Mille feuille territorial : comment plomber la réforme en 8 leçons
par Michel DROUET
vendredi 9 mai 2014
C’est parti ! Suite aux annonces présidentielles on assiste à des déclarations politiques pour ne pas dire politicardes : ceux qui étaient pour ou qui n’étaient pas contre le sont désormais. Question de calendrier, de timing politique, d’opportunisme électoral ou bien peur de perdre de son influence en perdant un mandat local. Une stratégie de démolition se met en place. Elle se caractérise par des postures, des manipulations, des envolées lyriques et des fausses interprétations. Voici quelques postures choisies et quelques non-dits :
Masquer les enjeux : Si les citoyens ne savent pas ce que font les collectivités territoriales, comment pourraient-ils avoir un avis éclairé sur la réforme, comment ne se feraient-ils pas gruger par des élus et des partis politiques qui leur diront que la réforme sera une vraie catastrophe, dans le seul but de conserver leurs mandats et leurs privilèges.
Manipuler les citoyens : Annoncer qu’on va supprimer le Département alors que c’est le Conseil Général qui disparaîtrait et clamer haut et fort que c’est la main invisible de l’Europe qui est derrière le projet de réforme procède d’une intense manipulation à laquelle se livrent les souverainistes et des élus de tous les partis qui ne veulent pas perdre leurs sièges.
Dire que la proximité avec les citoyens est en jeu : La proximité a toujours été assurée par les Maires et les conseillers municipaux et aujourd’hui avec les élus des intercommunalités. Connaissez-vous votre conseiller général ?... et quelles sont les compétences Conseil Général ? La suppression du Conseil Général permettra aux communes dans un nouveau cadre intercommunal (à l’échelle des bassins de vie) de gérer elles-mêmes les services de proximité avec davantage d’efficacité qu’actuellement, avec l’aide des Régions.
Chercher à recaser les conseillers généraux : Si on supprime le Conseil Général, il faut que le mandat de conseiller général disparaisse et qu’on ne cherche pas à recaser ces 4050 élus dans d’autres assemblées locales (sans compter les contractuels politiques des cabinets) La suppression d’un échelon de collectivité est favorable à l’émergence d’une nouvelle forme de démocratie locale avant même d’être une économie financière.
Dire que réformer coûtera plus cher qu’actuellement : Si on supprime les 4050 mandats de conseillers généraux et les postes de contractuels de cabinet, les dépenses de communications et de fonctionnement des assemblées qui vont avec, pour ne parler que de cela, sans parler de la suppression de doublons administratifs consécutifs à la suppression de la clause générale de compétence, c’est une économie entre 400 et 600 millions d’euros qui pourrait être réalisée. La division par deux du nombre de Région provoquerait également des économies, à condition que les élus le veuillent bien et ne noient pas le poisson derrière des arguments destinés à masquer leurs responsabilités managériales.
Ne pas simplifier la carte de l’intercommunalité : L’intercommunalité actuelle qui se caractérise souvent par son faible nombre d’habitants ne survit actuellement que grâce aux subventions versées par les conseils généraux. Redimensionner l’intercommunalité à la taille des Pays en obligeant les élus qui cultivent l’entre-soi politique à élargir leur point de vue permettra à cette intercommunalité nouvelle de s’assumer financièrement et techniquement après la suppression des conseils généraux. La Région a un rôle essentiel dans cette démarche.
Laisser la réforme aux seules mains des politiques est le plus sûr moyen de la plomber, d’arriver au final à un truc encore plus incompréhensible pour le citoyen et qui coûterait plus cher. En écoutant ce cher M. Copé crier à la manipulation politique suite aux annonces présidentielles sur la réforme, alors qu’il y a moins de quatre mois il appelait à supprimer les Conseils Généraux (« Aujourd’hui en France » du 17/01/2014) donne une idée de la duplicité du monde politique et des basses manœuvres dont il et capable pour conserver ses privilèges ou nuire au Pays en faisant croire qu’il œuvre pour le bien collectif.
Ne pas faire de pédagogie : Mal informé, le citoyen continuera de penser, au choix, qu’on veut encore supprimer le numéro du département sur les plaques minéralogiques, que des tribunaux vont être supprimés, que la Poste va fermer des agences ou bien encore que le Préfet va disparaître. Il faut lui faire savoir ce qui est en jeu, que réunir la gestion des collèges et des lycées ou celle des transports ferroviaires et routiers de voyageurs à la Région n’entraînera pas la diminution du service rendu. Il faut également l’intéresser aux économies financières attendues ainsi qu’à la nouvelle organisation territoriale de proximité entre Région, Communes et Intercommunalités.