Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale : cherchez l’erreur !

par Francis BEAU
lundi 26 mars 2007

Nicolas Sarkozy a appelé de ses vœux récemment la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Doit-on s’offusquer du rapprochement entre une politique de contrôle de l’immigration et la notion d’identité nationale, ou bien plutôt condamner ce travers bien français qui consiste à croire que la solution d’un problème passe inévitablement par la création d’un nouveau ministère ? S’il faut à l’évidence rejeter cette proposition pour éviter de multiplier inutilement le nombre de ministres, je pense, contrairement à la plupart des opposants à cette mesure, qu’identité nationale et politique d’immigration sont en réalité parfaitement indissociables. Reconnaître la complémentarité de ces deux concepts en en comprenant bien la nature ne constitue en rien une concession aux thèses nationalistes ou xénophobes de certains.

Dans une interview accordée au journal Le Monde du 10 septembre 2006, à la question : "La pratique présidentielle américaine peut-elle vous inspirer ?", Nicolas Sarkozy terminait sa réponse par la phrase suivante : "Il y a à peine quinze ministres pour un pays de 300 millions d’habitants, et les ministères ne changent pas d’intitulé à chaque alternance". Cette louange d’une certaine sobriété en matière de multiplication des postes ministériels chez nos amis américains est en contradiction avec l’annonce de la création, s’il est élu, d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Contrairement à ce que dénoncent les nombreuses critiques suscitées par l’annonce de ce projet, ce n’est pas l’accolement des termes "identité nationale" et "immigration" qui me paraît choquant, mais bien l’ineptie de cette proposition qui renoue avec l’habitude bien française de créer un nouveau ministère pour chaque problème émergent. La contradiction avec son admiration affichée pour les pratiques américaines plus sensées en la matière permet d’espérer que, dans le cas où il serait élu, passées les fièvres électorales, le bon sens prévaudra chez Nicolas Sarkozy. Sans s’attarder plus sur cette ineptie, il me paraît cependant utile d’examiner la relation qu’il peut y avoir entre immigration et identité nationale.

Les déséquilibres actuels en matière de développement et de niveaux de vie, qui caractérisent la situation internationale dans un monde globalisé aux allures de village planétaire, ne permettent pas l’abolition brutale des frontières. Les politiques d’immigration s’avèrent sans aucun doute nécessaires. Le contrôle de l’immigration aux frontières de pays insolemment riches par rapport au reste de l’humanité constitue, dans le court et le moyen terme, le seul remède contre un afflux massif d’hommes, de femmes et d’enfants dont la condition serait immanquablement humainement catastrophique compte tenu des capacités d’accueil limitées de ces pays.

On voit bien là les limites de cette politique d’immigration qui doit impérativement s’intégrer dans un ensemble plus vaste de mesures, dans le cadre d’une politique étrangère ambitieuse de rééquilibrage du monde et de lutte contre les inégalités planétaires, dont les résultats ne pourront être effectifs qu’à long terme. En attendant donc le rétablissement d’un équilibre apte à garantir la stabilité naturelle des populations sur leurs territoires d’origine, le déracinement d’hommes et de femmes en provenance de pays défavorisés et leur implantation dans des pays riches doit impérativement être maîtrisé. Cette maîtrise a deux visages : on ne voit malheureusement la plupart du temps que son aspect numérique le plus spectaculaire (limitation du nombre), et on oublie trop souvent son volet culturel (respect des valeurs fondamentales qui font le ciment des communautés nationales).

C’est dans ce deuxième volet culturel de la maîtrise de l’immigration que l’expression "identité nationale" prend tout son sens. Force est de constater qu’elle a toute sa place dans une politique d’immigration bien conçue. L’identité nationale n’est pas un concept creux ou sulfureux dont l’usage devrait être réservé aux xénophobes de tout poil. C’est ce qui fait le ciment indispensable au fonctionnement de nos sociétés organisées en Etats nations. Elle repose sur le partage de valeurs communes positives, pas sur la méfiance et la peur de l’autre. Elle s’enrichit des apports extérieurs qui la font progresser, mais doit rejeter sans aucune faiblesse ceux qui la feraient régresser dans des pratiques d’un autre âge. Pour disposer de cette force indispensable au maintien des valeurs fondamentales d’une communauté bâtie sur l’universalité des droits de l’homme, la nation doit disposer d’un ciment suffisamment solide pour unir les millions d’individus qui la composent malgré leur diversité, leurs différentes religions et l’infinie variété de leurs sensibilités. Cette union se réalise en France autour de valeurs inaliénables incarnées par la République.

Pour tous les pays, ce ciment a un nom, c’est l’identité nationale. Celle-ci est indissociable d’une politique d’immigration bien pensée qui s’attache autant à la limitation du flux qu’à la préservation des valeurs, tout en s’intégrant dans une politique étrangère d’aide au développement. En limitant le nombre de ceux qu’elle décide d’accueillir, la communauté nationale s’assure d’être en mesure de leur offrir des conditions de vie décentes. En s’assurant que ceux qu’elle accueille adhèrent aux valeurs fondamentales garantes du fonctionnement harmonieux des institutions nationales, la communauté préserve la tenue du ciment qui fait sa force.


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