Les réflexions endotiques d’un dubitatif chronique

par C’est Nabum
mardi 8 avril 2025

 

Trop près des yeux …

 

Le réel et le quotidien méritent bien un regard distancié qui permet de les envisager comme un exotisme lointain dont il convient de décrypter les codes, les usages et les mystères qui disparaissent opportunément sous le poids des habitudes et des conventions. Exercer cette forme d'observation sur l'environnement proche n'est pas sans risque tant justement, bien des pratiques locales se fondent sur une reproduction sans esprit critique de ce qui s'est toujours fait par tradition.

Observer les pratiques locales par le prisme d'une analyse distanciée relevant presque d'un regard anthropologique met souvent en lumière des distorsions et des failles entre ce qui se déroule sous vos yeux et les fondements historiques auxquels ses pratiques font référence. La coutume, le poids des usages séculaires font souvent bien peu de cas de la véritable Histoire.

Nombre de commémorations, célébrations, reconstitutions se vautrent allégrement dans le factice se satisfaisant d'une parodie pour confirmer les dérives qui ont été instrumentalisées au cours des siècles. Le poids des habitudes valant alors plus que la réalité des faits sur lesquels nul n'envisage d'exercer un esprit critique. Il convient de suivre le mouvement avec dévotion ou conformisme pour ne point heurter les thuriféraires de la fiction mise en scène.

Qui s'aventure à mettre en doute cette parodie prend alors le risque de sortir du troupeau, d'être montré du doigt ou pire encore de passer pour un hérétique. On sait bien le sort qui est promis à pareille accusation, si commode du reste quand on fait l'économie de la confrontation des faits et des analyses. Les bûchers ont toujours eu bonne presse parmi les tenants d'un conservatisme exacerbé.

Alors, il est préférable de se taire quand se déroule la fiction qui célèbre un fait historique qui a été totalement revisité avec des intentions idéologiques. Repeindre l'histoire est si commode quand la vérité vient heurter la version qu'il convient de servir au bon peuple pour abolir les aspérités, effacer les mensonges, gommer les trahisons et les fautes des corps constitués.

Vivre le grand événement qui rassemble toute une cité de manière parfaitement exotique à ce qu'il fut vraiment permet d'éviter tout risque de mise en cause de son exploitation. Qu'importe la vérité pourvu que la légende prenne le pas, qu'importe l'authenticité si sa représentation s'accorde de merveilleuses libertés. L’essentiel est ailleurs pour maintenir l'hégémonie des corps constitués sur un peuple toujours réduit à rester derrière les barrières.

Il est inutile de donner des exemples. Multiples sont les occasions de revisiter l'histoire en lui donnant d'autres couleurs, d'autres intentions, d'autres dimensions. La plupart des cérémonies commémoratives se font un malin plaisir de dérouler un récit qui a été façonné pour servir le pouvoir, maintenir cette volonté de leurrer sans cesse les masses.

Le complexe n'a jamais sa place quand il s'agit de glorifier un fait, une période, un pan entier de l'Histoire pour la seule célébration d'une fiction : la pérennité de l'État Nation. L'histoire n'a jamais déroulé son long cortège d'évènements avec une logique interne qui validerait l'avènement de la société contemporaine, de ses classes, de son ordre interne.

C'est tout au contraire pour justifier la prise de pouvoir d'une classe bourgeoise et affairiste que le récit historique qui s'impose aujourd'hui a été scénarisé pour imposer la domination d'une caste qui dans le cours de l'histoire ne s'est que très rarement dressée contre les envahisseurs, les tyrans, les armées ennemies, les dictateurs dont on célèbre souvent la chute en glorifiant ceux qui furent leurs complices.

Chacun attribuera à ce texte complexe les célébrations actuelles auxquels il fait implicitement référence. L'implicite en la matière est bien trop risqué pour que je m'y aventure. À vous de faire votre chemin dans toutes ces mascarades auxquelles vous êtes si souvent conviées.

 

Peintures de Taslitzky Boris

 


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