Les Roms, oubliés de la campagne
par Emmanuel Pic
jeudi 5 avril 2007
Des électeurs viennent de se rappeler au bon souvenir des candidats à l’élection présidentielle : les Roms, Gitans, Tziganes et autres Manouches, regroupés sous l’appellation « gens du voyage » pour des raisons de simplification administrative.
Français depuis le début du XVe siècle, ils sont sans doute un demi-million à déambuler sur le territoire national ; une dizaine de millions de Roms habitent en Europe, le plus grand nombre se situant dans le centre du continent. La France, comme d’ailleurs les autres Etats européens, ne nourrit guère de sympathie pour ces nomades qui ignorent les frontières et résistent à toutes les tentatives d’assimilation dont ils sont l’objet. Elle leur imposa en 1912 de porter sur eux un « carnet anthropométrique d’identité », à la suite du recensement de 1895 qui avait dénombré « quatre cent mille vagabonds et vingt-cinq mille nomades en bande voyageant en roulotte ». Dès avril 1940 - avant l’invasion par l’Allemagne - le gouvernement leur imposait de se fixer dans une commune, employant en toutes lettres les mots de « camps de concentration » dans les circulaires adressées aux préfets à cette occasion. Le régime de Vichy n’eut qu’à se servir du fichage minutieux accompli par la IIIe République pour participer au génocide planifié à leur encontre par les nazis. Les estimations sur le nombre de Roms morts dans des camps d’extermination sont extrêmement variables (entre 50 000 et 400 000)... tant il est difficile d’évaluer correctement une population qui, dans certains pays européens, ne jouissait alors d’aucune reconnaissance.
Le carnet anthropométrique a été remplacé en 1969 par un titre de circulation, qui doit être visé régulièrement (au moins tous les ans, dans certains cas tous les trois mois) par la police ou la gendarmerie. Une commune sur quatre seulement respecte la loi Besson de 1990, qui leur fait obligation de réserver des terrains aménagés ; il est interdit aux Roms de séjourner en dehors de ces emplacements. Il est souvent difficile à ces derniers d’obtenir une carte d’identité, et la majorité d’entre eux ne peut exercer son droit de vote, la loi leur imposant d’être rattachés à une commune depuis trois ans avant d’obtenir une carte d’électeur (contre six mois pour les citoyens ordinaires).
Depuis 2004, une fédération, la FNASAT, regroupe les associations militant pour que soient reconnus les droits des Roms en France. Elle s’efforce de réaliser un état des lieux dans les pays d’Europe centrale, où les Roms sont particulièrement nombreux et victimes des discriminations les plus criantes. Ses responsables, soutenus par la fondation Abbé Pierre et la Ligue des droits de l’Homme, viennent d’interpeller les candidats, réclamant l’abrogation des lois « racistes » de 1969 et un meilleur traitement de la part des autorités.
Le sujet des gens du voyage est toujours un dossier sensible pour les élus. Au niveau national, placer le débat sur le terrain des droits de l’homme les oblige à des positions généreuses ; c’est le profil adopté par ceux qui ont participé à la conférence de presse du 29 mars, dans les locaux de la FNASAT : un élu socialiste a estimé qu’il fallait respecter chaque citoyen, et la représentante de François Bayrou a annoncé que son candidat souhaitait l’abrogation du livret de circulation. Mais chacun sait que, sur le terrain local, la situation est plus délicate, la présence de gens du voyage sur le territoire d’une commune provoquant presque toujours l’opposition des riverains.