Loi relative à la prévention de la délinquance et informations confidentielles

par Samarcq Nicolas
jeudi 29 mars 2007

Publiée le 7 mars 2007, la loi relative à la prévention de la délinquance(1) organise la transmission de données personnelles à caractère social entre les professionnels de l’action sociale(2), le maire et le président du Conseil Général, l’institution d’un conseil pour les droits et devoirs des familles et la création d’un fichier communal d’assiduité scolaire.

La transmission des données sociales entre le maire, le président du Conseil Général et acteurs sociaux

L’article 8 de la loi relative à la prévention de la délinquance insère dans le Code de l’action sociale et des familles un nouvel article L. 121-6-2, qui définit le cadre dans lequel les professionnels de l’action sociale peuvent partager entre eux des informations confidentielles et les transmettre au maire ou au président du Conseil Général.

Le Conseil Constitutionnel, saisi sur le fondement du respect de la vie privée(3), a tout d’abord rappelé que le législateur a prévu, dans certaines hypothèses, de délier les intervenants de l’action sociale du secret professionnel afin de mieux prendre en compte l’ensemble des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille et de renforcer l’efficacité de l’action sociale, à laquelle concourt une coordination accrue de ces différents intervenants.

Le Conseil des sages a ensuite considéré, au regard du respect de la vie privée et des exigences de solidarité, que le législateur avait suffisamment encadré les modalités de transmission des données personnelles en prévoyant que :

- Un professionnel de l’action sociale doit transmettre des informations confidentielles au maire de la commune de résidence ou au président du Conseil Général que « lorsque l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels »(4) ;

- Les professionnels intervenant auprès d’une même personne ou d’une même famille, ainsi que le coordonnateur désigné par le maire, ont l’autorisation de « partager entre eux des informations à caractère secret, afin d’évaluer leur situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre », dans la limite « strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale »(5) ;

- Le professionnel agissant seul ou le coordonnateur sont autorisés à délivrer ces informations confidentielles au maire, au président du Conseil Général, ou à leur représentant(6) que si elles « sont strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences »(7) ;

- La communication de ces informations à des tiers est passible des peines prévues à l’article 226-13 du Code pénal(8) .

Au regard de la loi Informatique et Libertés, l’ensemble de ces dispositions instituent de fait des échanges de données à caractère personnel, susceptibles de constituer un traitement automatisé de données sensibles soumis à autorisation préalable de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL).

En ce sens, la CNIL a rappelé, dans le cadre de son avis consultatif sur le projet de loi, que « les traitements comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes sont soumis à autorisation préalable de la Commission » et doivent s’effectuer « dans des conditions garantissant tout particulièrement la confidentialité des données »(9).

Les élus devront donc prendre toutes précautions utiles pour garantir la confidentialité et la sécurité de ces données sensibles et certainement supprimer certaines d’entre elles lors des échanges. A défaut, leur demande d’autorisation pourra être refusée par la CNIL, qui a estimé que la communication au maire « de l’ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés, apparaissent, compte tenu de leur caractère très général, disproportionnées au regard des objectifs poursuivis »(10). En effet, selon le principe de proportionnalité de la loi Informatique et Libertés, les données collectées et traitées doivent être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs »(11) .

 ? Le conseil pour les droits et devoirs des familles

Ce conseil, mis en place par délibération du conseil municipal, a pour mission de dialoguer avec les familles, leur adresser des recommandations et proposer des mesures d’accompagnement parental.

Ainsi, lorsqu’il ressort de constatations ou d’informations portées à la connaissance du Conseil que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur, le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental. Dans ce cas, le maire doit solliciter l’avis du président du Conseil Général, en informer l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales et le préfet(12).

Le conseil pourra également proposer que les professionnels et les tiers concernés soient informés de ses recommandations et des engagements pris par la famille dans le cadre d’un contrat de responsabilité parentale signé avec le président du Conseil Général (ce contrat doit être porté à la connaissance du conseil pour les droits et devoirs des familles)(13) .

Dans le cadre de l’avis précité, la CNIL a émis une réserve sur ce dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, dans la mesure où il a été institué sans qu’aucune garantie soit apportée « ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessaire confidentialité de celles-ci ». A titre d’exemple, les destinataires « tiers concernés » n’ont pas été définis par la loi.

En conséquent, les échanges de données nécessaires à la mise en place du Conseil pour les droits et devoirs des familles sont soumis à autorisation préalable de la CNIL, qui examinera avec vigilance les annexes « sécurités » et « échanges de données ».

 ? Le fichier communal d’assiduité scolaire

Afin de procéder, chaque année (à la rentrée scolaire), au recensement des enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, ainsi que par l’inspecteur d’académie ou le directeur de l’établissement d’enseignement.

Ce traitement enregistrera les avertissements prononcés par l’inspecteur d’académie aux personnes responsables d’enfants ayant manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins quatre demi-journées dans le mois.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la CNIL, déterminera la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d’habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès.

 ? Conclusion

Il est donc à regretter que le législateur n’ait pas suivi les recommandations de la CNIL, seule autorité administrative indépendante compétente pour garantir le respect de la vie privée de ses concitoyens.

Désormais, la loyauté et la sécurité de ces traitements reposent sur la volonté politique et la sensibilisation des élus et agents en charge de l’action sociale et éducative.

Nicolas Samarcq Juriste TIC Membre de l’AFCDP (www.afcdp.org) www.lexagone.com

1 Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JORF du 7 mars 2007.

2 Article L. 116-1 du Code de l’action sociale et des familles : « (...) l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et médico-sociales au sens de l’article L. 311-1. »

3 Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 "Loi relative à la prévention de la délinquance".

4 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

5 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

6 au sens des articles L. 2122-18 et L. 3221-3 du Code général des collectivités territoriales.

7 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

8 Article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ».

9Délibération n°2006-167 du 13 juin 2006, www.cnil.fr/index.php ?id=2089.

10 Ibid.

11 Article 6-3° de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, modifiée le 6 août 2004.

12 Article L. 141-2 du code de l’action sociale et des familles.

13 Articles L. 141-1 et L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.


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