Le mythe de l’identité française

par olivier cabanel
mardi 30 août 2016

C’est au nouveau candidat de LR, un certain Sarkösi, lequel avait pourtant promis de quitter la scène politique, (lien) que nous devons d’avoir vu ressurgir ce vieux débat, celui de l’identité française. Mythe relancé par la droite extrémiste, et ça a aussi été le thème de l’une des rencontres de Pétrarque, à Montpellier.

Cette question posée a réveillé les vieux démons du nationalisme au pire des moments, celui où des fanatiques manipulés, se revendiquant d’un islam mal lu, voire mal digéré, font régner la terreur dans notre pays, et ailleurs.

Ces rencontres de Pétrarque avaient donc invité pour sa 30ème édition Rachid Benzine, un intellectuel musulman, chargé de cours à l’institut d’études politiques d’Aix en Provence, Patrice Maniglier, maitre de conférence à Paris Ouest Nanterre et Louis-Georges Tin, professeur de littérature française à l’Université d’Orléans, afin de débattre sur le thème : « interroger la France et ses valeurs ». lien

Si Rachid Benzine s’est voulu consensuel, posant le tableau d’une France symbole de liberté, d’égalité et de fraternité, évoquant le manque d’une passion qui serait purement française, l’approche de Patrice Maniglier a été décisive pour poser le débat, créant des tensions.

« Si on veut défendre des valeurs, on part perdant. Les valeurs, c’est quelque chose qu’on invente, à partir d’une histoire collective (...) « France », pour moi ca n’a aucun intérêt, je n’ai pas besoin d’un mythe national, qu’est-ce que c’est que la France : une entité juridique, un état (...) je ne suis pas d’accord de défendre les valeurs d’un état français, il n’y a pas de culture française (...) l’identification « France » doit être mise sur le même plan que « masculin, féminin, ou autre », sur le plan sexuel, que l’identification « noir, arabe, ou provençal ou etc. »..(...) l’identification ? Personne n’y adhère pleinement, et ceux qui y adhèrent ont un problème (...)ne cherchons pas à donner un concept à ce mot France » et Georges Tin de conclure : «  il y a 67 millions de définitions de la France  »

Au-delà de ce débat passionnant dont on peut découvrir l’intégralité sur ce lien, quelle est la fable que se racontent les tenants d’une identité française ?

Des ancêtres gaulois, un empereur couronné en 800...inventeur de l’école... une bergère qui prend les armes pour mettre un roi sur le trône avant de partir en fumée, et un petit caporal porté par la volonté de devenir empereur et de mettre l’Europe à feu et à sang...

Pourtant les historiens, du moins ceux qui privilégient l’investigation, rappellent que ce mot « France » vient de « Francs », lesquels n’était au fond qu’une tribu germanique, que Charlemagne siégeait à Aix la Chapelle, et non pas en France, que Jeanne d’Arc n’a finalement pas été consumée sur un bucher, et que Napoléon avait dès sa plus tendre enfance une profonde haine des français, ainsi que l’a dévoilé preuve à l’appui le grand historien Henri Guillemin, dévoilant les courriers que le futur empereur envoyait à ses amis corses.

Extrait : « féroces et lâches, les français joignent au vice des germains, ceux des gaulois. C’est le peuple le plus hideux qui ait jamais existé  » avait écrit Bonaparte. vidéo

Mais revenons à notre 21ème siècle, et allons pragmatiquement faire un tour à Orange, ou règne depuis quelques années un certain Jacques Bompard, lequel se défend d’être membre du FN, trouvant ce parti trop timoré, trop laxiste, et qui a une certaine idée de « l’identité française » comme il le prouve chaque jour qui passe dans sa « bonne ville ».

Sonia Kronlund, dans son émission « les pieds sur terre » a présenté en 2014 l’enquête menée par Benjamin Hû et Marie Plaçais. lien

Les enquêteurs ont fait le constat accablant d’une municipalité qui, élue depuis 1995, a décidé de mettre en place une véritable ségrégation, de façon à écarter de sa commune toutes les communautés non blanches mettant en place nombre de mesures destinées à appliquer cette politique, en commençant par l’enlèvement de tous les bancs publics...

Attachons-nous d’abord à découvrir la personnalité de son maire, Jacques Bompard : membre actif de l’OAS pendant la guerre d’Algérie, il refuse qu’on lui appose l’étiquette « extrême droite », alors que précédemment il a été militant du groupe fasciste Occident, puis adhérent d’Ordre Nouveau, et finalement cofondateur du Front National.

Dans cette commune sont arrivés, après l’indépendance de l’Algérie, de nombreux rapatriés, et notamment une forte communauté harki, suivie par une immigration d’Afrique du Nord.

