Loi sur la délinquance, ne pas se tromper de coupables
par Michel Herland
mercredi 22 novembre 2006
Novembre 2005, novembre 2006. L’histoire ne se répète pas tout à fait, mais les restes des autocars calcinés sont là pour nous rappeler qu’il existe, aux franges de nos grandes villes, une population rebelle qui ne rêve que d’en découdre. La violence est récurrente, les discours des politiques appelant au calme, assaisonnés de quelques promesses, aussi. Quant aux Français ils attendent, installés devant leur télévision, qu’il se passe quelque chose de vraiment intéressant.
Lorsqu’on veut résoudre un problème, quel qu’il soit, on commence par identifier sa cause, avant de commencer à le soigner. Tu es malade parce que tu as une indigestion, donc je te mets à la diète. Le « problème des banlieues », on s’en doute, est plus complexe. Prenons le fait le plus massif : la violence de certains jeunes garçons adolescents, qui s’exerce au gré de leur humeur contre une bande rivale, ou contre les filles, ou les professeurs, ou les policiers, ou les voitures (et les autocars), ou les boîtes aux lettres, etc. Lorsque les auteurs de ces actes de violence sont attrapés par la police, ils sont normalement déférés devant la justice. A première vue, les auteurs de tels actes sont donc considérés comme responsables.
Pourtant, même lorsqu’un adolescent reconnaît avoir été l’auteur de la violence, ou lorsque des preuves irréfutables sont réunies contre lui, il n’est pas du tout certain qu’il sera condamné, et ceci même s’il est connu comme récidiviste : l’affaire sera souvent « classée ». Que faut-il en conclure ? Un réflexe assez courant consiste à incriminer les juges. Ces derniers se défendent, en mettant en avant deux éléments principaux : 1) l’ordonnance de 1945 incite à sanctionner les mineurs par des mesures éducatives, or les places disponibles sont en nombre très insuffisant. 2) Quant à la prison, au vu de ce qu’elle est dans notre pays, il y a tout lieu de craindre qu’elle ne transforme les apprentis délinquants en délinquants endurcis. Les juges ne se considèrent donc pas comme laxistes. Ils ne contestent pas que des jeunes puissent être coupables - en tout cas ils ne sont pas opposés à une mesure de redressement -, ils constatent simplement que les moyens efficaces prévus par la loi font défaut.
La question qui se pose immédiatement, si l’on a l’esprit un tant soit peu logique, est la suivante : qui est responsable de ce manque de moyens ?
Envisageons maintenant les choses sous un autre angle. Ces jeunes violents ne sont pas sortis de n’importe où. Ils résident dans des quartiers bien particuliers, ces fameuses « banlieues » auxquelles on se réfère quand on parle de la violence. Cela conduit à soulever une autre cause de la violence de ces jeunes : l’environnement dans lequel ils vivent. Et là, il est facile de décliner une série d’éléments pathogènes : l’école, qui - au-delà des discours - a perdu de vue sa mission d’égalité des chances ou n’a pas les moyens de la remplir, la démission de bien d’autres services publics, le chômage des grands frères ou des pères, les trafics en tout genre, que l’on n’a jamais souhaité éradiquer (car ils contribuent à empêcher une violence plus grande), la dégradation des bâtiments, etc.
Cela n’empêche pas, bien sûr, que l’on mette déjà des moyens sur la « politique sociale » et la « politique de la ville ». Mais il n’est pas moins clair que ces moyens n’ont pas suffi jusqu’ici à régler le problème des banlieues, à la fois parce qu’ils sont certainement insuffisants quantitativement et aussi, peut-être surtout, parce que l’on n’a jamais osé questionner en profondeur leur efficacité. Pour ne prendre que le chômage, qui est considéré universellement comme une cause majeure de pathologie sociale, la France se satisfait d’un taux qui avoisine 10%. Il y a un consensus pour ne pas toucher - autrement qu’à la marge - aux droits des travailleurs et des chômeurs, même si cela empêche de réduire notre chômage « structurel ».
Alors, qui sont les responsables ? Les politiques, les parlementaires qui votent les lois, les ministres qui les proposent et les font appliquer ? On peut répondre ainsi, mais n’est-ce pas encore rejeter la responsabilité sur des lampistes ? Que sont les politiques, sinon les représentants du peuple qui les a élus ? Croit-on vraiment que si leur réélection était soumise au règlement réel du problème des banlieues, ce problème existerait encore ?