Orientation des jeunes : oł allons-nous ?

par Christian Bensi
mardi 3 avril 2007

Le schéma national de l’orientation et de l’insertion professionnelle, dit rapport Lunel, vient d’être rendu public. Il affirme : « Le diagnostic est incontestable : notre dispositif d’orientation prépare insuffisamment à l’insertion professionnelle et ne favorise guère l’égalité des chances. »

L’introduction précise aussi : « Le problème de notre pays aujourd’hui n’est pas d’avoir trop de diplômés, mais trop de jeunes sans qualification ou de titulaires de diplômes sans débouchés professionnels... Nous n’avons pas trop d’étudiants mais trop d’étudiants mal orientés. »

Quelles sont les chances de voir appliquer ce rapport alors que nous sommes à quelques semaines de l’élection présidentielle ?

En quoi cette réforme décidée par l’Etat pourra s’appliquer si la compétence de l’orientation est donnée aux régions ? L’association des régions de France a posé, début mars, 17 questions aux candidats à la présidence de la République. La question n° 6 était : « Etes-vous favorable à la création d’un grand service public régional de l’orientation et de l’emploi, complétant la compétence formation professionnelle ? »

De nombreux échelons de coordination sont prévus dans le rapport Lunel. N’y a-t-il pas ici un risque d’alourdir encore le fonctionnement des structures d’information-orientation ?

Rappelons tout d’abord les quelques faits qui ont émaillé ces quatre dernières années. Début 2003, le gouvernement décide de confier les personnels d’orientation de l’Education nationale aux conseils régionaux. Suite à la mobilisation des personnels, la réforme échoue. Pendant deux ans, rien ne se passe. Tout juste peut-on observer une diminution drastique du recrutement des conseillers d’orientation psychologues passés de 259 en 2003 à 50 pour l’année 2007.

Début 2005, la délicate question de l’information orientation est confiée à Mme Irène Tharin qui fait son rapport, puis à l’Inspection générale de l’Education nationale, qui fait le sien. Le 13 avril 2006, le Premier ministre lance un grand débat national sur le lien université emploi, confié au recteur Patrick Hetzel. Le 26 juin, le président de la République annonce son intention de créer avant la fin de l’année, un service public de l’orientation.

Le conseil des ministres du 13 septembre 2006 désigne Pierre Lunel comme délégué interministériel à l’orientation et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le 24 octobre, le recteur Hetzel remet son rapport au premier ministre. Plus récemment, deux groupes de travail sont mis en place. Il s’agit de la commission dite Chauvet qui s’est vu confiée la définition des missions d’information, d’aide à l’orientation et à l’insertion professionnelle par les personnels de l’Education nationale. Le deuxième groupe, dit commission Gachet, définit quant à lui les missions des psychologues de l’Education nationale. Ces deux commissions ont remis pour l’instant des rapports provisoires. Le cabinet du ministre peut encore les modifier mais elles méritent d’être étudiées car elle complète le rapport Lunel, remis le 27 mars au Premier ministre.

Que préconise le rapport Chauvet ?

La commission constate que l’information sur les métiers est partagée entre les enseignants et les personnels de différentes institutions fonctionnant en réseau (CO-P en premier lieu, informateurs CIDJ, conseillers des missions locales et de l’ANPE, collectivités territoriales et services...)

Le rapport parle beaucoup de « démarches éducatives » pour permettre à chaque jeune de se sentir acteur de son orientation initiale.

Est traitée également la nécessité « d’accompagnement et de suivi individualisé pour les élèves en risque avéré de rupture de formation. » Pour les membres de la commission, le conseil en orientation (celui qui est assuré par le conseiller d’orientation psychologue) intéresse potentiellement tous les publics mais s’adresse en priorité aux publics les plus démunis.

