Le désamour citoyen

par olivier cabanel
mardi 4 mars 2014

A quelques jours des municipales, l’abstention pourrait atteindre des sommets, car les français, constatant le spectacle accablant donné par les acteurs politiques, quel que soit leur camp, se sont installés dans un désamour de la politique telle qu’elle est exercée aujourd’hui.

Il y a en effet de quoi les comprendre…au-delà des promesses non tenues du président actuel, tout comme celles de son prédécesseur, on ne compte plus le nombre d’élus qui, pris le doigt dans le pot de confiture, condamnés, reviennent la bouche en cœur réclamer innocemment une nouvelle fois la voix de leurs éventuels électeurs.

Graziella Riou Harchaoui, et Philippe Pascot, dans leur livre « délit d’élus », sorti le 27 février (résume assez bien la situation, en affirmant : « plus tu es truand, plus tu as de chances d’être réélu », et citent les nombreux exemples d’élus qui, pourtant condamnés par la justice, se retrouvent au devant de la scène, comme si de rien n’était : un ancien ministre n’a-t-il pas signé un moratoire qui lui permettra de régler sa dette en 162 ans  ? lien

Georges Frêche affirmait avec un certain cynisme : « j’ai toujours été élu par une majorité de cons  » ? lien

Patrick Balkany condamné en 1996 pour avoir payé les services de son jardinier, de sa gouvernante, et de son homme à tout faire, grâce à la caisse de la mairie, déclaré inéligible pendant 2 ans, s’est tout de même représenté à Levallois-Perret et a été réélu en 2002 dès le premier tour, alors qu’il devait encore rembourser 123 000 euros à sa municipalité. lien

Le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, condamné en 1997, a bénéficié d’une réhabilitation en 2007 en vertu d’une disposition du code pénal. lien

Idem pour Alain Juppé, Harlem Désir, Henri Emmanuelli, tous condamnés, et réélus. lien

Aucun élu, aucun parti n’échappe à la règle : le front national, qui est rarement arrivé « aux affaires », non plus, puisque Jean-Pierre Calone, le maire adjoint FN de Toulon traine quelques casseroles : il a été condamné en 2000 en 12 ans de réclusion criminelle pour viol, (lien) puis en 2011, à 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende, pour corruption cette fois. lien

A l’UMP, pas mieux, Alain Agostini, conseiller municipal d’Orange, a écopé de prison avec sursis pour proxénétisme aggravé en bande organisé. lien

Une liste plus complète est sur ce lien et une vidéo concernant tous les partis est ici.

Il s’en est fallu de peu que Jérôme Cahuzac ne se représente aux législatives partielles de Villeneuve sur Lot, malgré l’affaire que l’on connait, et s’il l’avait fait, il est probable qu’il aurait été réélu. lien

Celui qui, après avoir dit « les yeux dans les yeux  » qu’il était innocent de ce qu’on l’accusait, après avoir finalement reconnu qu’il était bien coupable, juge maintenant être « le bouc émissaire idéal de toutes les turpitudes politiques  ». lien

On pourrait aussi évoquer la carrière de Serge Dassault, 10ème fortune du pays, (lien) qui, après de nombreux essais infructueux depuis 1974, a finalement décroché son premier mandat politique en 1983 à la mairie de Corbeil-Essonnes, puis en 1988 il devient conseiller général, en 1986, député, et enfin conseiller régional, avant d’obtenir un siège de sénateur en 2004, à 79 ans.

En 2009 le Conseil d’Etat invalidera son élection de mars 2008, reconnaissant l’existence de dons d’argent de sa part à destination des habitants « de nature à altérer la sincérité du scrutin ». lien

Or il est de nouveau l’objet de la curiosité de la justice, car elle vient de découvrir une liste de 130 noms qui détaille des dons et avantages à ces bénéficiaires. vidéo

Ce document daté entre décembre 2009 et janvier 2010 consiste en une liste d’électeurs de Corbeil-Essonnes, avec une colonne ou figurent les mentions « payé  » ou « non payé », et 70 personnes sont concernées par des dons allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros, justifiés par « des prêts pour monter une entreprise, des financements de permis de conduire, des dons de nature très diverses dont par exemple « 1000 euros pour payer une amende  »…quand aux autres, il s’agirait de 45 jeunes ayant, d’après la liste que s’est procuré Libération, bénéficié d’un contrat aidé à la mairie de Corbeil-Essonnes.

Vraisemblablement, Dassault va être donc de nouveau entendu par la justice qui pourrait l’ajouter à la liste des 5 personnes déjà mises en examen dans ce dossier.

