Les fonctionnaires et le devoir d’obéissance
par Christian Portal
lundi 22 octobre 2007
Les fonctionnaires, dit-on, sont au service de l’État, et doivent obéir au gouvernement. mais n’est-ce pas la porte ouverte à tous les abus de pouvoir et comment peuvent-ils garantir la démocratie et respecter le devoir d’obéissance ?
Cette réflexion s’est imposée à moi à travers plusieurs affaires récentes.
D’une part, les cheminots qui assurent un service public, sont-ils là pour remplir cette mission sans état d’âme, ou ont-ils un droit de regard sur la nature du service qu’on veut leur faire remplir ?
De la même façon, les juges, et la magistrature de façon générale, peuvent-ils demander à participer aux orientations voulues par le gouvernement en matière de justice ?
A l’occasion de la querelle sur l’apprentissage de la lecture, les enseignants peuvent-ils décider de ce qu’ils enseignent et comment ils le font ?
Pour reprendre le sens premier du mot fonctionnaire, on constate que celui-ci est là pour remplir une fonction destinée à rendre un service à l’État, lequel est au service du peuple. C’est finalement dans ce simple constat que prend la source de l’idée de service public.
Par contre, le système qui organise l’emploi des fonctionnaires, impose en corollaire un principe qui est le devoir d’obéissance. Cette vision placerait le corps des fonctionnaires dans la situation d’une armée civile, corvéable à merci, et ne devant se poser aucune question, quel que soit l’ordre qui lui est donné. Bien sûr, avec un peu de mémoire, on peut se souvenir que quelques millions de morts pendant la Seconde Guerre mondiale sont le fait de cette obéissance servile. Les pires atrocités sont d’ailleurs possibles, dès lors que l’ont dilue suffisamment les responsabilités, ne laissant que les tâches ultimes aux individus les plus cruels.
On constate ainsi que chacun, fonctionnaire ou non, peut être confronté à ce problème. C’est le cas du chercheur en OGM qui constate des défauts minimisés par son entreprise et qui pourraient mettre en péril la vie des hommes et peut-être l’équilibre vital sur Terre. Cette situation concerne, d’une façon générale, tous les lanceurs d’alerte qui seront, selon leur position initiale, ostracisés, renvoyés, condamnés à payer des amendes et même emprisonnés. On ne peut même pas exclure quelques morts suspectes si le personnage est trop dérangeant. Cette obéissance peut s’assimiler à une soumission à tous les pouvoirs quels qu’ils soient.
Face à ce "devoir", existe-t-il un contre-pouvoir ? Certainement, et pour cela, il importe de revenir à l’idée de fonction. Chaque fonctionnaire a été recruté avec l’idée de l’engagement pour une mission. La police, servir et protéger les citoyens, la justice, faire appliquer la loi et et garantir que celle-ci reste équitable, l’enseignement, former les jeunes pour qu’ils deviennent des citoyens responsables et des individus libres et autonomes. Chaque fonctionnaire est au service de cette mission avant de l’être au service de l’État. C’est là, la noble tâche du fonctionnaire !
Ainsi, un fonctionnaire est confronté à cette dialectique, obéir, oui, mais dans les limites d’un libre-arbitre fondé sur une vision individuelle et forcément collective du bien et du juste. Chaque fonctionnaire a le devoir d’user d’un droit de retrait et d’interpréter les textes qui conditionnent son exercice au mieux de la mission qui lui est confiée au nom du peuple.
C’est la raison pour laquelle nous devons soutenir nos fonctionnaires chaque fois qu’ils ont le courage de s’opposer à l’iniquité. Et donc, respect pour les enseignants, qui continuent d’accueillir des enfants sans papiers dans les écoles et surtout dans les cantines, et tous ceux qui sont prêts à aller au bout de la désobéissance civile pour le bien commun.
Tout cela comporte des risques d’abus, mais je préfère quelques abus qui montrent que les hommes marchent encore debout !