La presse sous pression

par mogule
jeudi 4 décembre 2008

L’arme létale de Sarkozy, celle qui lui a permis de tuer la Présidentielle, c’est bien évidemment la communication. Cet homme connaît la force des mots et la puissance des images. Il a également compris tout l’intérêt de manipuler les symboles pour brouiller la lecture de son action publique.

Mais, seule, une communication habile ne suffirait pas à faire prendre, à nos concitoyens, des vessies pour des lanternes. Il faut aussi en paralèlle juguler, voire neutraliser, la contradiction. Nicolas Sarkozy a donc lancé la grande bataille pour le contrôle des médias.

La diversité des acteurs privés et publics, la multiplicité des supports (TV, radio, presse écrite, internet) devrait , en principe, nous prémunir contre la main mise de l’Etat sur l’information. En fait, il ne s’agit pas de mettre sous coupe réglée l’ensemble des médias, mais de s’assurer du soutien des "leaders d’opinion", de ceux qui permettent de faire basculer la ménagère de moins de cinquante ans du "bon côté" de la barrière.

Petit à petit, le gouvernement travaille à consolider sa petite entreprise.

Premier étage de la fusée, il s’agit de favoriser la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes (Lire rapport sur l’état du secteur cliquez ici ). S’agissant de la télé privé, ce processus de concentration est dèjà arrivé à maturité puisque 3 grands groupes , Bouygues, Lagardère, Vivendi se partagent ce marché. Quant à la presse écrite, qui fut d’abord une activité d’artisan, la mue prend plus de temps, bien que, aujourd’hui, 5 groupes dominent déjà ce secteur. Processus apparemment encore trop lent pour le Gouvernement qui, au travers des états généraux de la presse, tente de mettre un coup d’accélérateur à cette logique de regroupement (lire article ici).



L’émergence de ces grands groupes permet donc de dégager des interlocuteurs avec qui le Gouvernement peut alors passer un pacte non écrit destiné à protèger les intérêts bien compris de chacune des deux parties. Ainsi, au petit livre blanc de TF1 (lire article ici), l’Etat répond par une loi sur mesure, garantissant, notamment, une augmentation substantielle des rentrées publicitaires. En retour, on peut vérifier chaque jour que la ligne éditoriale de TF1 est en parfaite adéquation avec les messages gouvernementaux.

Second étage de la fusée, l’organisation méthodique de l’affaiblissement du service public de l’information. Le projet de Loi sur l’audiovisuel illustre à merveille cette stratégie : fragilisation des ressources de France Télévision et mainmise du Chef de l’Etat sur les nominations à la tête du groupe. Le Gouvernement ne faisant pas, en la matière, les choses à moitié, il s’attaque également au cas de l’AFP en projetant de modifier en profondeur les statuts garantissant l’indépendance de l’agence (voir statut actuel ici).

Ce post me direz-vous n’apporte rien de bien nouveau. J’en conviens. La seule ambition de cet article est justement de rappeler la géographie de ce secteur , ô combien, essentiel pour la réalité de notre démocratie. Chacun doit pouvoir suivre les grandes manoeuvres qui se déroulent dans ce champ de bataille avec une grille de lecture simple. Quelques illustrations.

Pourquoi, dans le projet de Loi actuellement debattu au Parlement, les chaînes de la TNT seront 2 fois plus taxées que TF1 ou M6 ? Simple, il s’agit , pour le Gouvernement, de préserver ses partenaires privilégiés de la dure loi de la concurrence. Drôle de manière d’envisager l’économie de marché pour un Gouvernement libéral ! L’impact du rachat du journal "les échos" par le groupe LVMH ? Bernard Arnaud, déjà détenteur de la "Tribune", se retrouve ainsi à la tête d’un quasi-monopole regroupant les principaux titres de la presse économique.

Le maintien d’une information libre et pluraliste exige donc un réveil citoyen, dont le premier acte pourrait être de soutenir financièrement la presse écrite, qui traverse une grave crise, en achetant, par exemple, un journal. Voilà un geste simple, efficace et qui, de surcroît, rend plus intelligent. Reprenez de bonnes habitudes, informez-vous !

Ensuite, il nous reste internet qui, avec sa structure en réseau éclaté, échappe encore à toutes velléités de contrôle : Prenez votre place dans le monde de la toile.


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