Lettre ouverte d’une immigrée économique à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française

par cmvg1971
mardi 16 janvier 2018

Monsieur le Président,

Je vous écris cette lettre ouverte à propos de vos mesures relatives à la traque des migrants économiques.

Pour cela, il faut d'abord que je me présente. Je suis arrivée en France il ya 17 ans. C'était le 21 septembre 2000. Comment et pourquoi suis-je arrivée en France ? J'ai eu l'opportunité d'enseigner ma langue dans une université du Sud de la France, du côté de la Méditerranée. J'ai eu de la chance. Une chance extraordinaire. Quand je suis arrivée, je savais que j'avais un contrat à signer et aussi où j'allais habiter, puisque des collègues (envers qui je serai reconnaissante jusqu'à la fin de mes jours) m'ont trouvé un appartement. Je suis une privilégiée, contrairement à un grand nombre de mes compatriotes arrivés pendant les années 60 et 70.

Pourquoi j'ai choisi la France ? Ce n'était pas par amour. J'aurais pu partir ailleurs. Cependant, c'est en France que j'ai eu cette opportunité de travail, que je n'allais pas refuser. J'étais enseignante contractuelle dans mon pays. Pourtant, cette année-là, je me suis retrouvée au chômage, comme un grand nombre d'enseignants dans la même situation. Beaucoup d'entre eux ont vécu dans la précarité des remplacements plus qu'incertains. D'autres ont changé de métier et d'autres - comme moi - sont partis à l'étranger. Vous aimez bien la fameuse citation de John Fitzgerald Kennedy : "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays". Cependant, Monsieur le Président, c'est trop facile de tenir des propos pareils quand on n'a jamais connu le chômage et la précarité, quand on est "bien né" - comme c'était le cas de Kennedy et le vôtre. Trop facile, Monsieur le Président.

Oui, Monsieur le Président, je suis une immigrée économique. Serais-je une criminelle ? Les différentes vagues d'immigration en France sont-elles des hordes de criminels et de voyous ? Les Italiens, les Polonais, les Russes, les Arméniens, les Espagnols, les Portugais, les ressortissants des pays du Maghreb et le l'Afrique sub-saharienne, les Asiatiques et, plus récemment, les Albanais (pour ne citer qu'eux) sont-ils des criminels ? Quand on n'a pas de perspectives d'avenir dans son propre pays, on fait tout pour s'en aller et chercher le bonheur ailleurs. Ou tout simplement pour survivre. Quand on subit l'exclusion économique et sociale dans son propre pays (je ne parle même pas des conflits armés et des dictatures), qu'est-ce qu'on peut faire là-bas ?

Je suis devenue française l'année dernière. J'ai obtenu la nationalité française entre les deux tours de l'élection présidentielle. Pourquoi je l'ai fait ? Parce que j'adhère aux valeurs de la République française. Et c'est au nom du pays où vous êtes né et qui vous a élu Président, que je vous prie de ne pas trahir ces valeurs. Je vous prie aussi de ne pas dénaturer la fameuse phrase de Michel Rocard, une de vos grandes sources d'inspiration politique, sur le rôle de la France dans l'accueil des réfugiés.

Pour mémoire, la voici : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit faire sa part".


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