Le premier parti de France

par olivier cabanel
mercredi 25 novembre 2015

À l’approche des élections régionales, troublées par les évènements des 13 et 18 novembre, la France en état de choc va-t-elle continuer, lors des prochaines régionales, de faire de l’abstention le « premier parti du pays » ?

En effet, « l’après Charlie » n’a pas changé la donne, et les élections départementales ont mis en évidence, une fois de plus, le fait que les abstentionnistes étaient à la tête du 1er parti de France.

Si l’on revient un peu en arrière, on constate que ce n’est qu’au début des années 80 que l’abstention a commencé à prendre de l’ampleur, et la tendance à la hausse a perduré quasi à chaque élection.

Bien sur, il faudrait différencier ceux qui ne se rendent même plus dans les urnes, et ceux qui y vont juste pour voter blanc, mais au final, c’est quand même une forme de désespoir qui habite les français qui, de déception en déception, ne croient plus à cette pseudo démocratie, laquelle ne laisse que l’alternative de voter pour le moins pire, tout en s’attendant aux trahisons, aux reniements que « l’heureux élu » n’hésitera pas à mettre en pratique.

Le taux de participation lors des dernières élections, les départementales, est passé sous la barre des 50%...et pourtant, ça a levé un soupir de soulagement chez nos élus qui s’attendaient à pire. lien

Seule l’élection présidentielle mobilise encore un peu les citoyens, mais au fil des années, même pour cette élection capitale, l’abstention grignote chaque fois un peu plus le corps électoral.

Si en 1958, l’abstention n’était que de 5,8%, d’autant que « le grand Charles » était élu au premier tour, elle a grimpé par la suite à 15% (en 1965), puis elle a atteint un sommet en 1969, (31%), les évènements de mai étant passé par là, mais par la suite elle dépassera régulièrement les 20%, avec un pic en 2002. (28,4%). lien

Nous savons déjà, s’il faut en croire les sondages, qu’elle sera de 55% lors du 1er tour, puisque plus d’un Français sur 2 n’entend pas se rendre aux urnes le dimanche 6 décembre.

Et si les républicains, alliés aux centristes, pourraient obtenir 31% des vois, suivis par le FN à 28%, le PS fermant la marche avec 23%, (lien) Il faut relativiser ces chiffres, puisque en nombre de voix, pour 44,6 millions d’électeurs, près de 25 millions d’entre eux n’iront vraisemblablement pas voter. lien

Ce qui en nombre de voix, donne un résultat accablant : seuls 30 millions auront voté, soit 9,3 millions de voix pour la droite, 8,4 millions de voix pour le FN, et seulement 6,9 millions de voix pour le parti au pouvoir aujourd’hui…

Quelle crédibilité auront encore ceux qui auront été élus avec des résultats si peu représentatifs ?

On sait que lors de l’assemblée générale d’une association, d’une administration, un vote ne peut être accepté si un certain quorum n’est pas atteint, à moins que les statuts n’aient pas décidé d’un quorum à atteindre. lien

Pourquoi ne pas appliquer cette règle citoyenne lors des élections, ce qui reviendrait à dire que si le quorum n’est pas atteint, l’élection doit recommencer, mais avec d’autres candidats ?

Le vote en commission mérite aussi le détour, quand on découvre de quelle manière tout ce petit monde vote. vidéo

Alors quelle légitimité aurait un parti, ayant obtenu seulement 9 millions de voix dans un pays représenté par 55 millions d’électeurs ?

Situation ubuesque à laquelle certains imaginent mettre fin en obligeant l’électeur à aller voter, sous peine de sanction…comme cela se pratique dans quelques pays.

En Belgique, en Grèce, au Luxembourg, au Danemark, au Liechtenstein, à Chypre, et en Belgique, c’est en effet le cas. lien

Tout porte à croire que, si cette mesure était appliquée, la situation resterait inchangée, car ceux qui iraient, contraints et forcés dans les bureaux de vote, voteraient vraisemblablement blanc, ou paieraient l’amende, amende qui peut aller jusqu’à 100 €.

On se souvient que Coluche avait dit : « si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ce serait interdit  ».

Pour quelques observateurs, l’abstentionnisme vient en partie du fait que 80% des français jugent que les politiques ne se soucient que peu, ou pas du tout, de ce qu’ils pensent. lien

Quelles autres solutions alors ?

Il est probable que si une cour suprême punissait lourdement un élu qui aurait renié ses engagements, allant jusqu’à annuler son mandat, et provoquant ainsi de nouvelles élections, des citoyens retrouveraient le chemin des urnes.

