La sécurité des machines à voter n’est pas vérifiée : c’est prévu !

par Chantal Enguehard
jeudi 19 avril 2007

Au nom de la démocratie, le vote électronique a été adopté par nombre de municipalités tranquillisées par le fait que les machines à voter dont elles s’équipent ont reçu l’agrément du ministère du l’Intérieur.

Cet agrément est conditionné par la conformité de chaque modèle avec le « règlement technique fixant les conditions d’agrément des machines à voter ». Ce document de quarante-trois pages présente la procédure à suivre pour contrôler les machines ; il détaille en particulier 114 exigences, certaines assorties d’un mode opératoire, c’est-à-dire de tests précis à effectuer pour les vérifier.

C’est une société de certification qui joue le rôle d’organisme de contrôle et qui effectue les tests demandés. Elle produit un rapport que consulte le ministère de l’Intérieur pour délivrer, ou pas, son agrément. Le modèle testé doit franchir les tests sans dommages.

En voici quelques exemples. Pour la résistance aux chocs, il faut lâcher cinq fois le modèle rangé dans sa mallette d’une hauteur de 80 cm sur un sol en béton. Concernant l’humidité, il faut placer pendant 24 heures la machine à voter, normalement alimentée, dans une atmosphère de degré hygrométrique égal à 80% et à température de 40 °C. La résistance à un écoulement est testée en laissant l’équipement, en configuration de fonctionnement, sous un dispositif laissant écouler des gouttes d’eau (séquence de 30 gouttes à la minute durant deux heures). Pour les vibrations, il faut qu’il résiste à une heure de vibrations perpendiculaires de fréquence 20 Hz et d’amplitude 0,8 mm. Il doit également franchir l’épreuve de la température : 20 °C pendant 30 min, puis élévation à 45 °C en 30 min et maintien à cette température pendant deux heures.

Les modes opératoires concernant l’alimentation électrique (normale ou de secours), l’absence de claquage des diélectriques ou la résistance à des conditions de stockage dans une atmosphère humide sont tout aussi précis : l’organisme de contrôle peut procéder aux tests requis en suivant scrupuleusement les directives.

On peut encore trouver quelques précisions concernant la taille des touches ou des boutons, le nombre de scrutins ou le nombre maximum de candidats que la machine doit être capable de gérer.

Il n’échappe à personne que la partie la plus sensible, la plus importante de ces nouveaux dispositifs de vote reste quand même l’informatique puisque c’est là que s’effectuent les traitements puis les enregistrements des suffrages : ce sont les programmes de la machine qui sont chargés de la dématérialisation du vote puis de la sincérité du dépouillement.


Pourtant la précision des exigences se dégrade brusquement lorsque sont abordés les organes cruciaux, ceux qui concernent la sécurité, puisque les modes opératoires des tests ne sont pas énoncés. Ainsi, « les bulletins de vote doivent être enregistrés de façon aléatoire », mais il n’est pas dit comment contrôler qu’ils le sont vraiment. Or, c’est plus difficile qu’on ne le croit  : un ordinateur, par principe, n’a rien d’aléatoire.

Ou encore, « les votes enregistrés doivent être conformes aux votes sélectionnés par les électeurs. Le respect de cette exigence doit être vérifiable par des tests de conformité. » Mais les tests (de conformité) censés vérifier cette exigence essentielle ne sont pas donnés  : est-ce aux autorités de contrôle, sociétés privées, de les inventer  ?

Encore pire : « La machine à voter doit être protégée durant les opérations électorales contre tout type d’intrusion frauduleuse, à l’aide de multiples dispositifs de sécurité. » La nature des multiples dispositifs de sécurité n’est pas précisée, il n’est fait mention d’aucun mode opératoire ayant pour but de vérifier que la machine est effectivement protégée. La seule présence de "multiples dispositifs de sécurité" semble suffire, pas besoin de tester leur efficacité. Il n’est fait mention d’aucune exigence concernant la protection des dispositifs de vote électroniques hors des périodes électorales. Pourtant c’est hors des périodes électorales que les machines courent le plus grand risque d’être corrompues en vue de fausser les résultats de futures élections  : il n’y a aucun assesseur pour les surveiller.


Pour couronner le tout, il est impossible de connaître la nature des tests de sécurité effectués éventuellement par les organismes de contrôle puisque la consultation des rapports qu’ils ont délivrés n’est pas autorisée au motif que «  l’utilisation des rapports d’agrément pourrait compromettre le bon déroulement des élections », ce qui est une information très inquiétante : le bon déroulement des élections sur les machines à voter dépend donc de la non-divulgation de ces rapports. Espérons donc qu’ils n’ont pas été divulgués et que les personnes qui les ont lues (qui sont-elles ?) sauront garder le secret.


La sécurité des machines à voter est donc loin d’être prouvée. L’État ne semble pas avoir compris à quel point il est difficile de sécuriser un système informatique et de vérifier qu’il n’y a point de failles.

Comme, en plus, du fait de la nature anonyme du vote et de l’opacité de l’informatique, il n’y a pas possibilité de vérifier la conformité des résultats des dépouillements automatiques avec la volonté réelle des électeurs, dès le soir du premier tour, on sera bien en peine de prouver de manière incontestable la sincérité des résultats obtenus sur les ordinateurs de vote.


Signer la pétition

Aujourd’hui 18 avril,.12h, plus de 68 000 signatures.

Consulter le "règlement technique fixant les conditions d’agrément des machines à voter".


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