Le projet Hadopi : un constat qui fait honte

par Sandrine Muller
mardi 21 avril 2009

L’idée d’interroger les possibles de la création artistique bouleversée par l’internet était pertinente. En faire une lutte contre le vol de produits artistiques était un non-sens. Avoir persisté et persisté encore relève d’une incroyable gabegie.
 
Surveillance de notre vie privée sans contrôle judiciaire
 
En légalisant une procédure de répression par une autorité administrative, le projet instaure une surveillance de la vie privée qui ne garantira pas le respect de nos droits. Imaginez la possibilité donnée à des vigiles de lire vos courriers et d’agir en conséquence de leur propre chef ! Pour mémoire, accéder au contenu d’un ordinateur exige l’autorisation d’un juge qui doit délivrer une commission rogatoire aux policiers chargés de l’enquête.
 
Un pré-appel d’offres est d’ors et déjà lancé pour décider du prestataire le mieux habilité à fournir le prototype de surveillance prévoyant jusqu’à 10 000 méls, 3 000 lettres et 1 000 suspensions d’accès à internet par jour. Qui contrôlera cette machine répressive et selon quels critères objectifs ?
Cet aspect du projet fait dire à beaucoup : la Chine en a rêvé la France l’a fait. De quoi être fiers !
 
Bénéfices marchands préservés sur le dos des contribuables
 
Au nom de quelle supériorité établie des vols de biens culturels relèveraient-ils d’une procédure spéciale qui va coûter plusieurs millions d’euros ?
 
Il est déplacé, si un appareil répressif spécifique doit être financé, qu’il le soit au nom de la protection des biens et non des personnes.
Déplacé de voir organisée à nos frais la prévention des pertes financières de producteurs et artistes causées par l’avancée technologique, quand ceux-ci ont largement bénéficié de cette même avancée qui nous a contraints à racheter plusieurs fois les mêmes produits (cire/cd -vidéo/dvd).
Déplacé de financer alors que nous payons plus chers ordinateurs, clés usb, disques dur, cd et dvd vierges à cause de taxes qui compensent déjà le manque à gagner de la copie informatique.
Déplacé de voir le retour en force de majors et producteurs qui, après avoir déjà essayé (la loi précédente DADVSI) mais avec des moyens anticopies qu’ils finançaient (les DRM), reviennent en force avec l’idée géniale de faire supporter ce coût par les contribuables.
 
Déplacé le sentiment d’internautes de payer déjà suffisamment pour s’autoriser à copier ?
 
Fumisterie de la caution des artistes
 
On commence par évacuer ce qui pose problèmes : les artistes découverts grâce au "vol" de leur œuvre sur internet (Aaron, Grégoire,...), les artistes qui créent sur le net, qui n’ayant aucun droit n’ont donc pas à être aidés, les artistes comme les photographes, dont les œuvres sont par essence volées pour être vues !
 
Reste les seuls "vrais" artistes. Soit, au regard de la liste des 10 000 artistes arborée par la ministre de la Culture, beaucoup d’employés de maisons de production et d’artistes liés par contrats avec ces mêmes maisons de production. Vous imaginez la popularité au sein de sa maison de production de celui qui va reconnaître qu’il est contre le projet ? Vous iriez désavouer en public votre patron ? Dire, par exemple, qu’il vous alloue le même pourcentage toujours aussi minime quand lui s’est considérablement enrichi depuis des années ?
 
Mépriser les artistes qui innovent avec difficulté et lever les autres contre leur public s’appelle en France aider la création !
 
Députés à la botte du gouvernement
 
Selon le règlement de l’Assemblée nationale, « Les votes émis par l’Assemblée sont valables quel que soit le nombre des présents si [...] le Bureau n’a pas été appelé, sur demande personnelle du président d’un groupe, à vérifier le quorum en constatant la présence de la majorité absolue du nombre des députés ». Les présidents des groupes de la majorité n’étaient pas présents dans l’hémicycle pour demander à vérifier le quorum. Le vote devait avoir lieu.
 
La loi est donc votée. De quel droit il est décidé de procéder à un nouveau vote ? Pourquoi les autres lois votées avec un nombre réduit de députés n’ont pas fait l’objet d’une telle procédure d’exception ?
 
Il faudrait également croire à l’absence de conscience professionnelle d’autant de nos députés pour une loi controversée et largement débattue dans les médias ? Sachant que le vote n’est pas secret et que tout un chacun saura qui a été le mauvais élève qui a voté contre ou s’est abstenu, quelle possibilité reste-il à ceux – dont certains connaissent largement mieux le sujet qu’aucun membre du gouvernement – qui en conscience et après avoir écouter leur électeurs – ce que ne peut faire le gouvernement – sont défavorables au projet de loi, mais ne veulent pas payer le prix de leur "désaveu" ?
 
Le gouvernement ordonne, les députés s’exécutent. Incroyable offense pour les représentants de la République élus par le peuple français.
 
 
Que de gâchis pour une répression qui existe déjà ! (Procureur de la république, sociétés d’édition vidéo, sociétés de production et autres / Axel F., Julien D. et autres).
 
La ministre de la Culture a mis sa démission sur la table en cas du non vote de la loi. Qu’elle n’ait pas su en son temps arrêter cette bouffonnerie et s’entourer de professionnels qualifiés en considération de sa totale ignorance du sujet justifieraient déjà largement son départ. Mais une telle démission relèverait d’une grandeur dont on doit apprendre à faire son deuil. Ou pas.
 
Une manifestation contre Hadopi est organisée le 25 Avril 2009 à 13 heures. Pour des questions de logistique (rassemblement ou défilé), il est demandé de confirmer sa présence.
 
 
 
Plus
 
Des artistes s’élèvent contre la loi Création et Internet qu’ils jugent purement répressive. Merci à eux. Lettre ouverte aux spectateurs citoyens parue dans Libération.
 
Sur les 10 000 signataires de la pétition pro-Hadopi : le décorticage de la liste par la Quadrature du Net, dont le travail d’investigation est à saluer.
 
Pétition toujours : 50 000 signataires pour la pétition anti-Hadopi du magazine SVM.
 

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