Les mots de nos maux

par C’est Nabum
mercredi 26 avril 2017

À toutes leurs victimes

L’état d’urgence a bon dos quand il s’agit de nommer un crime crapuleux, une fusillade ou bien un odieux assassinat ; tout cela réalisé par quelques fanatiques désespérés et sanguinaires. C’est alors que la France entière s’arrête de respirer, qu’on boucle tout un secteur et qu’on mobilise toutes les forces de l’ordre possibles et imaginables pour frapper les esprits des braves gens, faire pleurer dans les chaumières et alimenter la boîte à macération.

Bien sûr, toute action perpétrée par ces monstres odieux est détestable ! Bien évidemment que toute mort d’une victime innocente, d’un passant ou bien d’un policier est insupportable, inacceptable, intolérable. Personne ne viendrait dire le contraire ; mais que diable, pourquoi avons-nous besoin de faire tant de publicité à la misérable action d’un illuminé fanatisé et criminel ?

On parle vite, dans les médias et les allées du pouvoir d’attentat quand il ne s’agit le plus souvent que d’actions isolées, improvisées, et, fort heureusement, de faible ampleur, même si, pour ceux qui sont touchés, cela n’en demeure pas moins un drame immense et inacceptable. Ce mot résonne alors, tourne en boucle, fait écho et alimente les fantasmes.

La France a peur, le pays est sous le choc, la classe politique donne dans la surenchère, l’armée est sur le pied de guerre, les forces de sécurité en alerte totale pour un pauvre illuminé sanguinaire qui veut mourir au nom d’un Dieu de haine et de folie. C’est le promouvoir au rang de martyr, donner une résonance immense à une action de faible envergure, de médiocre organisation. Pour détestable et immonde que soit le résultat obtenu par ces êtres solitaires, ces loups assoiffés de sang et de vengeance, ce ne sont que des assassinats lâches, misérables, gratuits qui ne méritent en aucune façon le titre glorieux aux yeux de leurs admirateurs d’ATTENTAT.

Il y a eu et il y aura encore, malheureusement, des attentats sur notre territoire. Ce sont des actions combinées, longuement préparées, exigeant une logistique et des complicités fomentées par des décideurs extérieurs. Ceux-là restent tristement dans nos mémoires et ont endeuillé de nombreuses familles, tout en portant atteinte à la nation toute entière. D’autres ne furent que de minables tentatives de s’illustrer pour des individus candidats au suicide dans le sang des autres. La publicité qu’on donne alors à leur geste criminel les renforce dans leur stratégie et leur permet d’atteindre dans la mort leurs monstrueux desseins.

Chaque mort d’un innocent ou d’un membre des courageuses forces de l’ordre est inacceptable ; je n’en disconviens pas une seule seconde, et tel n’est pas le sens de mon propos. Mais qualifier de terroriste un pauvre cinglé, fanatisé par des prêches haineux et agissant de sa propre initiative, c’est l’élever à une dignité qu’il revendique, alors qu’il conviendrait simplement de le qualifier de pauvre fou, de misérable crétin, d’abruti sanguinaire et de ne pas l’élever quelques heures au rang d’ennemi public numéro 1. Toute publicité en la matière favorise un nouveau postulant. La diffusion de son portrait, comme la simple évocation de son nom, est un point de gagné pour cette terrible idéologie du meurtre.

Les mots ont une importance. La mesure et la discrétion s’imposent pour qualifier leur démesure, leur démence, leur abjection. Malheureusement, en faire ainsi des tonnes ne rendra jamais la vie aux victimes de ces minables mais pire encore, c’est semer les petites graines qui peuvent germer dans l’esprit malade d’un nouveau candidat à la célébrité posthume. Les rabaisser au simple état de loques humaines, de détritus de notre société, serait préférable à la gloire du terme attentat dans ces esprits malades.

Quand les pouvoirs publics instrumentalisent ainsi les meurtres perpétrés sur notre sol par ces adorateurs d’un dieu de division, ils renforcent les objectifs de ceux qui ont pensé cette idéologie diabolique. Quand les politiques et les médias font assaut de déclarations, de commentaires, de propositions aussi vaines qu’inutiles, ils se fourvoient et servent l’ennemi qu’ils veulent stigmatiser. La discrétion est préférable à cet indélicat et improductif matraquage. Notre force collective devrait nous permettre de le comprendre.

Le peuple, dans sa sagesse, a compris. Lui, ne s’affole pas en dépit de ces hommes en armes qui sillonnent nos villes pour nous donner une protection factice, tout en semant la peur et le dégoût dans nos esprits. Le peuple refuse de se plier, le peuple refuse de faire des amalgames en dépit de dame Marine et de ses pareils. Le peuple défend son mode de vie, ses idéaux, ses principes sociétaux et ne se fait pas soldat d’une guerre invisible. Pour renforcer le comportement exemplaire de la population française, il conviendrait que tous nos décideurs cessent de jouer de la surenchère verbale dès qu’il s’agit de désigner les agissements merdeux et criminels de ces maudits salopards.

Lexicalement vôtre.

 


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