Les évêques entrent en campagne

par Emmanuel Pic
vendredi 19 janvier 2007

Les évêques de France entrent dans l’arène électorale : ils attirent l’attention sur les trois questions qu’ils estiment prioritaires, la famille, le travail et l’immigration.


Qu’as-tu fait de ton frère ? Pour un non-initié, cette question n’évoque pas grand-chose ; mais un lecteur averti de la Bible y aura reconnu la question adressée par Dieu à Caïn qui vient de tuer son frère Abel. C’est également le titre choisi par les évêques de France pour le message qu’ils adressent aux citoyens à l’occasion des futures élections : une manière de rappeler subtilement les racines bibliques de leurs réflexions, mais surtout de signifier que la charité doit être pour les catholiques une priorité absolue.

Ce texte d’une dizaine de pages désigne comme prioritaires trois « chantiers de la fraternité » : la famille, le travail et l’emploi, la mondialisation et l’immigration. C’est sur ce dernier sujet que les évêques prennent les positions qui seront sans doute le plus critiquées - parce que se situant sur le terrain le plus polémique : ils y appellent à accueillir, « de façon généreuse », les étrangers, et à poser les questions soulevées par la présence en France de migrants toujours plus nombreux .

Le document est accompagné de fiches de travail, destinées à ceux qui veulent, avec d’autres, pousser plus loin la réflexion. Il a provoqué des prises de position individuelles parmi les évêques : se sont ainsi exprimés publiquement les cardinaux de Lyon et de Bordeaux, et les archevêques de Marseille et de Rouen.

Ces textes prennent place dans une série déjà longue de travaux divers, souvent peu médiatisés, de l’épiscopat français sur les questions de société. Ont été abordées au cours des dernières années les questions des retraites, de l’assurance-maladie, de l’Europe, de la politique familiale, des personnes âgées, de la mondialisation, de la santé, de l’écologie, de la bioéthique, de la laïcité, et bien d’autres qui pourraient fournir un véritable programme électoral à un candidat en mal d’inspiration. Ceci, pour ne citer que les documents élaborés directement par la Conférence des évêques, organe central de coordination des diocèses de France, ou par l’une de ses nombreuses commissions.

Que cherche l’Eglise de France, en prenant ainsi position sur de grands thèmes du vivre-ensemble ? Certainement pas à reconquérir un terrain qu’elle sait perdu depuis longtemps : les catholiques ont fait, pour la plupart, leur deuil de l’ancienne chrétienté et de leur situation dominante dans la société, quoi que fassent penser les récents cafouillages autour du Téléthon, déplorés par les nombreux croyants engagés eux-mêmes dans le combat contre les maladies génétiques. Depuis une dizaine d’années, et sous l’impulsion du rapport rédigé sous la direction de Mgr Dagens, évêque d’Angoulême, ils se présentent comme soucieux d’apporter leur pierre à la construction de l’édifice commun, comme il est de règle dans toute société démocratique. Une attitude cohérente avec les résultats de l’enquête publiée par Le Monde des religions de janvier, qui relève une fois de plus l’érosion inéluctable du nombre de chrétiens en France : l’Eglise catholique prend son parti d’être une minorité, importante certes, au sein de la société française ; elle en revendique également les droits et les devoirs.


Lire l'article complet, et les commentaires