Ne dites plus Service public de l’orientation, dites SPOT

par Christian Bensi
lundi 13 juillet 2009

Le livre vert de la commission de Martin Hirsch, Haut commissaire à la Jeunesse et aux Solidarités actives, est enfin publié. Il confirme la tendance de certains rapports précédents et va même plus loin sur certains aspects. La cohérence globale est loin d’être évidente, le texte étant un assemblage de la réflexion des divers groupes de travail.

Si le terme « fusion » n’est exprimé qu’une seule fois dans le texte, la volonté de faire agir ensemble les organismes qui s’occupent de l’information-orientation des jeunes est patente. Mais fait marquant, qui tranche avec les précédents rapports, aucune structure en charge de l’information-orientation n’est ici stigmatisée.

Au niveau des acteurs de proximité, le rapport cite systématiquement les trois réseaux principaux : les centres d’information et d’orientation, les missions locales et le réseau Information Jeunesse. 

La volonté de confier aux établissements, et donc aux enseignants, la mission d’accompagner l’orientation des élèves est réaffirmée. Chaque élève devrait notamment se voir désigner un référent pour accompagner son parcours. La commission Hirsch affirme la nécessité d’inclure dans la formation initiale et continue des enseignants la « culture de l’orientation. » Les parents, quant à eux, pourraient être sollicités pour faire découvrir le monde de leur entreprise aux élèves, l’employeur des dits parents étant tenu de leur laisser le temps nécessaire pour assurer cette découverte.

Le rôle important des Centres de documentation et d’information dans l’apprentissage du « savoir s’informer » est rappelé. La commission est « consensuelle » quant à la nécessité « de faire évoluer les conditions de recrutement et de formation des conseillers d’orientation psychologues. » C’est bien évidemment la dimension « psychologie » qui est visée, ce mot n’étant pourtant jamais prononcé dans le rapport.

Le livre vert définit un Service public de l’orientation territorialisé (SPOT). L’Etat ne déciderait plus seul. On parle d’un travail en commun entre « l’Etat, les Régions et les partenaires sociaux autour d’un cahier des charges partagé. » Ce service public ne serait pas une « sous-partie » de l’Education nationale.

La commission Hirsch rappelle que « les supports d’information des jeunes doivent profondément se moderniser pour développer des outils interactifs et accessibles. » Le SPOT devra lutter aussi contre la fracture numérique. J’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de m’étonner du peu d’actions de familiarisation aux usages numériques réalisés en direction des publics les plus en difficulté. Chacun sait que les faibles usages d’Internet sont fréquemment constatés chez les publics les moins diplômés. Pour ces derniers, c’est un frein supplémentaire à l’employabilité.

Sur le plan national, deux scénarios sont proposés. Le premier scénario propose un rapprochement de l’Onisep, de Centre Inffo et du Cidj sous forme d’une convention garantissant la mise en synergie de l’offre de chacun des organismes. Le deuxième scénario propose la fusion, en fait la création d’une agence rattachée au premier ministre. Cette agence se verrait confier une mission d’évaluation et d’analyse dans une perspective de mutualisation des bonnes pratiques. Cette agence pourrait même se voir confier la gestion des crédits pour les « réseaux missions locales, centres d’information et d’orientation et Information Jeunesse. » Dans ce deuxième scénario, le livre vert oublie de définir qui sera en charge de produire la documentation nationale, celle-ci ne pouvant être la seule addition des documentations régionales.

Si l’échelon national est celui de la définition des missions, le pilotage de l’organisation des services d’accueil d’information et d’orientation de proximité serait régional. Un pilotage chargé de définir des objectifs et des indicateurs d’évaluation, les conditions de développements des points d’accueil polyvalents, de type « cité des métiers », d’assurer l’animation du réseau Information Jeunesse régional (une mission jusque-là dévolue aux Centres régionaux Informations Jeunesse), d’assurer la labellisation des structures. La commission propose un label unique de qualité défini au niveau national.

Pour assurer le pilotage régional, le livre vert cite le Comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). Mais là encore, on ignore qui sera en charge de la conception de la documentation et du recueil des données sur le plan régional.

Si les missions locales sont citées à plusieurs reprises dans la partie « Service public de l’orientation territorialisée », elles le sont davantage encore dans la partie « Ne laisser aucun jeune à l’abandon. » Dans ce chapitre, les missions locales ont pour mission d’assurer « la coordination d’ensemble des réponses apportées aux jeunes » au point de reprendre sur certains territoires, les interventions de la Mission générale d’insertion. La Mission locale devient l’interlocuteur principal et le coordonnateur unique des actions menées en direction de tous les jeunes qui sont éloignés de l’emploi et faiblement qualifiés. Dans cette partie, la proposition n° 18 envisage même la possibilité de développer « l’activité d’orientation des missions locales et le cas échéant le rapprochement avec les CIO. » De quel rapprochement s’agit-il puisque ces structures seraient déjà « rapprochées » au sein du SPOT ? Ou alors s’agit-il là d’une fusion qui ne dit pas son nom ?

Au chapitre des questions non résolues : Quelle sera la place des missions locales par rapport aux Maisons de l’emploi ? Dans le réseau Information Jeunesse, quel le sera la mission des Centres régionaux de l’information Jeunesse qui risquent de se retrouver en doublon par rapport aux CCREFP. Luc Chatel acceptera-t-il de ne plus être l’acteur principal de l’information-orientation des jeunes ? Et enfin et surtout, quid du financement de ces acteurs ?

Quant aux conseillers d’orientation-psychologues et à la modification de leur recrutement et de leur formation, rappelons que Richard Descoings affirmait, il y a peu : « Les conseillers d’orientation-psychologues ont un rôle irremplaçable. Ils aident les jeunes en difficulté et sont appréciés pour leurs qualités de psychologues. »

Il n’y a décidément pas que les structures d’information-orientation qui auraient besoin de se coordonner, non ?


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