Les jeans comme porte-parole d’un monde nouveau ?
par Michel Monette
samedi 3 décembre 2005
Chaque jour, des milliers d’êtres humains confectionnent des jeans. Chaque jour, des milliers d’êtres humains achètent des jeans. Le jean est « un des porte-parole de l’individu » (Charlotte Brunel), mais aussi objet symbolique de l’indifférence des riches. Pourquoi ne pas le recycler en symbole d’un développement équitable ?
Qui se soucie de savoir d’où provient le jean qu’il porte, et surtout dans quelles conditions il a été fabriqué ? Pourtant, s’en préoccuper, et exiger des jeans faits dans la dignité, aurait un impact certain sur le sort de millions d’êtres humains (ouvriers, producteurs agricoles et leurs
familles).
Le jean illustre bien la division internationale de la production : conception et travail qualifié au « Nord », réalisation, exploitation de la matière première au « Sud » (Le Blues du jean). En clair : ils (au Sud) fabriquent le denim et les jeans, et nous (au Nord) en profitons.
Une tendance mondiale
Les profits sont alléchants. Le marché du jean est colossal : 55 milliards de dollars US (en 2003). Chaque année, un jean est acheté pour chaque ensemble de trois individus vivant sur Terre.
L’Américain moyen possède sept jeans, et en achète deux par année. En Europe, c’est quatre jeans dans la garde-robe, et un nouveau acheté chaque année (Global market review of the denim and jeanswear industries - with forecasts to 2010 (j’ai consulté l’extrait téléchargeable sur le site, au bas de la page ; la version intégrale coûte GB £495).
Qui fabrique tous ces jeans ?
...as a result of low cost sourcing, very little jeans manufacture is done in the domestic marketplace. [...] Most jeans are now made in the lowest cost countries of the world.
Global market review... (Samle, page 5-6).
Wal-Mart et les autres grandes chaînes de vente au détail ont une grande part de responsabilité dans cette tendance à l’exploitation de la main d’oeuvre la plus pauvre du monde. De plus en plus, ce sont les marques maison de ces détaillants (own-label retailers) qui dominent le marché.
Levis’s, l’entreprise légendaire, l’a compris, elle qui a revu toute sa production pour pouvoir vendre ses jeans sur les rayons de Wal-Mart. Il est vrai qu’avec plus de 100 millions de consommateurs chaque semaine, Wal-Mart est devenu incontournable.
La course aux bas prix n’est pas près de s’essouffler. Le marché du jeans est saturé dans les pays riches. C’est donc vers les consommateurs des économies émergentes que se tourneront fabriquants et détaillants. Les prix risquent d’être encore plus bas... et d’entraîner les salaires avec eux !
L’alternative : le jean équitable
Changer la tendance à diminuer les coûts de la main d’oeuvre n’est pas un mince défi. Outre les pressions internationales pour que les pays récalcitrants adoptent des lois sévères contre les abus dont sont victimes trop de travailleurs honteusement exploités, les consommateurs peuvent exiger des vêtements provenant de manufactures où les droits des travailleurs sont respectés.
Les consommateurs peuvent aussi
stimuler la demande de jeans équitables. Le défi, si cela se produit, sera de répondre à cette demande.
Pour la vente de jeans , la difficulté est de créer rapidement une sorte de collection : plusieurs tailles, homme et femme, et à moyen terme des vêtements d’accompagnement (T-shirts, chemises, blousons...), cela afin de dynamiser la vente.
L’aventure du commerce équitable : une alternative à la mondialisation.
La qualité des vêtements devra être bonne, de même que devra être garanti le respect de l’environnement, à toutes les étapes de la production du jean.
Plus que le café, le jean ne serait-il pas le porte-parole idéal du commerce équitable ?