La méthode de conceptualisation relativisée (MCR) : De la physique quantique à l’ensemble des processus de construction des connaissances

par Automates Intelligents (JP Baquiast)
mardi 22 novembre 2011

Ce texte introduira une collection de titres destinés à promouvoir la méthode de conceptualisation relativisée. Pour en savoir plus sur cette dernière, voir :
Mioara Mugur-Schächter, " L'infra-mécanique quantique " Ouvrage au format.pdf accessible en téléchargement gratuit http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2011/115/IMQ.pdf

Résumé

Depuis plus d'un siècle s'exerce une critique politique du langage. Il s'agit de montrer que derrière l'apparente neutralité des mots et des syntaxes les pouvoirs dominants se sont toujours efforcés de soumettre les consciences à des représentations du monde servant leurs intérêts. Aujourd'hui, ce décryptage est relativement facile à faire concernant la vie quotidienne. Chacun peut comprendre qu'un terme comme « rigueur » prend des acceptions différentes dans un discours de droite ou un discours de gauche. Mais le décryptage est bien plus difficile concernant les sciences. Les affrontements politiques se dissimulent sous des discours académiques n'encourageant pas la remise en cause. Pourtant, dorénavant, les enjeux économiques et géostratégiques des sciences sont tels que le discours d'autorité y est de moins en moins recevable. Les scientifiques eux-mêmes semblent commencer à le comprendre.

De nouvelles méthodes de construction des concepts ou des lois supposées les relier s'imposent donc. Il faut renoncer à décrire une prétendue Réalité existant en soi, que la science se bornerait à tenter de dévoiler. Il faut admettre que la science, s'appuyant sur les capacités cérébrales et les instruments des scientifiques tels qu'ils sont à une époque donnée, construit une réalité relative. Cette réalité relative doit pouvoir être constamment remise en cause compte tenu de l'évolution des cerveaux et des outils. Mais pour demeurer dans le domaine de la science et ne pas ouvrir la voie à toutes les dérives des pseudo-sciences, dénoncées par le terme de relativisme, cette remise en cause devrait pouvoir se faire dans le cadre d'une méthode ayant fait l'objet d'un consensus suffisant. Aujourd'hui, la physique quantique, dont les réussites technologiques sont généralement reconnues, utilise une telle méthode. Mais elle le fait implicitement et d'une façon qui n'est pas facilement exportable dans les autres domaines de connaissances. La méthode de conceptualisation relativisée (MCR) définie par Mme Mugur-Schaechter, propose d'une part de décrypter les processus de construction de concepts dans le domaine de la physique quantique et d'autre part d'étendre ces processus à tous les autres domaines de recherches.

Ce travail de reconstruction pourra toucher le langage quotidien lui-même. Il fera apparaître la façon dont l'abus de l'argument d'autorité dans la définition des entités de la vie courante dissimule des prises de pouvoirs jusque là cryptées. Cette dissimulation est dorénavant incompatibles avec les exigences de démocratie devant être celles de sociétés comme les nôtres, héritières directes de l'époque des Lumières.

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Le langage s'est développé à partir des échanges de signes symboliques assurant la survie du groupe au sein des espèces animales. Celui qui émet un cri spécifique à la vue d'un prédateur, cri reconnu comme alerte à l'usage, met en garde rapidement l'ensemble du groupe. Mais de ce fait il acquiert un certain pouvoir, si bien que ce sont généralement les individus dominants qui deviennent les détenteurs du proto-langage. Tous les autres doivent s'y soumettre. Des millions d'années après l'apparition des premiers échanges symboliques au sein des sociétés animales, on constate que chez les humains, de la même façon, le droit à nommer les choses a été usucapé par les chefs religieux, militaires et politiques. Les concepts et leur organisation en phrases signifiantes ont été élaborés sous le contrôle de minorités oligarchiques. Les populations n'avaient d'autre choix que de les reprendre à leur compte, autrement dit de penser et agir en conformité avec les intérêts de ces oligarchies.

Bien évidemment, avec le développement et la démocratisation de la culture, des critiques ont été formulées très tôt contre le pouvoir des contenus cognitifs imposés par les dominants à travers le langage. Ainsi, dans le domaine de la morale, les philosophes ont montré que derrière des termes comme le Bien et le Mal, des pouvoirs religieux ou politiques puissants s'efforçaient d'imposer une vision des rapports sociaux la plus conforme à la pérennisation de leurs intérêts. Le Bien et le Mal n'existent pas de façon absolu, avec des Majuscules, contrairement à ce que prétendent ceux qui veulent en faire des armes d'assujettissement. Leur contenu, dans une société se voulant démocratique, devrait être défini et redéfini en permanence dans le cadre de ce que l'on pourrait nommer en utilisant un terme moderne des conférences de consensus.

Il devrait en être de même en science. Les concepts scientifiques, même résultant d'une démarche se voulant aussi objective et expérimentale que possible, c'est-à-dire refusant tout argument d'autorité a priori, sont produits et en tous cas utilisés par des groupes d'intérêts dominants. Ceux-ci, délibérément ou non, veulent les ériger en vérités absolues afin de soustraire à la critique les rapports de force dont ils bénéficient et que ces concepts tendent à pérenniser. Cette prise de pouvoir implicite, parfois dénoncée comme une véritable dictature, a toujours existé. Mais elle n'est pas toujours évidente aux yeux des populations, dans la mesure où beaucoup de domaines de connaissances restent encore ésotériques. Les conflits de pouvoir qui se manifestent, à propos du sens à donner à des expressions aujourd'hui largement répandues, telles que « gène », « autisme », « climat » ou « intelligence », ne sont pas encore perçus par le grand public ni même parfois par les scientifiques directement intéressés.

