La vaccination contre l’hépatite B : une affaire de racaille ?
par Pierre Cornillot
vendredi 7 mars 2008
Les dirigeants de deux grands laboratoires, GlaxoSmithKline (GSK) et Sanofi Pasteur MSD, viennent d’être mis en examen par la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, du pôle santé publique du tribunal de Paris. Ils sont poursuivis “pour tromperie aggravée sur les contrôles, les risques et les qualités substantielles d’un produit ayant pour conséquence de le rendre dangereux pour la santé de l’homme”. En outre, Pasteur MSD est mis en examen, en tant que personne morale, pour “homicide involontaire” sur une patiente de 28 ans, décédée en 1998 d’une sclérose en plaques, selon toute vraisemblance survenue à la suite de la vaccination contre l’hépatite B. 27 parties civiles se sont fait connaître à ce jour pour des motifs comparables.
On pourrait aborder ce genre de débat sous l’angle de la dangerosité plus ou moins reconnue de ce vaccin et suivre avec attention la bataille judiciaire qui se prépare, mais ce serait à mon avis prendre la question par le mauvais bout de la lorgnette. Car le vrai problème se situe dans la gigantesque opération de désinformation et de manipulation volontaire de l’opinion qui a accompagné, toutes ces années, depuis 1994, le lancement et la réalisation de la vaccination de plus de 20 millions de Français, dont des nourrissons, des enfants en bas âge et des adolescents, et de tous ceux qui s’y sont prêtés. Bien plus, au terme d’un battage publicitaire auquel se sont associés des ministres, des sommités médicales, des directeurs d’administration centrale, des agences publiques chargées de la santé et du médicament, on a réussi à persuader les parents que cette vaccination était pratiquement obligatoire et sans danger, face à un risque follement et volontairement amplifié. Comme à son habitude, le corps médical lui-même, habilement conditionné, n’a manifesté aucun étonnement devant les chiffres stupidement enflés d’un risque en fait limité. (Le lecteur trouvera dans le n° 40 de janvier 2003 de Votre santé un article remarquablement documenté de Sylvie Simon et Jean-Marie Mora sur la question : Vaccination contre l’hépatite B : une nouvelle catastrophe sanitaire.)
A nouveau, comme pour la transfusion sanguine, l’amiante, l’hormone de croissance, se pose la grave question des dispositifs d’alerte de l’opinion et de protection des personnes qui devraient se mettre en branle devant ce genre de danger et qu’une complicité collective aux plus hauts niveaux rend impossible à mettre en place. De nouveau, ce sont des patients gravement atteints ou les familles de ceux qui sont morts qui doivent rechercher l’appui de la justice dans un contexte de silence, d’hostilité et de dénigrement. Heureusement qu’il existe des juges d’instruction de la trempe de Mme Bertella-Geffroy.
Mais, soyons honnêtes, il y a quelque chose de pourri dans le fonctionnement de notre système pour qu’aucun de tous ces grands personnages à tous les niveaux de décision, de contrôle ou d’exécution, de cette folle équipée n’ait pris sur lui de dénoncer ce scandale, de refuser d’y être associé et d’avertir des conséquences redoutables sur la santé des personnes vaccinées. Est-il normal que les laboratoires incriminés, les personnalités poursuivies n’aient eu comme seules préoccupations que de chercher à déconsidérer les plaignants, à ridiculiser les experts et à nuire au bon déroulement de la justice ? Comment peut-on imaginer que pas un de ces acteurs n’ait même un sursaut de dignité pour dire toute sa honte d’avoir manœuvré ou de s’être fait à ce point manipuler ? Les termes de racailles, de voyous ne devraient-ils pas s’appliquer à cette catégorie de personnes ou bien notre chef de l’Etat les réserve-t-il aux seuls représentants des catégories sociales les plus réprouvées qu’il poursuit si aisément de sa vindicte ?
La procédure judiciaire va se dérouler selon son rite immuable, les souffrances des patients et de leurs familles seront soupesées sous les sarcasmes des parties adverses, le Conseil de l’ordre des médecins et les représentants de l’industrie pharmaceutique ne souffleront pas mot, et il ne nous restera plus qu’à attendre la catastrophe sanitaire suivante en observant, comme pour l’amiante et la transfusion, que c’est encore l’Etat qui sera prié de mettre la main à la poche, c’est-à-dire nous.
Peut-on émettre le souhait que la justice frappe enfin là où ça fait mal aux acteurs de ces horreurs, le portefeuille ? Quand des laboratoires n’ont pas hésité à dépenser des sommes astronomiques pour promouvoir des produits dangereux, la justice voudrait qu’ils soient pénalisés à la hauteur de leur faute et de leur profit. S’il est exact que la campagne de vaccination contre l’hépatite B entre 1994 et 1998 a coûté 10 milliards de francs, nous avons là l’ordre de grandeur des sommes que ces laboratoires devraient reverser aux plaignants et à la Sécurité sociale, compte non tenu de la réparation des préjudices provoqués. Vous me direz : on peut toujours rêver ! Soit ! Mais il faut bien comprendre que des groupes industriels aussi puissants ne modifieront leurs pratiques que si cela leur fait extrêmement mal. Autrement, ils recommenceront...