernements occidentaux sont, quant à eux, pris dans la mondialisation économique qui délocalise et disloque les économies locales, et sont incapables de résorber le chômage systémique/structurel qui en résulte. Il est donc bien pratique pour eux d’avoir des boucs émissaires qui détournent des vrais responsables : eux, les tenants du pouvoir qui font la promotion de valeurs qui génèrent de l’exclusion. Cela permet alors aux mêmes de créer des organismes comme la Halde[6] avec sa cohorte de fonctionnaires qui travaillent sur l’intégration...

Remarquons que tous les partis politiques utilisent les mêmes armes, mais propagent des idées auxquelles adhère une vaste majorité autour du centre. La manipulation s’adresse alors à la classe moyenne, et étaye son discours sur des valeurs comme l’ambition, le prestige ou le statut. On ne questionne jamais ses propres consentements, semble-t-il.

On pourrait aussi ad nauseam citer des cas de manipulation dans le monde de la finance, les affaires Enron ou Clearstream sont des symboles en la matière. Il y aurait également beaucoup à dire et à révéler sur les manipulations des groupes occultes. Mais sans tomber dans l’illégalité, la manipulation légale de sommes immenses en Bourse par les pontes de la finance internationale, les mêmes qui participent à l’élaboration des règles du jeu, donnent des profits indécents et rapides.

On pourrait parler aussi des rapports interpersonnels qui souvent ne sont pas désintéressés, ou sont biaisés et se transforment en manipulation émotionnelle, ou psychologique. La violence conjugale est le point paroxystique de cette dérive. Le harcèlement au travail, ou ailleurs, est aussi un symptôme de pathologie certainement personnelle, mais aussi sociale. Enfin, on pourrait aussi mentionner la manipulation symbolique dont se servent la religion, la publicité et le marketing - y compris politique - pour opérer un conditionnement des désirs, besoins et réflexes chez les individus.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que les réalités sociologiques soient tordues au point que commencent à émerger des effets contre-productifs, signes d’un retour du refoulé social. Ainsi, les gardiens de la paix tuent, ainsi les hôpitaux deviennent des lieux où l’on peut attraper des maladies, ainsi les écoles peuvent générer de quasi-analphabètes, et ainsi de suite. Sans parler du suicide comme cause première de mortalité chez les quinze/vingt-cinq ans. Consternant et renversant. D’ailleurs, le monde « se renverse », pour reprendre la fameuse image marxienne, et non marxiste, de la Camera Obscura.

Et dans notre monde où la gentillesse est perçue comme de la faiblesse, la méchanceté règne alors en maîtresse. Toutes les pulsions coercitives sont activées et les polarités inversées. Au lieu de s’organiser autour du principe d’interactions mutuellement constructives, l’humanité est dominée par l’autre pôle de la dialectique (dynamique) et agit selon le principe d’interactions mutuellement destructives, avec les armes que l’on connaît maintenant.

La manipulation est une logique structurante de nos sociétés ; celles-ci biaisent toutes les interactions et entretiennent un climat délétère au sein des collectivités. La fausseté des rapports sociaux, ou encore de l’information et des connaissances, qui en résulte et se généralise, ronge notre tissu social et sape les solidarités nécessaires pour vivre ensemble, et surtout pour mieux vivre ensemble au sein d’un monde convivial[7].



[1] Le documentaire intitulé The century of the Self raconte la fabrication du XXe siècle et de sa société de consommation à travers les diverses manipulations mises au point, entre autres, par Edward Bernay, l’inventaire du Public Relation.... http://www.bbc.co.uk/bbcfour/documentaries/features/century_of_the_self.shtml

[2] Idem, partie 4. http://www.bbc.co.uk/bbcfour/documentaries/features/century_of_the_self_episode_4.shtml

[3] Voir pour plus d’infos : http://www.thucydide.com/presentation/generalites/pourquoi.htm

[4] Cf. le documentaire intitulé The power of nightmares (le pouvoirs des cauchemars), sur BBC également, qui parle de la manipulation des masses par le couple Bush-Blair qui utilisent la peur pour augmenter leur pouvoir.

[5] Voir ma recherche sur la question du racisme en Europe à www.geocities.com/kreativkaos/page6.html

[6] www.halde.fr

[7] Référence au livre de Yvan Illich, La société conviviale, voir extrait à http://ecorev.free.fr/rev01/illich.htm


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