Le nombre dort

par exosphene
mardi 19 mai 2015

Au regard de notre actualité, j’en arrive à me poser la question de l’intérêt véritable pour nos élites, d’imposer, et maintenir la population dans une forme de léthargie républicaine.

La léthargie d’après le Larousse c’est « un état pathologique de sommeil profond et prolongé, sans fièvre ni infection, caractérisé par le fait que le malade est susceptible de parler quand on le réveille mais oublie ses propos et se rendort promptement. »

Quelle est le processus de cette pathologie collective ?

Cela passe par la compréhension de la norme établissant le modèle du citoyen parfait, « celui qui va voter » et qui légitime le système par son obligation de devoirs, pour conserver ses droits.

Cette approche de forme, est inculquée pour occulter une approche de fond, élitiste (où le terme "devoir", prend un tout autre sens).

Ce citoyen, consommateur de prêt à penser, s’imprègne alors d’un débat public circonstancié par le besoin d’une élite.

Influencé par les beaux discours, faisant éloges des valeurs républicaines démocratiques, le citoyen modèle fera déférence aveugle à ces représentants par conscience citoyenne.

Ce n’est pas que ce nombre-là, ne soit pas en mesure de penser par lui-même, c’est juste qu’il éprouve le besoin d’un optimisme sociétal, rassurant.

Dans notre société d’économie de marché, ce citoyen conditionné, se transforme en consommateur pris de frénésie, abusé par la fièvre du climat contextuel.

(Ce comportement sociétal survient surtout au moment des élections, et des soldes, si tant est, que l’on puisse considérer la démocratie et la république comme étant un bien de consommation, allez donc savoir)


Comme si, le fait d’occulter la réalité des problèmes, suffisait en soi pour les solutionner par l’oubli, ou des réductions complotistes.

Ne pas s’attaquer aux problèmes, présente deux grands avantages.

L’inconvénient à dissimuler les problèmes, est de fausser la réalité des choses. Logiquement, ils s’accumuleront, s’amplifieront, pour aboutir à un effet domino, dévastateur.

(Le déni de réalité est-il une option démocratique ?)

C’est en conscience de ces réalités, et par ce processus que les élites imposent et orientent les débats de société.

A toute action nait une réaction et à toute réaction s’impose une solution.

Il suffit à l’élite d’offrir en pâture un élément perturbateur pour affoler les ouailles.

Le troupeau perdu tergiverse, il éprouve vite le besoin de se trouver le chef à suivre, qui à défaut d’être le plus compétant, saura témoigner d’un opportunisme rassurant, (à défaut de dire politiquement correct, je nuancerai plutôt par le terme politiciennement correct).

Devant ce besoin, à point nommé, l’élite discrètement s’impose par le jeu d'influence d'intermédiaires dévoués à sa cause. Le troupeau désorienté, devient alors conciliant et passe sous son contrôle. Il renoncera sous l’influence de l’inertie de son nombre à objecter la solution proposée. (Comme dit le vieil adage, il est forcément, beaucoup plus facile d'avoir tort à plusieurs que raison tout seul).

Plus le nombre est important plus l’élite est crédible donc légitime.

Le risque pour une élite, est de perdre cette crédibilité par la désaffection de ses troupes.

Cette perte de crédibilité, risque de poser la question de la légitimité de l'élite en place.

Pour l'heure, force est de constater que la perte de crédibilité de nos élus n'impacte nullement leur légitimité. Ils sont constamment réélus !!!

Par quels moyens cette élite arrive-t-elle à ce résultat, quels garde-fous s'est-elle octroyée pour être protégée de la sorte ?

L’excellence de ce principe, se retrouve par l’expression du scrutin républicain (dire qu’il soit encore vraiment démocratique est une autre affaire, mais je vais y revenir).

Plus le nombre de votant est important plus le gouvernement est légitime.

On comprend mieux pourquoi certains vont jusqu’à vouloir imposer, le vote obligatoire.

Les dernières élections françaises en disent long sur la situation.

Un fait a tout particulièrement attiré mon attention, la relativisation par les politiques et la presse, du taux d’abstention 50%, « il y a déjà eu pire. » Tous se sont congratulés que le record d’abstention n’ait pas été battu.

Que les médias et nos politiques ne s’émeuvent pas d’un tel score, me pose question.

De quoi cette attitude témoigne-t-elle ? D’un dédain à l’égard des abstentionnistes, de leur médiocrité d’analyse, où cache-t-elle finalement une autre réalité qui leur donne une bonne raison de banaliser cette information.

Pour nos politiques ce nombre dort, enfin, c’est comme cela qu’ils se complaisent à l’interpréter.

C’est un potentiel de réserve de voix qui n’a pas été touché par les arguments de campagne, et qui reste à convaincre.

