Les limites d’une simple posture
par C’est Nabum
mercredi 18 février 2015
Silence dans les rangs ....
La Banderole de l'insoumission insulaire.
Le 11 janvier, la France était en deuil ; un peuple entier était soudé, nous dit-on, derrière la liberté d'expression. Pas n'importe quelle expression du reste, mais celle d'un organe de presse irrévérencieux, iconoclaste (un terme dont le sens ne passe pas dans certaines régions du monde), rebelle et parfois irrespectueux. C'est bien là que s'est heurtée cette soi-disant unanimité hexagonale.
Pouvait-on faire place à cet esprit quand il venait d'être assassiné ? Il semble que, bien vite, il n'a été que prétexte à mettre en avant un désir illusoire de concorde et d'effacement des différences, des divergences, des querelles anciennes. Il fallait afficher un front commun, une seule pensée contre l'horreur du terrorisme. Le pays tout entier ne devait faire plus qu'un dans l'effroi et l'indignation.
Le risque était grand de tomber dans la caricature d'une posture qui relève le plus souvent des pouvoirs totalitaires. Marine Le Pen fut la première à faire les frais des nuances qu'il a bien vite apportées à ce qui ne pouvait être tenu. Dieudonné lui a vite emboîté le pas. Le salut public avait besoin d'évacuer quelques mauvais moutons : des gens qui finalement devaient trouver bien commode d'être repoussés par les jocrisses de service.
Cela servait les desseins des uns et des autres. Tout allait pour le mieux et le bal des hypocrites pouvait se dérouler suivant les plans des conseillers en émotions ou en répulsions. Car, ne soyez pas dupes, les comportements des uns et des autres sont prévus en cabinets secrets, dans des structures uniquement au service d'un plan, d'une ligne à tenir, d'un rôle à jouer.
Rien de vraiment sincère, rien de spontané. Je veux bien faire crédit d'une Marseillaise qui surgirait spontanément d'une gorge nouée par l'émotion mais pour le reste, ce sont les inévitables conseillers en communication qui ont donné le ton d'une sarabande si bien orchestrée. Le slogan « Nous sommes tous Charlie ! » était d'ailleurs sans équivoque, il ne laissait pas de place à la nuance. Il fallait être on ne pas être. Finalement le bon père Bush n'avait pas tort : c'est bien le combat du bien contre le mal.
Heureux sont ceux qui sont dans le bon camp. Malheur aux autres, ceux qui pensent de travers, qui ne se reconnaissent pas tout à fait dans les simplifications, les imprécations officielles, les grimaces et les ronds de jambe. Ils allaient être écartés de cette communauté française, soudée comme jamais.
Depuis, les fissures n'ont eu de cesse de se lézarder toujours davantage. Mais dès le 10 janvier, les masques tombaient quand, dans un stade, lors d'une minute de silence, une banderole, sans doute pas d'un excellent sens des convenances affichait : « Le Qatar finance le PSG et les terrorismes ! ». Certes, la comparaison n'était pas nécessaire mais qui oserait dire que le message était trompeur ?
La ligue professionnelle de football, experte internationale des réseaux de financement du terrorisme, a condamné, au nom de la liberté d'expression sans doute, le club Corse, à une forte amende pour ce crime inexcusable. Exprimer une opinion serait donc contraire à la défense de la liberté d'expression à moins qu'il ne soit interdit de penser contre les intérêts du sport : ce grand et noble vecteur des valeurs dominantes du libéralisme triomphant.
Les caricaturistes de Charlie Hebdo auraient sûrement été du côté des porteurs de la si sérieuse banderole plutôt que de celui de tous les politiques qui se prosternent, toutes tendances confondues, devant l'argent du Qatar et autres principautés douteuses et ambiguës. Mais nous n'avons que faire de la vérité et de la liberté dans une société pragmatique, corrompue et inique.
Cette décision de frapper ainsi d'anathème une affirmation, qui est loin de pouvoir être contredite, m'apparaît être non seulement une erreur, mais, de manière symbolique, constitue le point final d'une farce sans fondement idéologique. Tout n'était que mensonge. Qui soutenait vraiment Charlie parmi ces décideurs « encravatés », si peu sensibles à la liberté d'exprimer une opinion contraire à la leur ou pire encore, à leurs intérêts ?
Caricaturalement leur.