Les révisions prévues par le projet de loi sur la Constitution sont-elles légales ? Fin

par odile
samedi 24 mai 2008

Autres incohérences constatées :

L’article 56 est une autre démonstration de l’incohérence du rédacteur de cette révision. Il concerne la nomination des 9 membres du Conseil constitutionnel. Ceux-ci sont renouvelés par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l’Assemblée nationale, trois par le Président du Sénat.

Le nouvel article ajoute à cette procédure celle prévue au nouvel alinéa de l’article 13. Il en résulte que le Président « en raison de son importance ! (Par rapport à qui ? A quoi ?) Pour garantir les droits des citoyens » nomme l’ensemble du Conseil !

Comment peut-il nommer une seconde fois les membres déjà nommés par le Président de l’Assemblée et ceux nommés par le Président du Sénat ? En supplément, ceci insinue que ces deux présidents seraient moins soucieux des droits de ceux qui leur confient la souveraineté nationale que le Président qui n’en dispose pas, si ce n’est pour exercer le droit de grâce au nom du peuple. Belle Constitution !

Cette formulation, pour le moins incompétente, frise le grotesque et le ridicule. D’autant plus grotesque que, selon l’article 19, les actes du Président de la République établis dans le cadre de l’article 13 nécessitent la signature du Premier Ministre et le cas échéant du ministre responsable. En effet, l’article 21 stipule que « le Premier Ministre nomme aux emplois civils et militaires » comme le Président de la République et donc conjointement avec lui. Ce qui signifie que le Conseil Constitutionnel entrant soudain dans le cadre de cette procédure est, dans son intégralité, nommé conjointement par le Président et le Premier Ministre au mépris de la souveraineté nationale dont dispose le Président du Sénat et de l’Assemblée Nationale !

Cette incohérence montre l’inutilité de la révision de l’article 13. Il n’est point nécessaire de surcharger d’un alinéa l’article pour demander l’avis d’une commission de parlementaires, la loi organique prévue à l’alinéa précédent est suffisante pour imposer cette procédure. De la même manière la révision de l’article 17 concernant le droit de grâce est superflue. Le Président de la République, magistrat suprême, exerce la souveraineté populaire au même titre qu’un jury d’assises ou un juge. Il a exceptionnellement dans ce domaine toute latitude de décider « au nom du peuple » à sa guise. Il n’a pas à hypothéquer l’avenir en réduisant l’exercice de ce droit.

La modification de l’alinéa 1 de l’article 62 confirme le manque de sérieux ou l’agacement des concepteurs de ce monument réformateur : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application. Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause »

Les articles 61 et 61-1 ne constituent pas des normes sur lesquelles le Conseil Constitutionnel fonde ses sentences. Ils instituent les procédures de saisie de celui-ci. Le Conseil ne peut donc se fonder sur celles-ci pour rendre une décision ou une émettre une jurisprudence, mais sur la Constitution et ses principes fondateurs. Nous atteignons dans cet article 62 le summum du charabia et de l’incohérence qui caractérise ce projet de révision !

La révision de l’article 16 n’est pas sans intérêt : « Après trente jours d’exercice des « pouvoirs exceptionnels », le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »

Le « révisionniste » introduit la notion de pouvoirs exceptionnels qui n’existent ni dans la Constitution ni dans le droit français. Ceux-ci constituent un état d’exception qui, selon l’académie française, entraîne la suspension de certaines garanties juridiques ordinaires.

Pour mémoire : L’article 16 s’applique « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »

L’alinéa 2 de cet article : « Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet. »

L’article 36 de la Constitution précise que la prolongation de l’état de siège au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement. Pas plus que l’État d’exception, l’État de siège, régime temporaire caractérisé par la limitation des libertés individuelles et le renforcement de l’autorité publique (Académie française), ne dispose d’une définition juridique.

Le constituant prévoit il d’en inscrire une AVANT...APRES...OU JAMAIS...Histoire de rendre plus facile les coups d’Etat...Fait avec le consentement des parlementaires, cela va de soi ?