Le discours officiel est convenu : Ce sont des citoyens déçus, ou peu responsables, en tout état de cause, ils ne témoignent pas du civisme qu’impose le devoir républicain, ils mettent en danger la démocratie par leurs désengagements.

Dans les débats, juste après l'élection, cela fait l’objet de commentaires pendant quelques secondes, ensuite, journalistes et politiques, comme à l’accoutumée, passent des heures à scruter les résultats des différents partis politiques, chacun se congratulant de sa performance. A les écouter, ils ont tous gagné, (et dans le fond ce n’est pas faux).

Les personnes habituées aux réunions, ont certainement remarqué, un point caractéristique de forme.

Lorsque qu’une élite est embarrassée par le développement de points sensibles de fond, elle a pour habitude d’y faire allusion dans les toutes premières secondes, lorsque les participants sont à peine arrivés, afin de noyer le sujet sensible sous un ordre du jour forcément chargé, permettant ainsi d’en réduire les réactions et annihiler son développement.

Si vous voulez avoir la vraie info, attachez-vous aux sujets, où tout est mis en œuvre pour éviter d’en parler, c’est pourquoi les toutes premières secondes demandent une très grande écoute, parce que le sujet risque bien de ne plus revenir, il sera simplement évoqué au titre de détail.

Réduire au rang de détail 50% d’abstention, et voir se gargariser les élus de leur score, a de quoi en indisposer plus d’un.

Avoir 25% de voix de 50% des inscrits pour moi signifie que seul 12.5 % des Français adhèrent aux idées de campagne.

Et lorsqu’un élu au second tour gagne avec 50.1% des voix, cela ne représente que 25% des français, pour peu que les votants du premier tour y soient retournés au second, ce qui n'a pas été le cas dans de nombreux endroits.

Est-ce que cette réalité permet de voir naître dans notre pays des consensus nationaux ?

 

Une autre approche est possible.

Celle qui considère le droits d’égalité de tous les Français, c'est-à-dire le droit ou pas, d’exprimer leurs soutiens aux différents candidats.

J’entends par là, qu’il est tout à fait compréhensible et légitime pour les citoyens se sentant exclus de notre société, qu’ils expriment leurs mécontentements, en refusant de légitimer une élite, qui ne leur apporte rien de bon.

La réalité de l’interprétation usuelle des résultats par une justification de l’abstention au titre « de mépris des devoirs envers la république », est une atteinte à l’esprit d’égalité qui s’applique à tous les citoyens. Ils sont parfaitement dans leurs droits d’estimer que leurs devoirs est de refuser de cautionner l’élection d’élus qui ne les représentent plus.

La citoyenneté est un état, où il est donné à chacun, de pouvoir définir ce qui relève de ses droits et de ses devoirs au sein de la république dans l'esprit des droits de l'homme.

Elle n'est nullement le privilège d'élus se vantant de pouvoir la distribuer à leur bon gré comme argument de vente électorale. Il n'y a pas de bons ou mauvais citoyens, il y a les citoyens, et le rôle d'élu est de prendre en compte le peuple dans sa totalité. L'abstention est la conséquence de leur incapacité politique à pouvoir résoudre les difficultés d'une partie de la population.

Par analogie, ne pas tenir compte de l'abstention, place ces citoyens dans la position du fils banni déshérité par son père au bénéfice de son frère, ce qui est fondamentalement contraire à l'esprit des droits de l'homme.

Ne prendre en compte dans une élection que le taux de participation, en écartant l'influence du taux d'abstention, c'est utiliser le vote comme outil de discrimination sociale.

 L'article 1 des droits de l'homme est assez explicite sur l'esprit à appliquer en pareilles circonstances.

"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune."

Ce qui en soi, rend l’abstention comme une expression tout à fait valide du suffrage universelle, dont il faut tenir compte.

"Vous me direz, il y a le vote blanc ou nul : Lorsque les gens votent blanc ou nul, de par leur geste, il vote pour un système auquel ils adhèrent sous sa forme actuelle, bien qu'ils expriment un désaccord avec les hommes politiques qui les représentent. Néanmoins lorsque ceux-ci sont élus, tous ces votes blancs ou nuls auront participé de manière directe à leur élection, qu'ils le veuillent ou non.

En lisant ce qui suit vous comprendrez mieux le teneur de mon propos.

Le problème est : L’impact du suffrage abstentionniste, pourtant bien réelle, n’est pas pris en compte.

 

Elections législatives

Pour être élu député, le candidat doit obtenir :

Source : interieur.gouv.fr

 

Au premier tour, 25% des inscrits et 50% des votants cela représente 12.5% des inscrits.

Ce candidat sera élu au premier tour avec 87.49 % d’abstention !!!

Au second tour, pour pouvoir participer, il lui faut représenter à minima 12.5% des inscrits soit un français sur huit.

