Le 13 novembre : et après…

par Michel DROUET
mardi 17 novembre 2015

« Pas de stigmatisation », « Nous devons dépasser nos différences pour faire front à la barbarie », « Toutes les religions sont paix et amour »… Tels sont quelques propos entendus diffusés sur les principaux médias.

Pas si clair que ça…

A y regarder de plus près, les religions de « paix et d’amour » peuvent être dévoyées au nom d’un intégrisme qui se transforme parfois en appel à la stigmatisation, voire l’extermination de ceux qui ont le tort de ne pas vivre en harmonie avec telle ou telle doxa. Toutes les religions ont été, sont ou seront porteuses de ses dérives et leur aptitude à les régler en interne ne sont pas toujours avérées.

Est-on libre de vivre une religion qui n’est pas celle d’un pouvoir théocratique en place ou fortement soumis à la religion et qu’est-ce qui se passe si l’on enfreint les règles établies par ces intégristes ? La réponse est donnée en Syrie et en Irak dans les zones administrées par Daesh, avec bien évidemment la tragédie subie par les Yézidis, mais aussi en Birmanie où la chasse aux musulmans Rohingas est organisée par des Bouddhistes extrémistes. La réponse vient également de pays dans lesquels la contestation du pouvoir en place, qui utilise le dogme religieux à son unique profit, décrète que les femmes ne sont pas l’égale de l’homme ou que des populations entières doivent vivre avec moins de droits. L’interprétation des textes sacrés est alors vue comme un instrument de domination.

Les exemples dans le monde sont nombreux qui nous donnent à penser que la gouvernance par l’homme est souvent polluée, instrumentalisée, quand elle n’est pas totalement soumise à d’autres règles non écrites ou interprétées, qui tendent à s’imposer au corpus légal ou à en diminuer la force lorsque une ou plusieurs religions s’immiscent dans la vie publique.

Et en France ?

« Dieu merci ! » Nous sommes a priori épargnés par cette mainmise du religieux sur les affaires publiques, sauf bien évidemment lorsque des évènements tragiques viennent nous bousculer dans cette certitude fasse à une organisation terroriste qui cherche à faire éclater notre consensus national et à nous imposer par la violence un mode de vie qui est étranger à la majorité des citoyens de notre pays. Et là, on entend tout le monde dire que la religion ce n’est pas ça, que la majorité des croyants dans notre pays sont des gens intégrés qui ne cherchent jamais à remettre en cause l’ordre républicain établi.

J’ai tendance à croire ce qui est dit. Mais cette certitude est parfois bousculée par des revendications ou agissements, certes marginaux mais qui ne demandent qu’à s’amplifier par l’endoctrinement d’esprits faibles voire par des alliances politiques ou philosophiques opportunistes. 

Du 7 janvier au 13 novembre

Que peut-on dire de plus depuis le 7 janvier, sinon que la barbarie est montée d’un cran ? A y regarder de plus près, il sera difficile de se retrancher derrière quelques arguments de bas étages justifiant les actes du 7 janvier : tous les « oui, mais » relatifs aux massacres de Charlie Hebdo et de l’hyper casher, pour dire « Ils l’ont bien cherché ».

Plus d’excuses aujourd’hui, car ce massacre a touché toutes les composantes de notre Nation et en particulier les jeunes en devenir, sans distinction de religion, d’opinion ou de couleur de peau. Les terroristes ont envoyé un message on ne peut plus clair pour ceux qui n’avaient pas voulu le comprendre après le 7 janvier. Ce sont nos valeurs, nos modes de fonctionnement, de vie, notre culture, notre multiculturalisme devrais-je dire, et notre histoire, qui ont été visés le 13 novembre.

Restera-t-il quelques imbéciles ou idiots utiles pour trouver des excuses à ce massacre ?

La laïcité bafouée

Il est indispensable de se souvenir du caractère laïc de la France qui fait sa singularité vis-à-vis des religions. J’avais été étonné en janvier de l’importance donnée aux religions dans le débat qui a suivi les évènements et de la précipitation de l’exécutif et du Gouvernement vers les lieux de culte des trois principales religions présentes dans notre pays oubliant de fait les victimes qui n’en faisaient pas partie.

J’avais été rassuré lorsque le mot « laïcité » avait été prononcé, comme un rappel à cet héritage commun qui doit nous guider. Dire que j’ai été déçu par l’usage qui en a été fait par la suite ou même de l’entreprise de déconstruction de ce mot est un euphémisme.

Entre ceux qui ont associé la laïcité à un « cheval de Troie de la banalisation du racisme par nos élites » ou à une pratique quasi occulte et non dénuée d’arrières pensées de la part de « laïcards bouffeurs de curés » ou bien encore les mesures à l’eau tiède prises par la Ministre de l’Education, on constate un écart majeur entre les valeurs portées par la laïcité et l’usage qu’on en fait, ou pas.

Que faire ?

C’est la notion même de vivre ensemble qui doit être redéfinie autour du concept de laïcité existant, en se rappelant que ce vivre ensemble et cette laïcité ne sont pas la somme des exigences de chaque religion par rapport à l’éducation, à la place des femmes, aux codes vestimentaires, ou à l’exercice des cultes, par exemple, mais une ligne de partage bien définie et infranchissable. Cela passe bien évidemment par une prise de conscience par chacun des cultes de leurs propres limites quant à leur intervention dans la vie et l’espace public.

Des mesures législatives et réglementaires et leur traduction répressive devront être prises afin de garantir ce socle commun de libertés.

A qui faire confiance ?

Difficile de faire confiance aux élus qui par lâcheté, opportunisme ou simple calcul politique se sont évertués à mettre soit la question sous l’étouffoir, soit à exacerber les tensions par leurs prises de positions.

Que dire de la mollesse du gouvernement actuel après le 7 janvier sur le thème de la laïcité, sinon qu’elle procédait sans doute de la volonté de ne pas faire fuir l’électorat musulman ? Lâcheté et électoralisme sont les mots qui viennent immédiatement à l’esprit.

Que dire de l’ex Président de la République avec son discours de Latran dans lequel il déclarait faire davantage confiance au curé qu’à l’instituteur : tout un programme !

Que dire enfin de la posture Du FN ouvertement laïc, mais uniquement pour stigmatiser les autres religions et une en particulier (suivez mon regard), et d’une de ses candidates aux régionales en région PACA qui, par ses propos, définit une nouvelle forme de laïcité basée sur notre « identité chrétienne ». Tout un programme là également !

 

Autant dire que le salut ne viendra sans doute pas des élus, soucieux de conserver ou de conquérir leurs parts de marchés et segmentant l’électorat croyant par simple calcul électoral.

Il faudra bien que croyants et non croyants refusent de se faire instrumentaliser et se réunissent dans la recherche d’un point d’équilibre et son application future et surtout se réunissent pour dire clairement leur refus de l’intégrisme.


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