Aux USA, existe une cour suprême, capable de destituer le Président pour faute grave, et Nixon, lors du Watergate, sentant le vent du boulet passer préféra démissionner. lien

Qui peut accepter qu’un candidat, une fois élu, puisse faire volte face et se déclare, par exemple, social-libéral, ne se sentant plus vraiment socialiste, et se détournant d’une bonne partie de ses engagements ?

Probable aussi que si une loi interdisait un élu condamné à se représenter redonnerait à cette démocratie moribonde un peu plus d’allure.

C’est en tout cas, d’après un sondage récent, ce que souhaitent  85% des français, et on suppose que nos élus ont eu connaissance de ce sondage, eux qui n’hésitent pas à les consulter, voire à les organiser, sur d’autres domaines. lien

En effet, 73% des personnes consultées se déclarent favorables à une inéligibilité absolue dans des affaires de fraude fiscale, et ce chiffre monte à 85% lorsqu’il y a détournement de fonds publics.

Certains vont encore plus loin et proposent de signaler sur une carte interactive, les élus qui ont fauté. lien

François Chemillier, fondateur de « Powerfoule.org » a mis en ligne une pétition qui propose une législation dans ce sens. lien

Ce désenchantement montre bien qu’il ne s’agit pas de « paresse électorale », mais bien d’un rejet de la politique, et, fait étonnant, c’est chez les électeurs d’extrême droite que ce rejet est le plus fort, alors que le FN est le parti qui compte le plus d’élus condamnés. lien

Plus étonnant, c’est le phénomène de mithridatisation, comme le déplore Philippe Seguin, qui fait qu’au contraire, les électeurs ont la propension à voter en faveurs de candidats impliqués dans des affaires politico-financières.

De Cahuzac à Balkany, en passant par Tibéri, et tant d’autres, la réalité lui donne raison.

Alors, comme un seul homme, nos braves députés ont fait, il y a un an, une proposition de loi évoquant une inéligibilité perpétuelle, laquelle est retournée dans un tiroir dont elle mettra sans doute du temps à sortir. lien

Sans tomber dans un populisme de mauvais aloi, pourquoi aussi ne pas baisser drastiquement les salaires, et réduire les avantages des élus de l’assemblée, du sénat, des ministres et du président ?

À La Tour du Pin, en Isère, le maire à baissé son salaire, passant de 2048 € par mois à 1100 €, ce qui lui a permis d’engager un policier municipal supplémentaire. lien

Cet exemple ne sera surement pas suivi, si l’on se souvient qu’en 2011, les députés quasi unanimes, avaient refusé de baisser leurs salaires. lien

Pour être tout à fait complet il faut rappeler quand même que François Hollande avait baissé de 30% son salaire, ainsi que celui des membres de son gouvernement, mais le cumul reste possible et un ministre peut encore toucher jusqu’à 12 697 € brut par mois. lien

Peut mieux faire donc…

La carrière politique ne doit-elle pas être avant tout une vocation, non guidée par l’attrait de l’argent et des autres avantages ?

Et puis qui peut accepter qu’un ministre qui n’aura exercé sa fonction que quelques mois, ait droit à des faveurs incompatibles avec la raison…surtout par ces temps de crise ? lien

Retraite à vie, appartement de fonction, voire gardes du corps, et autres avantages… est-ce bien raisonnable ?

Certains vont jusqu’à préconiser le « vote par hasard », faisant de l’élu le porte parole du peuple, et ne lui donnant comme pouvoir que celui d’appliquer la décision du plus grand nombre…vous avez dit utopique ?

Pourtant, c’est bien la 1ère démocratie, celle d’Athènes qui appliquait le tirage au sort pour choisir ceux qui devaient diriger toutes les institutions exécutives et juridiques.

Plus tard l’Italie, puis la Suisse mirent en pratique cette règle pour lutter contre la corruption des élus. lien

D’autres vont encore plus loin, préconisant le vote au hasard, ce qui revient à voter NOUI ! lien

Comme dit mon vieil ami africain : « donne un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir ». 

L’image illustrant l’article vient de : « zgur.20minutes-blogs.fr »

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

Articles anciens

une démocratie en lambeau

l’Europe en panne de démocratie

L’Europe est-elle schizophrène ?

La jolie vie des parlementeurs

Européennes, le syndrome de Lisbonne

Les cocus de la démocratie


Lire l'article complet, et les commentaires