Extraits : « lors d’une réception organisée le 4 novembre 2012 par la mairie, au cours de laquelle étaient invités des membres du « bloc identitaire », dont Mario Borghezio, député européen, appartenant à ce parti d’extrême droite, lequel à prononcé cette phrase : « vivent les blancs de l’Europe, vive notre identité, notre ethnie, notre race  ». (il a écopé d’un procès pour racisme) lien

« les gens ont peur, ils ne parlent plus », déclare l’une des élues de l’opposition, Anne-Marie Hautan, du groupe EELV, « mais qu’est-ce que c’est qu’une société, qu’une démocratie, dans laquelle les gens, les éducateurs sportifs, les gens qui s’occupent de la jeunesse, les associations, le quidam du coin, a peur de parler, par peur des représailles ?...(...) Bompard, il n’aime pas les pauvres (...) auparavant vous aviez un transport public par bus, qui touchait tous les quartiers, (...) la zone marchande est dans le quartier sud, les quartiers pauvres sont au Nord, sans bus, c’est mission impossible. Il a réduit les navettes au fur et à mesure du temps qui passait, et il les a supprimé en été, et lorsqu’on discute de ce sujet en conseil municipal, on découvre qu’aujourd’hui l’objectif est de supprimer tout simplement les transports publics ».

Sur ce lien, une scène quasi surréaliste d’un conseil municipal d’Orange.

Mais pourquoi supprimer les bancs publics ?

l’élu écologiste répond : « la municipalité pense que sur les bancs se trouvaient des gens qui n’étaient pas fréquentables, ils s’assoient sur les bancs et en deviennent les propriétaires, donc autant les enlever, on va mettre des pots de fleurs parce qu’il faut pas que les arabes viennent s’assoir sur les bancs (...) la municipalité fait la chasse aux jeunes, ceux des quartiers nord, moins pâles que moi, de couleur de peau, les cheveux moins clairs, si vous voyez ce que je veux dire, ils sont tout le temps arrêtés, les gamins ils viennent plus en ville, donc il y a une vrai ségrégation, on est vraiment dans une politique d’apartheid  ».

Un peu surpris par le terme employé, le journaliste décide de faire un tour dans ces fameux « quartiers Nord ».

il découvre de nombreuses voitures, vitres ouvertes, occupées, et interroge l’un des occupants : « toute la journée on se case là, on est tous mis à l’écart, y a rien pour nous, les gens sont debout toute la journée, y a pas un banc, ici les jeunes sont lâchés dans la nature, quand on va en ville, on est mal vu, je rentre dans un magasin, ils nous suivent (...) les racistes, moi je n’y croyais pas, y a que ça, que des racistes, ils nous ont tous mis dans le même sac, alors moi je les mets tous dans le même sac ». lien

Par endroits, au pied des immeubles des quartiers nord, les ordures ne sont même plus ramassées, malgré les demandes réitérées des citoyens indignés. lien

Ce reportage est en mettre en parallèle avec un autre témoignage, celui du britannique Hanif Kureishi, un écrivain d’origine indienne interviewé le 27 aout dernier sur l’antenne de France Culture. lien

Interrogé sur son intégration en Grande Bretagne, l’écrivain raconte avoir subi le racisme, prêt même à changer de nom : « je me suis dis non, ce n’est pas moi qui doit changer, c’est la société qui doit changer (...) grâce à la pression des groupes antiracistes, on a vu que le pays a évolué vers une société multiraciale (...) c’était un patchwork de race, de religion et de groupes, avec une nouvelle identité britannique (...) et c’est soutenu par une majorité de la population (...) à Londres je vis dans une rue, et tous les voisins du coté gauche sont français, les français se plaignent des migrants, en France, et à Londres nous nous plaignons des émigrés français parce qu’ils mangent de la nourriture française, ils mettent des vêtements français, ils se fréquentent entre eux, et ils parlent une langue que personne ne comprend.

De l’autre coté de la rue, il y a des somaliens, et des toxicomanes, mais tout le monde vit bien ensemble, tout le monde s’entend bien, et personne ne se tue pour des raisons de religion.

Il me semble que c’est une situation qui va bien, et il serait idiot de vouloir avoir une identité qui serait semblable pour tout le monde...ce qui détruit la ville de Londres, ce n’est pas les italiens, les somaliens, ou les français, ce sont les riches qui vivent à Londres... ». lien.

En France, la farce du burkini a fait long feu, et si quelques élus font encore front, décidés à ne pas perdre la face, l’affaire est entendue, mais elle est révélatrice du nouvel état d’esprit d’une partie de nos concitoyens.

Comme dit mon vieil ami africain : « nous n’avons qu’une seule terre, nous ne sommes qu’un seul peuple, les terriens ». 

L’image illustrant l’article vient de www.mdcu-comics.fr

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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