La mise à pied

par C’est Nabum
mercredi 16 avril 2025

 

Expression cavalière.

 

Cette expression fort cavalière n'est pas de nature à vous remettre le pied à l'étrier quand elle vous tombe dessus, tel un couperet qui a la terrible faculté de désarçonner celui qui en est la victime. Curieusement, nous sommes loin de ce du XV° siècle lorsqu'un cavalier commettait une faute grave ou désobéissait à sa hiérarchie. Il recevait l'ordre de descendre de son cheval pour le « mettre à pied », c'est à dire le mener en marchant à ses côtés.

Que la formule touche désormais les travailleurs qui sont invités à prendre leurs jambes à leur cou afin de quitter précipitamment une entreprise qui dégraisse peut surprendre surtout lorsqu'il s'agit de travailleurs manuels. Souvent du reste, les malheureux prennent le mors aux dents et ruent dans les brancards pour exprimer leur colère et leur désappointement (au sens premier du terme).

La mise à pied suppose alors de faire le pied de grue devant les missions locales d'une épaule bienveillante qui se nomme France Emploi et qui passe souvent la main pour confier la recherche d'un nouveau labeur à des officines privées, seules susceptibles de répondre au pied levé dans les plus brefs délais. Certains hélas, traînent les pieds avant de se lancer dans une recherche qui risque fort de les laisser sur le carreau. C'est alors qu'ils tourneront en rond.

Spécificité d'une époque dans laquelle les mots perdent souvent toute consistance et valeur, la mise à pied est devenue une mode dans le monde sportif. Les entraîneurs notamment font les frais de mauvais résultats et se voient ainsi contraint de laisser la place à d'autres, qui prennent leur poste au pied levé. Souvent, le fameux choc psychologique escompté tombe à l'eau et les équipes concernées continuent de piétiner en fond de classement.

Prendre au pied de la lettre des expressions n'est certes pas la meilleure manière de se remettre en marche. Même si je m'y prends comme un pied, j'essaie vainement d'éclairer votre lanterne et de jouer la mouche du coche pour vous donner ce plaisir de jouer avec les mots. Je monte alors sur mes grands chevaux à la manière du postillon qui mène son attelage sans descendre de sa monture.

Seuls les lecteurs peuvent me mettre à pied en cessant une lecture pour laquelle ils ont une grande envie de passer la main. J'ai beau faire des pieds et des mains pour vous conduire vers l'amour des mots, il n'est pas aisé de remettre en selle ceux qui ont subi de plein fouet l'affreux manège des videurs de cerveau.

Écrire ainsi est un véritable saut d'obstacles d'autant plus que je demeure à cheval sur un principe essentiel qui laisse nombre d'individus dans leur stalle : je n'use pas de termes anglo-saxons. Ainsi en usant de ce vocable de stalle, loin de vous mettre en boîte, je tente de vous remettre sur de bons pieds.

Je suis à distance et fort modestement, les pas de Alain Rey dans ce périlleux exercice de vulgarisation qui place certains au pied du mur. Tel un hussard noir de la république, je défends becs et ongles cette langue avec une énergie qui m'interdit de rester les deux pieds dans le même sabot. Je sais le risque de vous casser les pieds et je l'assume avec d'autant plus de jouissance que c'est une manière de faire un pied de nez à cette Culture qui aime tant mettre les pieds dans le médiocre plat de la distraction de bas étage.

Exercice laborieux s'il en est, ce travail me mit à pied d'œuvre de ce bon matin où je me suis levé du pied gauche. L'actualité m'ayant coupé l'herbe sous le pied, ne sachant plus sur quel pied danser, c'est pied au plancher que je vous livre ce pensum indigeste que j'ai rédigé comme un pied. Vous ne prendrez certainement pas votre pied, ce qui vous permettra de fouler au pied ce détestable billet. L'écriture s'emballe et c'est au galop que j'achève ce billet en mettant enfin pied à terre pour satisfaire au propos initial.


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