Le service civique : effet d’une politique néo-libérale sur un dispositif civique

par florian
mercredi 19 décembre 2012

Le statut de volontaire en service civique est un mécanisme d'engagement qui a pour vocation de remplacer le service civil, lui même remplaçant le service militaire et l'objecteur de conscience. C'est un processus d'engagement volontaire qui concerne les jeunes compris entre 16 et 25 ans. Le service civique se déroule dans les structures associatives, collectivités ou autres organismes ayant pour but l'intérêt général. Les jeunes sont recrutés et touchent une indemnité d'environ 570 euros dont 465 est versé par l'État. Étant moi même volontaire et souhaitant travailler ultérieurement sur les politiques jeunesses, je me suis penché sur au cœur de ce programme.

Tout d'abord, il est important de rappeler que la réflexion de départ porte sur la création d'un dispositif remplaçant le service militaire. Outre le fait militaire et national de ce dispositif, il s'est révélé être un véritable processus de socialisation qui s'exerçait en continuité de la scolarité des jeunes français. Cependant, avec l'évolution de la société, ce système fut considéré comme obsolète et disparu. Il fut remplacé officiellement par le service civique en 2010. Cependant, ce système connait beaucoup de critique car il est perçu comme créateur de sous emploi.

On peut tout d'abord se questionner sur l'origine de ce débat autour du « sous-emploi ». Lorsque l'on se renseigne, on remarque que ce débat émane des institutions même qui l'on créé. C'est le débat principale qui à animer et anime toujours les discussions tournant autour de ce sujet depuis que ce dispositif a été mis en place. Ce que je constate, c'est qu'en imposant ce discours sur le sous-emploi, on a changé la perception même que les personnes concerné vont avoir sur ce sujet. Ainsi, la perception réelle du service civique devait être la suivante : un dispositifs censé remplacé le service militaire avec la notion d'engagement en épicentre. Dès lors que l'institution a critiqué le dispositif, la perception fictive est devenu : le service civique comme créateur de sous-emploi mais comme gage d'expérience « professionnelle » pour les jeunes. Lesquelles, ne s'engagent plus par conviction ou par obligation (en lien avec le processus de socialisation évoqué précédemment) mais par recherche d'une expérience. Cette dernière étant de plus en plus exigé lorsque les jeunes sont confrontés au monde du travail. Les pratiques décrites ci-dessus sont de plus en plus à la mode dans le monde des consultants politiques. Dans son ouvrage sur les campagnes présidentielles, Yasmina Reza rapporte les propos d'un des conseillers du candidat Nicolas Sarkozy : « la réalité n'a aucune importance. Il n'y a que la perception qui compte. »1 C'est pratiques sont issues de l'école de Palo Alto et ont pour objectif de construire une forme de déformation collective qui construit une réalité commune mais basé sur une relation causale erroné. Concrètement, cela va entrainer une pensée générale à l'égard du service civique en lien avec le monde du travail alors qu'à l'origine il est doit être un moment de transition et de don pour la « Nation ». Attention, sans faire « l'apologie » du don pour la « Nation », il est ici question d'observer la déformation d'un dispositif censée représenter cet engagement national.

 

Si l'on suit ce processus de cause à effet, on peut observer que la limite entre engagement national et emploi des jeunes est quasiment inexistante. Maud Simonet2, le service civique est une politique d'emploi déguisée car ce dispositif n'est jamais déconnecté de la question économique. En effet, les jeunes participants de ce programme sont des personnes qui ne seront pas comptabilisé dans les chiffres du chômage. Dans ce même ouvrage, Maud Simonet nous démontre que pour les plus aisées des volontaires, soutenus par leurs parents : l'indemnité est perçus comme de l'argent de poche et cela équivaut à du « super-bénévolat ». Pour les jeunes les plus précaires on parle alors de salaire et de « sous-emploi ».

