Loi de février 2005 - Handicapés : quels moyens ?

par Walter SALENS
mercredi 10 octobre 2007

L’article d’Alice « Illusion de l’intégration de tous les handicapés en milieu scolaire banal » m’incite à souligner un problème similaire, du moins, concernant les moyens offerts pour la réalisation des bonnes intentions de cette loi.

Hier, à Paris, des handicapés en fauteuil roulant, ont stigmatisé les lieux et endroits publics et privés où l’accès pour eux est laborieux, voire impossible. Ils ont raison quand la loi renvoie aux calendes grecques l’obligation de rendre ces lieux accessible. Tout comme l’obligation légale sur le pourcentage de logements sociaux dans chaque commune ou ville. Tiens, dans Libé de ce jour, je n’ai pas trouvé le moindre entre-filet sur cette démonstration à Paris.

En même temps, le pictogramme du fauteuil roulant est devenu le symbole des handicapés, bien que seulement 4 % environ des handicapés soient dans ce cas. Au point de faire oublier les autres, comme les enfants dont parle Alice.

Sur son article, très pertinent tout comme les commentaires suscités, je ne peux commenter en connaissance de cause. A l’école primaire de mon village - Bouffemont - 95, il y a une classe CLIS. Par ma petite fille de 10 ans, je sais que parfois, ces enfants passent quelques heures dans les classes « normales ». Lors des fêtes d’anniversaire, ma petite fille invite souvent 3 enfants CLIS. Comme le papy est aussi invité pour faire des photos, j’ai pu observer le comportement des ces trois enfants. Oui, leurs réactions sont parfois déroutantes et ouvrir un dialogue s’avère parfois difficile. En même temps, je suis heureux de constater que les enfants dits « normaux » se familiarisent ainsi avec le handicap. L’article d’Aline me pousse d’ailleurs à enquêter très prochainement sur cette classe CLIS.

Oui, Aline a raison : la loi fixe « un vaste programme théorique pour peu d’actions efficaces sur le terrain ! » Et ce par manque de moyens.

En complément à mon article précédent « Retour sur la loi de février 2005 », je confirme le manque de moyens pour ce qui est des Entreprises adaptées (anciennement ateliers protégés).

Avant nous pouvions embaucher, sans demander une autorisation quelconque, les handicapés suivant notre expansion, les nouveaux contrats ou clients. La DDTE versait une participation à leur salaire pour compenser une moindre productivité et le besoin d’encadrement et d’organisation spécifique à une EA.

La nouvelle loi instaure un contingentement, c’est à dire : la DDTE alloue pour l’année un nombre d’EQTP (Equivalent temps plein) à ne pas dépasser. En cas de dépassement l’aide au salaire n’est pas attribuée.

Cette disposition est anti-économique à 100 %, car si nous voulons embaucher des opérateurs, ceux-ci sont destinés à répondre aux nouveaux clients et à permettre l’expansion de l’entreprise. La situation économique, particulièrement dans la sous-traitance manuelle, impose d’avoir une action commerciale et de saisir toutes les opportunités, au jour le jour, pour créer de l’emploi.

Chaque fin de trimestre, nous devons informer la DDTE sur l’EQTP du trimestre écoulé et sur des EQTP en prévision du trimestre à venir. Si ce besoin dépasse le quota alloué en début d’année, nous n’avons aucune assurance que la DDTE accepte. Ils diront oui ou non en fonction des crédits disponibles ou épuisés déjà. Nous ne sommes même pas sûrs de recevoir une réponse rapide ; pour preuve au 4e trimestre 2006, pas de réponse et une aide de 9 200 € ne nous a pas été payée. Alors même que nous avons crée des emplois pour ces nouveaux venus handicapés.

Cette année encore, 12 EQTP alloués au mois de mai 2007, alors que 14 postes étaient prévus par nous dans les dossiers que nous soumettons en janvier. Il a fallu provoquer une réunion avec la DDTE pour que, in fine, 14 EQTP soient accordés. Tout cela au moment où l’année 2007 était déjà largement entamée. Dans ce cas, comment « travailler plus » en créant des emplois en plus ? Comment gérer une entreprise dans ces conditions ? Ajoutons que le responsable à la DDTE change de titulaire trop souvent, sans d’ailleurs nous informer. Misère, galère...

Alice à raison : bonnes intentions, vœux pieux, démagogie... et pas de moyens !

Une autre mission formelle existe depuis toujours pour les EA : œuvrer pour que nos salariés puissent intégrer le milieu ordinaire, c’est-à-dire dans une entreprise « non adaptée ». Depuis des années nous confirmons dans nos dossiers DDTE que pour cette action nous manquons de moyens. Il faudrait un charge d’insertion à plein temps pour des réussites très marginales. Les associations d’importance ont d’autre moyens pour accomplir cette mission, mais avec peu de succès. Ces embauches sont de l’ordre d’1 % par rapport à l’effectif.

En cas de réussite et pour un TH, une subvention assez importante - 4 600 € - est accordée à l’EA. Mais, mais : à condition que le contrat de travail soit d’emblée un CDI. Quelle entreprise embauche d’emblée par CDI un travailleur pour des emplois modestes de par le faible niveau de formation de nos salariés ? Nobody ! Il y a trois ans, nous avions réussi une intégration : subvention refusé, car embauche en CDD !

Plus globalement, le taux d’embauche des TH, par les entreprises de 20 salariés et plus, stagne à environ 4 %, sans parler du secteur public encore plus défaillant.

Incohérence économique totale et hypocrisie entre les effets d’annonce et les moyens.

Comme je parle d’aides et de subventions, je voudrais souligner que l’entreprise adaptée est une entreprise comme une autre. D’ailleurs la nouvelle loi nous catalogue définitivement comme « milieu ordinaire ». Je ne parle que pour notre entreprise - TH-OISE sarl - née fin 1993, sur fonds privés et hors du monde associatif. Je laisse à d’autres d’écrire sur les associations, les bons points et quelques dérives éventuelles.

Entreprise = capital = résultats d’exploitation. Il a fallu cinq ans avant d’avoir un résultat positif pour compenser les pertes antérieures. (Et surtout beaucoup de travail et d’acharnement) Depuis et chaque année le résultat est positif, soumis à l’IS. En 14 ans, une seule fois des dividendes ont été distribuées. L’encadrement est léger : un responsable de production-cadre pour 14 opérateurs et une gérante au salaire raisonnable. Le profit est mis en réserve pour des investissements ultérieurs. Actuellement nous démarrons un intéressement, payé directement, pour tous les salariés. Comme les objectifs seront atteints cette année, cet intéressement sera en net, de + 5 % de leur salaire moyen. Cette formule est incitative et est préférable à un IS de 33 %.

Ces derniers paragraphes pour lutter contre l’image que certains peuvent avoir sur les entreprises adaptées et leur dirigeants ou propriétaires. Image qu’ont parfois certains industriels qui pensent que parce que nous sommes « aidés », nos prix de vente devrait raser le sol. NON, nous vendons des heures de travail, de qualité à un prix concurrentiel. D’ailleurs, le temps propre à telle ou telle opération est le temps d’une personne valide et non le temps mis par tel ou tel handicapé. Ce dernier point est notre cuisine interne.

Pour terminer, je voudrais que dans ce domaine « Handicapés et Emploi » et les autres aspects de la nouvelle loi, davantage de personnes témoignent.

A ceux qui désirent davantage connaître une EA : ils trouvent le site ad hoc, sur la liste des rédacteurs, sous la lettre W de Walter.


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