Les mystères de l’Hôpital - I Un peu d’histoire
par clostra
lundi 18 mai 2009
L’accueil des indigents
L’hôpital, issu de l’ « hospitalier », qui accueille, prend soin et réconforte est sans doute l’une des plus vieilles institutions, destinée dans un premier temps à accueillir les pauvres et les indigents : nos SDF actuels, plus sensibles aux contagions et aux maladies, aux ulcères.
Tenu par des religieuses, les médecins y exerçaient gratuitement et faisaient bénéficier « en ville », les plus riches de leur expérience hospitalière en évitant les traitements n’ayant pas eu l’effet désiré. Sans doute incitaient-ils les plus fortunés à la générosité des dons pour que vive l’hôpital, une institution qui assurait surtout le maintien de l’ordre, dissimulant derrière des murs épais, les miséreux quémandeurs, parfois voleurs par nécessité, dans des sortes de prisons forteresses d’où ils ne pouvaient sortir qu’avec une permission.
Le corps et l’esprit
C’est ainsi que la médecine hospitalière, entourée de soignantes dévouées – ne pratiquant pas toujours de bons traitements – et de visiteuses charitables, a fait ses premiers pas alors que dans les campagnes, la connaissance des plantes médicinales parfois distillées dans des monastères silencieux remplis d’érudits, continuait à se transmettre et à se développer.
Deux mondes qui n’ont pas réussi à se rencontrer ou si peu. Peut-être les pharmaciens héritent-ils, l’espace de leurs études, des sciences apothicaires, avant d’appréhender l’échelle moléculaire, faisant abstraction des millions d’années passées à se côtoyer et à s’apprivoiser : hommes et plantes, pour survivre, pour se nourrir, pour se soigner.
Les uns se sont enfoncés dans une science « dure », pratiquant des autopsies, disséquant des cadavres, perçant le mystère – physique – du corps humain, de sa physiologie puis de sa biologie. Les autres parcourent d’autres chemins, quoi que bénéficiant de connaissances nouvelles, respectant l’humain dans sa souffrance, traitant le corps avec tout le respect pour l’âme qui l’habite, souvent sans le toucher, visitant les familles dont ils devenaient des amis, assistant le curé.
Difficile d’assumer une telle dichotomie : manipuler des corps et soigner des êtres de chair et d’esprit.
Deux mondes qui espèrent toujours se rencontrer sans jamais vraiment pouvoir le faire bien qu’ils fassent désormais les mêmes études.
Pasteur, Calmette et Guérin, Fleming et les estropiés
Les plus riches n’étaient, encore récemment, jamais hospitalisés. Le médecin et les soignants venaient à eux.
Pasteur édictait les premières règles d’hygiène et vaccinait contre la rage. Calmette et Guérin inventaient le vaccin contre tuberculose. Fleming découvrait la pénicilline bien après que le roquefort ait été utilisé pour soigner les blessures.
L’hôpital de l’après 1ère guerre mondiale, propulsé par les millions d’estropiés, a pu mettre à profit à grande échelle ses connaissances du corps humain. Les « invalides », parfois pensionnaires dans les hospices, étaient traités avec le respect dû aux porteurs de faits de guerre et y recevaient les honneurs de la Nation. Des fonds de l’Etat ont été attribués à l’hôpital et aux hospices, sans compter.
Les enfants entrent en scène
Dans les années suivant la deuxième guerre mondiale, les enfants, rares survivants d’accouchements difficiles ou de maladies infantiles, sont devenus centre d’intérêt. L’accouchement est devenu un acte médical ainsi que le suivi de l’enfance. La mortalité périnatale a brusquement diminué, accroissant notablement la longévité de la population. Il n’en fallait pas moins pour que l’hôpital et ses figures de proue, émerge de ses longues années de bienfaisance et de bénévolat.
Les riches y firent leur entrée dans le secteur « privé » de l’hôpital, permettant ainsi de financer le secteur public et ses recherches, du moins dans un premier temps. Les salles communes étaient réservées aux plus pauvres qui ne payaient rien, les chambres aux plus riches qui eux, payaient.
La sécu
La généralisation de la Couverture Sociale a fait le reste : désormais, chacun sur un pied d’égalité peut bénéficier des mêmes soins hospitaliers, sans distinction de ressources, du moins jusqu’à ces dernières années.
Avec un financement assuré, les cliniques privées commencèrent à se développer et les hôpitaux devinrent un « service public » : permanence des soins, soins de qualité identique d’un hôpital à l’autre, d’un patient à l’autre, pérennité des établissements, financement public, absence de bénéfices.
Progressivement les dépenses hospitalières dépassèrent de loin ce que la Sécurité Sociale pouvait reverser des cotisations de ses assurés et l’Etat mis la main au porte-monnaie.
Les cliniques privées, pour partie financée par des fonds publics (Sécurité Sociale) furent invitées à se joindre au service public afin d’assurer une bonne couverture territoriale répondant à la demande grandissante de soins due à l’accroissement de la population, aux nouvelles pathologies liées à la « civilisation » (sédentarisation, alimentation industrielle, besoin de consommer) ou à la longévité et, plus tardivement, aux maladies rares, dites génétiques.
La deuxième sécu
Pour pallier la partie croissante restant à la charge du malade, on inventa une sorte de « seconde sécurité sociale », en passe de devenir obligatoire – en tout cas, certainement obligatoire pour se faire soigner actuellement - que sont les Mutuelles, marché dont s’emparèrent les compagnies d’Assurances Privées, au point qu’il est parfois très difficile de les différencier.
Pourtant, c’est probablement dans cette différence qu’il faut chercher un peu pour comprendre dans quel imbroglio se trouve ce marché qu’est devenu la santé et comment le marché de la santé a progressivement envahi y compris l’hôpital public par le biais des laboratoires pharmaceutiques, des fabricants et vendeurs d’instruments et d’équipements (appareils d’imagerie, automates de surveillance et de laboratoire…) dont chaque hôpital souhaite être équipé, pour ses malades et finalement pour une fréquentation en lien réciproque avec la qualité des soins, pour son prestige.
Le droit des malades entre dans l’hôpital
Dans le même temps la recherche médicale à proprement parler et la recherche fondamentale avec ses applications technologiques faisaient un bond, inséparables l’une de l’autre.
La recherche médicale peut-elle se faire sans patient ? Malheureusement, non. Aussi le patient en essuie-t-il les déconvenues mais également les progrès.
Depuis peu, le patient doit donner son accord pour faire partie d’essais thérapeutiques, ce qui n’était pas le cas, ni même dans la culture hospitalière avec son passé fait de gratuité et de bénévolat.
Les droits du malade hospitalisé ont été reconnus très récemment, à peine une décennie. L’hôpital est resté longtemps une enclave isolée des Droits de l’Homme, plus encore que dans les prisons où chaque prisonnier a depuis longtemps droit à son avocat.
C’est dire le nombre d’année durant lesquelles le « patient » se sera remis les yeux fermés entre les mains des médecins, sortes de magiciens au visage grave et énigmatique, protégés par leur aura et soutenu par un vaste réseau issu de l’histoire de la misère humaine, de la charité.
Références
Cronin, Martin du Gard, Attali, Maillard, Milliez et bien d’autres