Les magistrats ne sont pas irresponsables
par François - Droit administratif
mardi 13 juin 2006
L’irresponsabilité des magistrats est devenue aujourd’hui un poncif. Pourtant, il s’agit d’une idée totalement erronée : les magistrats ne sont nullement irresponsables, et ceci à tous points de vue au niveau juridique.
En effet, on distingue en droit trois formes de responsabilité :
- la responsabilité pénale, lorsque quelqu’un commet une contravention, un délit ou un crime au détriment de la société, qui conduit notamment au prononcé d’une peine de prison ou d’une amende
- la responsabilité civile, lorsque quelqu’un cause un tort à une autre personne, qui conduit à la condamnation à des dommages et intérêts
- la responsabilité disciplinaire, lorsque quelqu’un commet, pour schématiser, une faute professionnelle et qui conduit au prononcé d’une sanction dite disciplinaire (comme une mise à pied)
Or, le magistrat est responsable dans toutes ces hypothèses.
Les magistrats sont responsables pénalement
Sur le plan pénal, tout d’abord, le magistrat ne bénéficie d’aucune immunité. Ainsi, par exemple, si un juge d’instruction giflait une personne durant un interrogatoire, il pourrait être condamné pour violence (l’infraction serait, au contraire, aggravée à raison de sa fonction).
Notons que tel n’est pas le cas de tous les hommes politiques. En effet, les parlementaires bénéficient d’une immunité, qui, à moins qu’elle ne soit levée par leurs pairs, empêche, sauf cas de flagrant délit, qu’ils ne soient poursuivis. Le président de la République bénéficie, quant à lui, d’une immunité complète pour tous les actes commis à l’occasion de ses fonctions. Quant aux ministres, ils ne peuvent être jugés pour des faits relatifs à l’exercice de leurs fonctions que par une juridiction spéciale, selon des règles dérogatoires.
Les magistrats sont responsables disciplinairement
Sur le plan disciplinaire, ensuite, les magistrats sont, là encore, responsables.
En effet, les magistrats peuvent être « jugés » par le Conseil supérieur de la magistrature en cas de faute dans l’exercice de leurs fonctions ou en cas de manquements à leurs devoirs (notamment en raison d’une vie privée jugée incompatible avec le statut de magistrat). C’est précisément ce qui va arriver au juge Burgaud. La sanction peut aller jusqu’à la révocation de la fonction publique.
Les magistrats sont responsables civilement
Sur le plan civil, enfin, les magistrats aussi responsables.
Ainsi, un magistrat peut être condamné à payer des dommages et intérêts pour réparer les dommages qu’il a causés dans l’exercice de ses fonctions. Cependant, pour éviter des actions abusives, un justiciable ne peut pas les réclamer directement au magistrat. Il devra exercer une action en réparation contre l’État et il appartiendra alors à l’État d’agir en Justice à l’encontre de son agent pour récupérer la somme ainsi versée.
Notons que ce système n’est que partiellement dérogatoire. En effet, toute personne qui agit dans le cadre de son emploi (qu’il soit fonctionnaire ou salarié), ne peut être tenu civilement responsable qu’en cas de faute d’une particulière gravité.
En définitive, le magistrat est donc entièrement responsable. Le discours actuel est ainsi plus que surprenant. Il témoigne, à tout le moins, d’un manque cruel d’information (d’éducation civique ?), voire, pour certains, de la pure démagogie.
P.S. : pour les juristes, un état du droit plus pointu, rédigé par Snakes, est disponible sur le blog Droit administratif.