D’autre part, il serait faux de considérer la révision de l’article 16 comme introduisant une limite temporelle à son application. Les limites indiquées concernent, un « droit de recours » au Conseil Constitutionnel. Un droit dont le Parlement peut user pour chaque acte législatif avant son entrée en vigueur, selon l’alinéa 2 de l’article 61. Ce nouveau droit est censé permettre un examen pour lequel le Conseil Constitutionnel ne dispose d’aucune norme pour apprécier si « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu. ». La révision n’apporte aucun outil pour mettre cet examen en œuvre. Les critères d’appréciation de la situation sont, comme actuellement, laissés à celle du Président de la République. A quoi sert pratiquement ce prétendu élargissement des prérogatives parlementaires ?

Enfin, l’article 88-5 de la Constitution où il est question de la procédure d’adhésion d’un état à l’Union européenne. La décision d’adjoindre un nouvel état dans l’Union est prise à l’unanimité dans le cadre d’une conférence intergouvernementale. Si l’article 88-5 ne concernait que ce point, la France aurait soumis la candidature à l’avis de ses citoyens avant de prendre position au sein de la conférence. Pourquoi attendre d’avoir négocié et signé un nouveau traité et, surtout, prendre le risque de voir son Président désavoué en demandant directement au peuple d’en approuver la ratification ?

Peut- être parce que l’adhésion à l’Union, si elle est décidée par la conférence intergouvernementale, est formalisée par un traité ratifié par tous les états membres et le pays candidat. L’entrée d’un nouvel Etat dans l’Union remet en cause l’adhésion à l’Union de tous les membres. Elle en modifie le fonctionnement et rompt l’équilibre en vigueur. Le Président de la République qui négocie les traités, ne disposant pas de la souveraineté nationale, ne peut ratifier un tel acte international de sa propre volonté. L’article 88-5 concerne donc, par principe, tout traité relatif à l’adhésion d’un état à l’Union, qui remet ipso facto en cause celle de la France. En ce sens l’article s’appliquait au traité de Lisbonne qui fait de l’Union une entité juridique et transfert à celle-ci une grande part de souveraineté nationale.

Le Président ayant choisi la voie du Congrès, et non du référendum, les dispositions de l’article 89 alinéa 5 aurait dû s’appliquer, et rendre dès lors impossible la révision de la Constitution…Puisque le régime institutionnel de l’UE…Met en cause la « forme républicaine du Gouvernement » en s’attaquant à l’article 23 de la Constitution, lequel interdit aux Ministres de cumuler leur fonction nominative avec une charge parlementaire…Ce que permet pourtant le traité de Lisbonne, en leur octroyant un mandat législatif, par le biais du Conseil des Ministres !

La procédure de révision simplifiée, est du même acabit, puisqu’elle met en cause les droits fondamentaux reconnus par la Déclaration, notamment l’article 1 et 3, ainsi que les articles ayant trait à la Souveraineté, dans la Constitution…En permettant au Chef d’Etat…Qui n’a pas de pouvoir constituant reconnu par la Constitution…De modifier les traités…Et donc indirectement l’ordre interne du pays, c’est-à-dire la Constitution !

On pourra rajouter à cela que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel va à l’encontre du traité de Lisbonne, puisqu’en établissant l’article 1-5 comme garant du cadre constitutionnel national…Le Conseil laisse entendre que ce cadre constitutionnel – dont font partie les limites révisionnelles propres à chaque Etat membre (c’est en se basant sur les limites révisionnelles posées par sa Constitution, que l’Irlande procède à un référendum. Il aurait donc été normal (et c’est inquiétant que le Conseil n’en ait pas fait mention) que les limites révisionnelles posées par notre propre Constitution, soient respectées.) – ne peut être remis en cause…Alors que dans les faits, le traité de Lisbonne est et demeure parfaitement incompatible (en dépit de la révision récente) avec notre Constitution.


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