Il s’agit de l’actuel maire de Corbeil-Essonnes, Jean-Pierre Bechter, de Cristela de Oliveira, seconde adjointe dans cette municipalité, de Jacques Lebigre, de Younès Bounouara, et de Mamadou Kébé, soupçonnés d’être les intermédiaires dans cette affaire d’achat présumé de voix. lien

Oublions Dassault pour évoquer Jean-François Copé :« Le Point » vient de lancer un pavé dans la mare, évoquant une vilaine affaire de surfacturation d’un montant de 8 millions d’euros, dont se serait rendu coupable le nouveau patron de l’UMP, accusé d’avoir favorisé une société amie, la société Bygmalion, avec l’argent de l’UMP. lien

Cette société, peu réputée pour sa transparence, s’était vu confier, sans appel d’offre, la campagne présidentielle de l’ex président de la République. lien

Personne n’a oublié les suspicions dans son propre parti lors des élections internes, au cours desquelles, Copé avait arraché la présidence du parti, soupçonné par son concurrent malheureux, François Fillon, d’avoir triché lors de ces élections… Copé relançant la polémique suspectant à son tour la félonie de son adversaire, évoquant le fait qu’on ait pu faire voter des morts, comme par exemple à Nice puisqu’on y a dénombré 1178 bulletins pour 590 signatures. lien

En attendant, Copé dénonce une « chasse à l’homme  », évoquant des « méthodes dignes de l’inquisition  » et, droit dans ses bottes, affirme qu’il a toujours été dans la droiture et l’honnêteté. lien

Début octobre 2013, Raymond Avrillier, qui s’était fait connaitre notamment en « tombeur de Carignon  », à Grenoble, a permis le lancement d’une enquête qui concerne le financement d’un meeting de Sarközi à Toulon en 2011, dénonçant « de possibles faits de détournement de fonds publics » en marge de la campagne présidentielle de 2012. lien

Alors bien sur, le Greco (groupe d’Etats contre la corruption), du Conseil de l’Europe, réagit, et dans son dernier rapport, (lien) il s’inquiète, menace, dénonçant des « pratiques clairement inacceptables  », soulignant l’opacité des dépenses des élus de l’Assemblée Nationale et du Sénat, dénonçant les 385 000 euros d’indemnité représentative de frais de mandat reçu par les parlementaires en 5 ans, ce qui ne semble pas émouvoir ces derniers.

L’association « Transparency  » qui s’est attaché à dénoncer la corruption dans l’administration ou chez les politiques français, confirme dans un rapport publié fin 2012 qu’ils ne sont pas les meilleurs élèves de la classe Europe (lien) et en 2013, notre pays a obtenu la 22ème place dans le Monde. lien

Ces dérapages ne sont pas le seul apanage de la France, preuve la récente déchéance du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, qui, en prélevant régulièrement sa dime sur toutes les marchandises qui arrivaient dans son pays, est devenu l’un des hommes les plus riches du pays. lien

Il avait été emprisonné à deux reprises pour des infractions commise dans sa jeunesse, mais manifestement, les électeurs ne lui en avait pas tenu rigueur. lien

Quittons l’Ukraine pour la Turquie, ou un scandale de corruption vient d’être découvert : le président Erdogan aurait été trahi par une écoute téléphonique, et même si pour l’instant, le document n’a pas été validé par une source indépendante, l’information a jeté un légitime trouble, et de la colère en Turquie, d’autant que la corruption porte sur 1 milliard d’euros.

Dans l’échange téléphonique qu’Erdogan avait avec son fils, il conseillait à celui-ci de se débarrasser de 30 millions d’euros  : « fils, ce que je veux te dire, c’est de faire sortir tout ce que tu as chez toi, d’accord ? », son fils lui répondant  : « qu’est-ce que je peux avoir chez moi ? Il n’y a que l’argent qui t’appartient ». Le total de la discussion est sur ce lien.

Le gouvernement turc avait déjà été mis sur la sellette en décembre dernier lors de l’arrestation de 3 fils de ministres, le PDG d’une grande banque publique, et plusieurs hommes d’affaire compromis dans une affaire de corruption. lien

Et ne parlons pas de l’Italie où la corruption politique se monterait à 60 milliards d’euros par an. lien

Tant que la politique permettra aux élus de s’enrichir, les élections continueront d’attirer des femmes et des hommes peu recommandables, d’autant que, même lorsqu’ils ne sont plus en place, ils continuent, pour les plus importants, à avoir des avantages hors norme : bureau, garde du corps, voiture de fonction, frais de fonctionnement, et retraites démesurées.

Alors comment s’étonner aujourd’hui du désenchantement qui frappe les électeurs, qui pourraient le démontrer en s’abstenant lors des prochaines élections, en allant à la pêche, le jour du scrutin, ce qui tombe bien, l’ouverture de la truite étant le 8 mars 2014. lien

Comme dit mon vieil ami africain : « il n’y a pas la place pour plusieurs crocodiles dans le même marigot ».

L’image illustrant l’article vient de « egotusum.wordpress.com ».

Merci aux internautes de leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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