Le redressement de l’éducation nationale n’est pas pour demain

par C’est Nabum
mardi 4 septembre 2012

Ma Pré-rentrée, comme si vous y étiez …

Il est 9 h 27, la séance inaugurale de notre pré-rentrée ordinaire est enfin lancée après un café papotage qui a traîné en langueur. Madame la Principale égraine la litanie prévisible des tâches administratives qui nous tombent sur la tête. Nos supposés ancêtres les Gaulois avaient bien raison de se méfier de ce qui pouvait choir du ciel !

Comme de coutume, l'équipe de direction se présente en se repassant le microphone avec un art consommé de l'usage de cet instrument. Les professeurs viennent de recevoir le livret de rentrée et tels de mauvais élèves se plongent dans sa lecture sans trop écouter des discours fort convenus. Puis le personnel administratif et les agents sont présentés par le grand chef à la cantonade avant d'être renvoyés explicitement à leurs bureaux et leurs fourneaux. Comme s'ils n'avaient pas à connaître les professeurs …

Le tour des acteurs éducatifs se poursuit par les personnes que l'on désigne de l'heureux vocable de ressource. C'est toujours notre Principale qui tient le micro avant de donner la parole aux enseignants qui se passent d'amplification. Le message tonne, il est concis. Quelques uns osent la pointe d'humour, un nouveau papa invite l'assemblée à un apéritif. Il est heureux de constater que tous ces professionnels du discours n'ont pas perdu le sens du message bref mais audible ...

Après les salutations d'usage, l'assemblée débute dans le dur. Le bilan de l'année passée n'est pas glorieux, la cohorte précédente étant qualifiée gentiment de « difficile ». Les objectifs académiques n'ont pas été tenus, nous devrions nous couvrir le visage de honte. Car, dans ce cas-là, ça ne peut être que de la responsabilité des enseignants. La statistique est souveraine désormais et fixe la norme, qu'importe le contexte …

Le collège fait le plein. Il n'est d'ailleurs pas le seul puisque les établissements voisins sont également dans ce cas. Des inscriptions du secteur se sont avérées impossibles tandis que des appels à heures supplémentaires sont envoyés ici ou là pour assurer tous les services. On nous dira naturellement dans les médias, que la rentrée se déroule parfaitement. La maison éducation continue de plier sous les coups de la politique de lessivage du gouvernement précédent. Quant au suivant, il y a loin des intentions prochaines aux actes immédiats…

Les mauvaises nouvelles visent surtout notre section, victime déjà d'une discrimination intolérable en étant reléguée dans des locaux vétustes et très à l'écart d'un collège flambant neuf. On ne mélange pas les mauvais élèves et les enfants du Centre ville dans notre bonne ville. Pour ajouter un peu au sentiment d'abandon, il manque 10 heures d'enseignement (pour 70 élèves et seulement 4 heures au collège pour 480 élèves) et un poste de secrétaire. La rentrée sera largement influencée par ces carences qui affectent prioritairement les élèves les plus démunis. Heureusement, leurs parents ne se plaignent pas et le scandale continue dans l'indifférence de tous !

Une nouvelle conseillère principale d'éducation vient briser la léthargie ambiante. Elle évoque des changements radicaux, des mesures nouvelles qui brisent les habitudes et les représentations habituelles de la séparation des tâches. C'est le brouhaha, une petite bombe certainement à retardement qui promet de belles querelles.

Une photographie de groupe est proposée à la joyeuse troupe enseignante. Pendant que les uns posent, les agents récurent afin que tout soit prêt à l'heure. Certains se cachent pour échapper au cliché. Quant à moi, je refuse clairement cette parodie d'équipe alors qu'il manque une partie des adultes et que nous, les intervenants de la Segpa, nous sommes relégués le reste de l'année dans nos vieux bâtiments où les huisseries laissent passer tous les courants d'air du mépris de nos élus.

Le retour au calme s'impose car il nous faut examiner les dispositifs d'aide aux élèves. C'est la foire aux sigles et j'avoue y perdre mon latin, d'autant que bien souvent, ces noms disparaissent ou changent d'appellation avant que nous ayons le temps de les connaître. PPAI, PPDys, PPRE, … sont autant d'usines à gaz plus sûrement ronflantes qu'opérationnelles. Pour indispensables et utiles qu'ils puissent être, ils sont accompagnés d'une surenchère de paperasse dont le seul mérite réel est de rebuter les parents en difficulté. Je caricature à peine, hélas, c'est là qu'est l'os … Bien des mesures profitent ainsi le plus souvent aux seuls enfants qui sont très bien encadrés par des familles très au fait de leur droit !

Nous nous retrouvons une petite heure entre intervenants de notre section. C'est un temps enfin utile, loin des généralités qui ne nous concernent pas. La pause méridienne passée, nous nous retrouvons à nouveau confrontés aux informations du collège. Le cahier de texte électronique, les salles informatiques, l'inénarrable B2I, autant de choses si loin de la réalité de notre modeste paillote ! Pourquoi avoir à subir ce discours ? L'ennui gagne dès le premier jour ….

Ce sentiment de n'être pas du même établissement ne cesse de s'imposer à nous. Tout cela, parce qu'un Conseil Général, dans son immense souci d'équité, a reconstruit un collège en omettant d'y intégrer une section pour enfants sauvages, comme on disait à l'époque. Cette forfaiture étant passée inaperçue, pourquoi se gêner ?

Pendant cet exposé parfaitement technique, incroyablement soporifique au sortir du repas, immanquablement abscons pour ceux qui ne fonctionnent pas selon les mêmes modalités, je crois ne pas être tombé bien loin de la vérité lorsque j'écrivais le matin même ce petit commentaire :

« J’aimerais que des témoins extérieurs à notre grande maison assistent à ce moment si convenu, si vide, si ennuyeux, si indiscipliné pour comprendre à quel point il faudrait tout revoir dans notre système éducatif. Nous allons être noyés d’injonctions administratives, de papiers, de formulaires, de dossiers, de fiches à remplir ou à saisir, à proposer ou à anticiper sur l’année scolaire. Autant de lettres mortes, lues et exploitées par personne mais qui donnent à notre métier consistance et crédibilité aux seuls yeux d’une hiérarchie qui n’a que ça à faire ...

Alors, j’enrage de cette journée perdue quand il faudrait apprendre ce que devrait être le travail en équipe ! Face à un mammouth qui se transforme souvent en serpent de mer, on ne peut lutter et j’attends avec impatience le moment où je fermerai (pas forcément d’ailleurs) la porte de ma classe et où j’en aurai fini avec la litanie des tâches obligatoires, fastidieuses, répétitives et si ennuyeuses du début d’année. »

Voilà, vous savez tout d'une journée qui ne devrait pas être ordinaire et qui demeure si prévisible dans son déroulement insipide. Nous devons subir ce pensum avant que d'attaquer vraiment ce qui serait un magnifique métier s'il était épuré de toutes ces fadaises. Je devine que l'on va encore me taxer, à juste titre sans doute, de mauvaise foi. La modernité, l'évolution devraient constituer des aides, des outils facilitateurs. Au lieu de quoi, ils sont entraves et lourdeurs, injonctions et tracasseries, obscurité technique et langage ésotérique, affaire d'initié et secrets de spécialistes . Rien n'a changé, nous pouvons commencer l'année !

Dyscolairement leur.


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