Le rejet contemporain des pseudo-sciences économiques

Aujourd'hui cependant, avec la diffusion d'une crise économique touchant le monde entier, les mots par lesquels les « experts » mandatés par les oligarchies responsables de cette crise veulent la définir, sont de plus en plus rejetés. Si le terme de « croissance » signifie « exploitation sans limites des écosystèmes », si celui de « réforme » signifie « privatisation progressive des services publics d'intérêt général », si celui de « libéralisme économique » signifie « capitulation des Etats devant les entreprises transnationales monopolistiques », le grand public, directement touché par les politiques correspondantes, se rebelle. Les plus modérés veulent au moins obtenir le droit de discuter les fondements théoriques des sacrifices qui leur sont imposés. Autrement dit, ces « Indignés » veulent remettre en cause le contenu des concepts d'une science économique ainsi détournée de la neutralité et de l'objectivité qu'elle prétendait avoir.

Mais ce mouvement de révolte, en train de se généraliser dans le domaine de l'économie politique et des sciences humaines en général, ouvre les yeux de beaucoup de praticiens ou théoriciens des sciences et des techniques, dans tous les autres domaines de celles-ci. Partout, il apparaît que les concepts et plus généralement les corpus de connaissances ont rarement été produits avec la volonté d'en relativiser les résultats afin de maintenir ouvert le débat critique qui est le cœur de la pratique expérimentale. Des résultats expérimentaux provisoires sont généralement érigés en vérités absolues. On affirme en conséquence que la poursuite des expérimentations, l'élargissement des recherches, ne s'imposent plus. Les premiers résultats sont d'emblée présentés comme décrivant un Réel objectif, pour des raisons n'ayant pas grand chose à voir avec l'objectivité scientifique prétendue. Il s'agit le plus souvent de défendre des intérêts géopolitique ou industriels – ceux notamment des pouvoirs qui financent la recherche. Dans les cas les moins nocifs, la critique des concepts et des méthodes est refusée par des instances académiques mandarinales qui voudraient échapper à une remise en question imposée par les jeunes générations.

A l'époque actuelle, caractérisée par la raréfaction des ressources face à des populations en croissance démographique manifestement excessive, il devient vital de faire appel aux potentiels de créativité scientifique et technique abondamment produits par ce que l'on nomme parfois le capital cognitif en réseau. Or ces potentiels sont maintenus en état de sous-emploi ou de chômage en grande partie du fait des « Vérités objectives » que les forces conservatrices s'affirment seules à détenir. La critique scientifique de ces « Vérités » devient donc une nécessité vitale pour des sociétés en danger de disparition, ceci pour débloquer les interdits doctrinaux et ouvrir de nouveaux champs de recherche.

Dans le cas des exemples précédemment cités, il devient ainsi vital de montrer qu'une acception figée des concepts de gène, autisme, climat, intelligence, condamnerait à la stérilité des recherches dans des domaines stratégiques essentiels, tels que les biotechnologies, les neurosciences évolutionnaires, la lutte contre le réchauffement climatique ou l'intelligence artificielle. Ceci ne veut pas dire que ces nouvelles recherches devraient à leur tour produire des résultats qu'il faudrait accepter passivement, comme le prétendent les mouvements d'activistes se proclamant anti-sciences. Cela voudrait seulement dire que les contenus cognitifs pourraient recommencer à évoluer au même rythme que les autres éléments constitutifs du monde contemporain.

Associer relativisme et constructivisme

Pour critiquer des Vérités dites objectives présentées comme absolues, il faut faire montre à la fois de relativisme et de constructivisme. Le relativisme vise à monter que ces vérités étaient liées à une époque et à des intérêts qui ont changé. Le constructivisme vise à monter par quoi et comment remplacer le tout, en restant fidèle aux grands principes de la science expérimentale. Pour cela il faut disposer d'une méthode scientifico-philosophique (une épistémologie) qui respecte strictement ces grands principes. Sinon, le terrain se libère pour les innombrables pseudo-sciences ou religions qui prétendent expliquer le monde en dehors de toute référence scientifique intersubjective.

Il se trouve que la mécanique quantique, convenablement interprétée, fournit les outils nécessaires pour ce faire. Depuis presqu'un siècle maintenant, elle s'est efforcée, avec le succès que l'on sait, de montrer que les concepts de la physique ordinaire, tels que ceux d'onde, particule, principe d'identité, ne suffisaient pas à rendre compte des observations continuellement rendues possibles par le progrès continu des techniques de laboratoire. Il fallait donc les remettre en cause. Cette remise en cause s'est étendue de facto à la cosmologie puisque celle-ci traite de ces mêmes concepts à l'échelle de l'univers tout entier. Mais elle n'a pas encore pénétré les autres disciplines scientifiques, ou un réalisme primaire demeure encore le postulat dominant à partir duquel s'articulent – ou plutôt s'enferment - les nouvelles recherches.

Aujourd'hui cependant la méthode de conceptualisation relativisée (MCR) définie par Mme Mugur-Schaechter, propose d'une part de décrypter les processus de construction de concepts dans le domaine de la physique quantique et d'autre part d'étendre ces processus à tous les autres domaines de recherches. Mais pour convaincre les opinions de l'intérêt d'une telle démarche, il faut procéder à un double effort de communication :

C'est un tel objectif que se donne la présente collection.

Jean-Paul Baquiast


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