Nicolas Sarkozy : le retour du déterminisme génétique
par Bertrand Lemaire
mardi 10 avril 2007
Si l’ex-ministre de l’Intérieur horrifie François Bayrou, il est surprenant qu’aucun autre candidat n’ait apporté de commentaire sur une « sortie » idéologique forte de Nicolas Sarkozy.
Il y a des concepts qui devraient avoir disparu à la fois parce que
l’expérience a démontré qu’ils étaient faux mais aussi parce que leur
application a, dans le passé, provoqué les pires horreurs de l’histoire
humaine. Le déterminisme génétique de l’être humain fait partie de
ceux-là.
Il y a des mots qui, aujourd’hui, comme "terrorisme" ou
"pédophilie", abolissent toute raison, c’est vrai. On en arrive à des
dialogues surréalistes, par exemple : "Mais il faut accepter la torture
sur des terroristes/pédophiles pour les faire avouer !", "Mais s’ils
n’avouent pas et qu’il n’y a pas de preuve, c’est qu’ils sont peut-être
innocents", "Ca serait ta fille qui aurait été violée et ta femme
déchiquetée dans l’attentat, tu ne serais pas avec ces ordures", "Mais
s’ils sont innocents, ce ne sont pas des ordures...", "Qu’on les fasse
avouer ! Qu’on les égorge !", etc. L’affaire d’Outreau a été
exemplaire dans ce mécanisme.
Mélangez les deux, ajoutez un zeste de démagogie et une bonne dose d’ambition personnelle démesurée, vous obtiendrez la dernière sortie de Nicolas Sarkozy sur les pédophiles et les suicidaires. Cette prise de position en a horrifié François Bayrou. Je suis peiné qu’aucun autre candidat n’ait réagi.
Pour résumer la position de l’ex-ministre de l’Intérieur, un pédophile ou un suicidaire ne doivent leur condition qu’à un fond génétique hérité de leurs parents. On comprend mieux, maintenant, l’acharnement de Nicolas Sarkozy à vouloir détecter les futurs délinquants potentiels dès l’école maternelle pour, sans doute, tout de suite les envoyer en prison... Enfin, soyons humains, dans une prison (réelle ou chimique) adaptée à leur condition et leur âge.
En toute bonne logique, il faudrait prévenir plutôt que guérir. Si le déterminisme génétique est juste, alors il faudrait, plutôt que de faire supporter la charge de futurs délinquants à la société, procéder à des avortements civiques. Et, comme cela coûte cher, l’idéal serait de stériliser les personnes à risques.
On pourrait évidemment mener de vrais campagnes de prévention et isoler les personnes à risque dans des centres fermés à l’écart des villes où le bon air leur apporterait un peu de bonheur dans une vie qui n’a pas toujours été gentille avec eux. Il serait également juste que la société ne supporte pas le coût de ces mesures, nécessaires pour sa propre sécurité mais qui sont dues avant tout à l’inconscience de certains parents irresponsables qui ont donné naissance à des gens inadaptés. Ces personnes auraient donc bien entendu à travailler dans les centres fermés bucoliques, travail qui leur permettrait de se libérer l’esprit de leurs pulsions désastreuses. Ce travail les rendant libres, pourquoi se plaindraient-ils ? Et, au terme, il conviendrait de les libérer définitivement. Bien sûr, il ne faut pas oublier les menaces autres que la pédophilie et l’insoumission au chef. Les avaricieux et les spéculateurs font beaucoup de mal à la société. Et on a pu constater que, génétiquement, de père en fils, certains étaient banquiers ou vendeurs de tissus. Il conviendrait donc de régler également leur cas. C’est ainsi qu’en glissant le long de la pente du déterminisme génétique, poussée par le vent de la démagogie, l’humanité a créé Auschwitz.
Chacun est responsable de ses choix. Il est vrai qu’il existe un "terrain" (comme on dit en génétique ou en homéopathie). Mais celui-ci est complexe et jamais purement génétique. L’hérédité, elle-même, doit être vue avec suspicion : il y a ce qui est transmis génétiquement mais aussi par les conditions de la grossesse (mère alcoolique, fumeuse...), par la prime enfance, par l’environnement social, par la réaction de la société face à l’individu (des êtres méprisés car petits peuvent devenir méchants ou ambitieux), etc.
Cette complexité et la responsabilité individuelle qui en découle sont ce qui justifie l’éducation, y compris ses aspects coercitifs, et, aussi, la punition des criminels.
Il faut se rendre à l’évidence : Nicolas Sarkozy multiplie les prises de position qui le placent davantage à l’extrême droite que Jean-Marie Le Pen.