Non le discours de Jean-Marie Le Pen n’est pas recevable

par Lapa
mercredi 1er avril 2009

Je crois qu’il est important de faire une petite analyse de la fameuse phrase concernant les chambres à gaz énoncée par le représentant du Front National. En effet la lecture de certains commentaires sur un article récent publié sur Agoravox est promptement stupéfiante. Alors dans l’espoir que certains des ardents défenseurs de ces propos ne sont pas de totale mauvaise foi, je pense qu’un décryptage est indispensable. Pour leur faire ouvrir les yeux.

Toute d’abord voici la phrase dans son contexte, déclaration qui lui a valu condamnation le 18 Mars 1991 pour banalisation de crime contre l’humanité.

« Je me pose un certain nombre de questions. Et je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Je n’ai pas pu moi-même en voir. Je n’ai pas étudié spécialement la question. Mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. [...] Si, c’est un point de détail au niveau de la guerre ! Voulez-vous me dire que c’est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire ? Que c’est une obligation morale ? Je dis qu’il y a des historiens qui débattent de ces questions. »

Nous voyons déjà que ceux qui réduisent les propos de Le Pen au « détail de l’histoire » des chambres à gaz se fourvoient complètement ; car c’est bien l’ensemble qui a été condamné et qui a été énoncé par le leader d’extrême droite, formant un tout qui ne peut être défendu.


La prétérition et l’antiphrase pour suggérer un fait.

On commence par une figure stylistique française bien connue, la prétérition « je ne dis pas que les chambres a gaz n’ont pas existé ». C’est exactement comme si vous disiez à votre conjoint(e) (maintenant on dit partenaire, comme pour la belote mais ça m’énerve) : « je dis pas que tu es moche ». Car en réalité : vous le dites justement ; l’idée est parfaitement passée. Il ne faut voir aucune contradiction dans le propos. ; car un discours honnête aurait été « je sais que les chambres à gaz ont existé », quitte après à leur donner l’importance du détail (on y reviendra). L’idée véhiculée par cette introduction est donc bien le doute sur l’existence des chambres à gaz.


L’introduction vers l’irrationalité.

« Je n’ai moi même pas pu en voir » Est l’introduction à la suite du discours qui va placer les chambres à gaz dans le domaine de la foi ou la croyance et , du coup, non du fait. Notre leader se pose donc dans une attitude de doute scientifique face à des croyants aveuglés par leur foi. Car le problème des chambres à gaz nazies réside effectivement qu’il n’en reste pas trop d’intact, on en trouve pourtant encore à Dachau et Auschwitz, que M. Le Pen pourrait aller visiter. La solution finale via les chambres à gaz est aussi fait découlant de calculs techniques (nombre de personne a exterminer, quantités de Zycklon B commandées…), de témoignages recoupés et unanimes d’anciens SS et de survivants, ainsi que de photos et restes de bâtiments. A l’arrivée des soviétiques, beaucoup des installations de l’Holocauste furent détruites par les SS.



Notez que l’utilisation du verbe pouvoir dans la phrase n’est nullement anodine : cela suggère l’incapacité à effectuer une action qu’on aurait réellement cherché à réaliser de toutes ses forces. Le rendu n’aurait pas été le même si la phrase avait été : « je n’ai pas eu l’occasion d’en voir une ».


Le fameux détail.

« Je crois que c’est un point de détail de la seconde guerre mondiale ». La fameuse phrase qui n’est pas si terrible que cela hors contexte prend toute son ampleur dans l’ensemble du propos de Le Pen. Avec cette phrase, il s’absout de tout négationnisme directement puisqu’en concédant que c’est un détail, il ne nie pas leur existence de manière officielle même si l’enrobage des propos comme nous le montrons ici tend à faire passer cette idée. Notez également que, si sur le plan technique, les chambres à gaz peuvent être considérées comme un détail, tout comme la bombe A ou le bombardement de Dresde ; il n’en n’est pas de même sur le plan moral. La manière de procéder à une extermination humaine industrielle de grande ampleur ne peut être considérée comme un détail… sauf à nier son humanité.


Les chambres à gaz comme synecdoque.

Cette figure de style est à bien comprendre. Les chambres à gaz on un sens bien plus large que du simple matériel technique. Ce sens englobe l’entièreté de l’Holocauste et du crime contre l’humanité qui est l’extermination planifiée et industrielle d’être humains.
C’est évidemment dans ce sens là que les propos de Le Pen, encadrés par une habille manœuvre tendant à séparer les chambres à gaz du fait établi via la suggestion et l’irrationalité, sont condamnables par tout Homme sain d’esprit et Honnête.


Le prolongement de l’irrationalité vers le dogme.

Nous l’avons vu plus haut, la tactique de Le Pen consiste à placer l’existence des chambres à gaz, et par delà l’Holocauste en entier par synecdoque, dans le domaine de la foi. On discute de leur existence comme on le ferait de celle de Dieu ou des martiens. Nous le retrouvons bien dans « voulez vous me dire que c’est une vérité révélé ? », allusion aux religions révélées. Les témoignages des bourreaux et des survivants ne sont finalement que des genres de textes évangéliques auquel chacun est libre de croire ou pas. La forme interrogative est encore un excellent moyen de faire passer indirectement son propos. Dans le cadre de l’irrationalité qui s’oppose donc au fait établi, il est salutaire de douter ! La conclusion bien sûr est que les chambres à gaz ne sont plus le symbole de l’Holocauste mais bien un dogme religieux que des prosélytes essayent de nous faire avaler !


En conclusion : ne perdons pas notre humanité.

Si la phrase tant décriée peut être encore défendue par quelques fans véhéments, l’ensemble des propos de Le Pen cité ici est une forme abjecte de banalisation de crime contre l’Humanité et permet, sous couvert d’être "pointilleux" sur la seconde guerre mondiale (il l’est bizarrement moins quand il s’agit de la guerre de cent ans et de sa pucelle ...) , de faire le lit des négationnistes. Quand la haine de l’autre s’exprime ainsi aussi fortement, car un négationniste est avant tout une personne qui hait autrui, il a de quoi avoir peur effectivement pour l’avenir. Alors ne perdons pas notre humanité à défendre le sordide et l’atroce. Etre en désaccord avec l’attitude des eurodéputés envers le leader du FN ; cela ne devrait pas impliquer de défendre les propos condamnés de celui-ci.

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