Lettre de Guy Môquet, chronique d’une premičre fois
par Cyril
mardi 23 octobre 2007
Suite à la décision prise lors de son investiture en tant que président de la République par Nicolas Sarkozy, la lettre de Guy Môquet a été lu aujourd’hui, 22 octobre, à tous les lycéens de France. Choix adulé ou décrié, il ne laissa personne indifférent. Ou presque. Réactions après cette première fois.
La nouvelle nous est parvenue mercredi dernier, durant notre cours d’histoire. Le professeur nous a prévenu, ou plutôt rappelé, que lundi, à 8 heures, allait avoir lieu la lecture cette fameuse lettre de Guy Môquet. Pour certains, cette initiative est une manière de rendre hommage aux Résistants, à travers un adolescent, patriote et communiste. Pour d’autres, ce n’est qu’un instrument politique de Nicolas Sarkozy, ne servant qu’à lisser son ouverture vers la gauche.
En ce qui nous concerne, aucun commentaire n’émana de la part du corps enseignant. Il en fut pratiquement de même pour la classe. Pratiquement, car une réaction survint dans les esprits de tous. Rater une dizaine de minutes de cours, en ce début de semaine post-vacances.
Ce matin, 8 heures, nous nous rendons donc comme prévu dans le réfectoire, pour assister à la lecture. Bien sûr, nous ne sommes pas la seule classe de ce lycée de près de 1 700 élèves. La salle est pleine à craquer. Du jamais vu pour moi, et pour beaucoup sans doute. Même lors des repas, il y a moins de monde. On apprend que plusieurs lectures auront lieu dans la journée : à 8 heures, 9 heures, et 10 heures. Nous sommes donc les premiers. Mais cela ne nous fait ni chaud ni froid...
Après que tous les élèves se sont installés, le proviseur monte sur l’estrade, pour un petit discours d’introduction. Il nous rappelle la volonté du gouvernement de nous faire lire cette lettre, qui amènera à une discussion avec nos professeurs, après coup. Puis, il nous explique rapidement le contexte de l’époque, la collaboration du gouvernement de Vichy avec les nazis, et en vient à l’histoire du jeune Résistant.
Le jeune Guy, membre des jeunesses communistes, fut arrêté are de l’Est, pour avoir distribué des tracts du parti. Il expliqua que, malgré son acquittement et celui d’autres de ses camarades (de ses « frères », comme il le dit dans la lettre), le jeune garçon reste en détention, à Chateaubriand. Et c’est suite à l’assassinat d’un général nazi, par trois communistes, que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pierre Pucheu, choisit de faire fusiller des otages communistes, afin d’épargner, selon lui « cinquante bons Français ». Guy Môquet et vingt-six autres détenus feront partis de ces cinquantes.
Vint alors le moment de la lecture. Pour éviter, je pense, toutes polémiques au sein du corps administratif, la lettre sera lue, ainsi qu’un poème de Louis Aragon, intitulé La Rose et le Réséda, par les élèves ayant choisi l’option théâtre, afin de bénéficier d’une certaine « mise en scène » de ces textes.
Face à l’auditoire, les orateurs, se sont succédé à chaque vers, en lisant à l’unisson les passages forts de chacun des textes ( « Je vais mourir », pour ce qui est de la lettre ; « Celui qui croyait au ciel, et celui qui n’y croyait pas » pour le poème, par exemple). Des applaudissements polis ont suivi chacune des lectures. L’émotion ne fut pas très palpable. Première fois plus que décevante, même si rien d’exceptionnel n’était attendu. Peut-être était-ce dû à une mauvaise acoustique des lieux. En tout cas, pas de tristesse apparente. Pas de joie non plus. L’esprit d’un lundi matin comme les autres. L’an prochain sera peut-être différent. Quand bien même cette lecture soit au rendez-vous...
De retour en classe, une nouvelle lecture nous a été faites, à la demande de la classe, afin de bénéficier d’une meilleure compréhension. Après quoi, notre professeur d’histoire, car c’est ainsi qu’est fait notre emploi du temps, nous a approfondi les explications du proviseur, en insistant sur le devoir de mémoire de cette lettre. On la fait lire dorénavant le 22 octobre, et non plus seulement lors des cours sur la Seconde Guerre mondiale ou bien du 8-Mai, pour ne pas oublier ces Résistants. Puis, le cours reprit là où il en était.
Cette lecture n’eut donc pas un fort impact sur les élèves. Une heure après, tout le monde pensait à autre chose. Voilà le danger de l’avoir fait lire en dehors de tout cadre historique et scolaire. Car, à mon sens, cette lettre aurait eu bien plus de force, d’impact, si on l’avait fait lire, au milieu d’autres lettres de résistants fusillés, durant un cours sur la Seconde Guerre mondiale. Le contexte historique aurait été bien présent chez les élèves. Au lieu de quoi, on nous l’a lue comme un vulgaire bout de papier, un bout de papier servant à « ne pas oublier ».
Mais, quoiqu’en dise les professeurs, les politiciens ou bien n’importe qui d’autre, le devoir de mémoire ne se fait pas en des jours précis et décrétés par un quelconque arrêté ministériel chez nous, les jeunes. Il se fait constamment.