Imaginons qu'un seul candidat atteigne 12.5% au premier tour, il n'a plus de rival, au second tour, considérons que les votants du premier tour ne soient pas très motivés pour aller voter au second tour faute d'enjeu, et que les votants des autres candidats éliminés, choisissent de ne pas y retourner au second tour, ce candidat pourrait être élu avec une seule voix.

Oui, ce candidat pourrait être élu avec 99.99% d'abstention !!!

 

De quoi parle-t-on ? De scrutin démocratique ou d'aberration démocratique.

Un tel système s’autoalimente, il n’a pas besoin du peuple mais juste besoin de ses propres voix pour se maintenir.

Enfin, dire qu'il n'a pas besoin du peuple est un bien grand mot, et je vais vous exposer mon point de vue.

Vote blanc ou nul

Si vous avez 40% d'abstention et 10% de vote blanc ou nul, l'interprétation du résultat n'est pas le même que si vous avez 50% d'abstention.

Si le candidat gagne il représentera officiellement les 50% de votants exprimés + les 10% population ayant participé, exprimant ou non le suffrage par les votes blanc ou nul, soit 60% des inscrits.(je dis bien participé, vous l'aurez certainement remarqué, aux dernières élections le terme participation à largement primé sur celui d'abstention, la presse nous a fait le coup "du verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.")

A 60% la pratique de la république par ses représentants n'est pas en danger, cependant les 10 % de votes blancs ou nuls posent le questionnement du respect du principe démocratique, par les représentants de la république.

 

Abstention

Si vous avez 50% d'abstention, le candidat est élu, mais il n'a l'adhésion que de 50% de la population.

A 50% d'abstention, les représentants de la république ne sont toujours pas en danger, par contre la république et la démocratie sont sur une ligne de fracture.

La crédibilités des élus est fortement entamée, ce n'est plus une question mais une affirmation.

Vous me direz c'est de la COM, ce à quoi je répondrai mais c'est exactement avec cette même COM que l'on en est arrivé là.

Ce mode de scrutin facilite grandement la communication en faveur des élus, et occulte une réalité dangereuse.

L’argumentation de ce mode de scrutin au titre « éviter le risque d’instabilité politique » a été employée de manière abusive.

Le dispositif électoral, visant à garantir l'expression du peuple, à été détourné dangereusement, au point de devenir lui-même, l’origine d’un déséquilibrage démocratique ouvrant la porte à l'instauration d'un régime autoritaire.

Il ne favorise l'élection que d'une partie de la population très largement minoritaire. Son accession et son maintien au pouvoir en est grandement facilité, par l'exclusion des populations en désaccords, qui ne veulent plus adhérer à un scrutin qui, quoi qu'il arrive, ne peut plus permettre de changer les choses.

La république et la démocratie, par l'interprétation et l'instauration de règles élitistes sont exposées à la décadence d'un risque systémique.

Beaucoup de personnes l'ont compris, mêmes si elles ne savent pas comment l'expliquer, cela s'appelle la sagesse du peuple, elles le savent parce qu'elles le vivent au quotidien, et voient bien que la situation va de mal en pis.

Ce système ne permet plus de dégager des consensus nationaux honnêtes, tout simplement parce qu'il ne permet plus la représentation d'une population, dans son ensemble et dans son égalité.

Est-on vraiment représentatif d’une population lorsqu’on ne représente plus qu'un Français sur quatre ou sur huit ?

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que certaines couches de la population ne soient plus représentées, et que l’organe politique subisse quelques désaffections.

Cette approche dichotomique du suffrage a pour effet de laisser les riches, traiter des problèmes de riches, laissant les plus démunis sans représentation.

De telles règles contribuent grandement, à l’instauration définitive sur le long terme d’une certaine élite dont les intérêts divergent de celui du peuple.

Sa reconduction électorale est grandement simplifiée, puisqu’elle ne dépend uniquement de leur capacité, à pouvoir contenter une toute petite masse de population.

Elle est de plus, exempte d’obligation de résultats sur les plus démunis, leur opposition par l’abstention étant annulée par le mode d’interprétation du scrutin.

Dans ces conditions, lorsque l’on parle d’élections de quoi parlons-nous ?

D’enjeux politiques ou de formalité politicienne.

Que se passerait-il, si l’abstention était reconnue comme expression démocratique et que la règle demandait aux candidats, pour pouvoir être élu au second tour d’être représenté a minima par 26% des inscrits ?

Je pense qu’une tout autre réalité démocratique s’ouvrirait à nous.

Cette ré-évolution démocratique n'est malheureusement pas pour demain.

Certain contourne le problème en s’essayant dans des formules révolutionnaire du mode de scrutin, ne serait-il pas plus judicieux de se poser la question des règles du mode de scrutin, dans l’esprit des droits de l’homme pour une application démocratique de la république.

Si ce nombre dort, c’est tout simplement parce que certains ont décidé de le laisser en dormance, mais en réalité « Ce nombre ne dort pas, il souffre en silence ».

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