Ce que je constate régulièrement, c'est que environ 80% des volontaires ou des jeunes souhaitant réaliser un service civique ont entre 20 et 24 ans et sont titulaire d'un Bac + 3/Bac + 5. Ils souhaitent faire du volontariat leurs première expérience. D'autant plus que ces personne proviennent de formation aux débouchés généralement culturelles ou associatives. Ces déviances ont deux effets pervers :

 

Selon moi, à l'heure d'un néo-libéralisme affirmé, où les hommes se doivent d'être flexible selon la conjoncture d'un marché. Le dispositif du service civique s'est entièrement imprégné de la doctrine libérale. Le statut de volontaire en service civique s'emboite parfaitement avec la notion très actuelle de compétitivité. L'actuelle baisse drastique des subventions aux associations sous couvert de crise économique et la baisse des dépenses étatiques est partiellement masqué par le volontariat en service civique. Ce dernier donne le change dans la mesure ou il offre de jeune diplômé à très bas coût, qui sont très flexible (les missions peuvent aller de 6 à 12 mois), ne cotisant pas au chômage, et ne dépendant pas du code du travail. Les jeunes n'ont ni le droit de ce syndiquer, ni le droit de grève. Au vu des candidatures en masse, ils ne peuvent imposer ou négocier leurs envies. Le statut même du volontaire ne coûte pas chère à l'État et au structure d'accueil : le travail financé par les pouvoirs publics ne revient pas cher relativement au réduction des dépenses.

Dans la poursuite logique de l'énoncé précédent, la circulaire du 20 mars 20123 a pour objet : « L'extension du service civique dans la police et la gendarmerie ». Les volontaires auront pour mission les domaines de la prévention. Cela peut, par exemple s'inscrire dans la continuité des interventions des gendarmes dans les classes primaires et les collèges. Lorsque l'on sait que ces actions sont en cours de suppression, on peut aisément deviner que se seront les volontaires en service civique qui en seront désormais chargé (dans une bien moindre qualité et de manière beaucoup plus restreinte). On avait déjà constaté un remplacement des intervenants dans le sens : gendarme ==> réserviste, on assistera bientôt à un remplacement réserviste ==> service civique (encore moins couteux).

 

La logique de baisse des coût et de flexibilité des travailleurs (imposé par le modèle néo-libéral) au sein du monde associatif s'accentue même avec certain politique (Marc-Philippe Daubresse4) qui veulent imposer au bénéficiaire du RSA (déjà en situation de précarité) des contrats de sept heures. Si ces derniers refusent, le versement du RSA pourra être réduit voir supprimer. On assiste ici aussi à une forme de « bénévolisation » du travail (selon le terme de Maud Simonet). Ou l'idée qu'un bénéficiaire d'aide social doit les mériter en travaillant gratuitement pour la société. Une version moins strict est actuellement à l'essai dans quinze département français. Derrière cette idée de contrepartie, on assiste de nouveau à une flexibilisation du travail avec des « mini contrat » de sept heures rémunéré au SMIC et dans la poursuite de l'intérim. Le but étant de réduire le travailleur à une donnée chiffré (dans ce cas les 7h/jours) afin de le rendre flexible au marché tout en étend une force toujours à moindre coût (fixé au salaire minimum).

 

Pour en revenir au lien service civique/coût du travail : le monde associatif a désormais beaucoup plus d'intérêt à faire appel à ce dispositif plutôt que de prendre un jeune en stage. Sachant que les deux indemnités sont quasi identiques mais qu'une partie du service civique est à la charge de l'État, cela est une économie importante (notamment en période de baisse des subventions rappelons le). Si l'on reprend l'essence de ce que devrait être le service civique (à savoir : une période d'engagement « formatrice » pour une cause d'intérêt général) on remarque que c'est un échec systémique car il est indéniablement lié à la sphère économique notamment de part le contexte (libéral) et la volonté de créer une adéquation travailleur/conjoncture du marché. De plus, c'est un énorme avantage en terme comptable pour les gouvernements : si l'objectif est de touché plus de 10% d'une classe, ce sera ce même nombre qui serait retiré des chiffres du chômage. On observe ici aussi la volonté de créer une corrélation entre emploi et engagement du moment que cette relation « dégonfle » les chiffres du chômage (qui puis sur une jeunesse déjà fortement touché).

 

En conclusion, le dispositif service civique avait pour vocation de créer un consensus moderne et innovant sur la question de l'engagement citoyen. Force est de constater que ce dispositif a été détourné de son sens premier :

 

 

1Reza Yasmina, L'aube, le soir ou la nuit, Paris, Flammarion, 2007, p44.

2Maud Simonet, Le travail bénévole : engagement citoyen ou travail gratuit, La dispute.

3Circulaire du 20 mars 2012, objet : extension du service civique dans la police et la gendarmerie.

4Marc-Philippe Daubresse, RSA et service social.

 


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