Une nouvelle notion est introduite : celle de conseil technique en orientation » sous la responsabilité du chef d’établissement et des équipes éducatives qui « peuvent » s’appuyer sur l’expertise du CIO et du professionnel qu’il délègue. L’enseignant est défini comme « l’acteur majeur de l’orientation, formé en conséquence et intégré es-qualité aux coopérations avec les autres acteurs de l’orientation ». La commission insiste sur le fait que les conseillers d’orientation psychologues interviennent sous la responsabilité du chef d’établissement dans le cadre d’une « contractualisation » avec le directeur du CIO.

Le rôle des parents et des « tuteurs » est mis en avant. Le directeur du CIO est chargé d’établir un « projet de CIO », validé par les autorités académiques.

Que précise le rapport Gachet ?

Il dit que le psychologue scolaire s’appuie sur un travail d’équipe au sein des CIO pour le second degré. Dans le secondaire, le psychologue intervient pour favoriser la réussite scolaire des élèves, pour la prévention des difficultés scolaires et comportementales, pour la scolarisation des élèves handicapés, pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des mesures d’aides individuelles ou collectives au bénéfice des élèves en difficulté, pour le soutien aux équipes enseignantes et l’accompagnement des familles, pour apporter un éclairage aux élèves et à leur famille sur les parcours scolaires. Il contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre des projets CIO.

Quelles sont les mesures proposées par le rapport Lunel ?

Le schéma de 115 pages, comprend vingt_huit mesures et quatre préconisations. Beaucoup des mesures préconisées ont déjà été annoncées ou sont des extensions de mesures annoncées : l’enseignement de découverte professionnelle en classe de 3e, l’entretien d’orientation personnalisé pour tous en classe de troisième et de première. Un entretien personnalisé est également prévu en 1e année de CAP ou de BEP. Il est prévu que le dossier unique de candidature à l’enseignement post bac soit généralisé dans toutes les académies d’ici 2009. Les établissements devront fournir des « indicateurs de réussite et d’insertion par diplômes. » La possibilité de se réorienter à la fin du premier semestre est réaffirmée, la nécessité de développer l’apprentissage en lycée professionnel et à l’université, également.

Certaines mesures ont pour but de favoriser les collaborations et de coordonner ou de préciser des stratégies. On peut citer : la mise en place d’une commission régionale de coordination post bac, d’un comité université entreprises dans chaque université, d’une direction de l’orientation, des stages et de l’insertion dans chaque université qui hébergeront en leur sein des observatoires, d’un comité de coordination régionale de l’emploi et de la formation professionnelle, d’un service public local de l’emploi, d’un comité interministériel de suivi et bien sûr d’une délégation interministérielle à l’orientation et à l’insertion professionnelle des jeunes.

Dans les nouveautés qui ne relèvent pas de la coordination, on peut citer le projet personnalisé d’orientation pour les élèves handicapés, l’heure de vie de classe en seconde et en première qui sera essentiellement consacrée à la connaissance des filières de formation, la mise en place d’un tutorat des primo-entrants dans les universités assurés par les étudiants de master 2 ou de doctorat. Les étudiants qui s’engageront dans cette démarche pourront bénéficier d’ECTS voire d’une rétribution monétaire.

Le CIO serait en charge du recensement des jeunes sortis du système scolaire sans qualification. Un portail national d’information de référence regroupant le portail étudiant et celui de l’orientation et de la formation est évoqué. Le rapport rappelle parallèlement l’existence des sites de l’Onisep, de l’ANPE et du CIDJ.

Une maison des anciens étudiants pourrait permettre de construire des réseaux autour de chaque université. Des stages courts de découverte des métiers seraient proposés lors des deux premières années de licence et feraient l’objet d’une validation pour le diplôme. Des modules professionnels seraient ajoutés pour permettre l’accès à la licence professionnelle. Une convention avec les représentants des entreprises pourrait voir le jour.

Le rapport prévoit la formation des enseignants à l’orientation tout au long de leur carrière, des formations destinées aux « conseillers d’orientation » ainsi que pour les conseillers d’orientation psychologues. Le rapport n’en dit pas plus sur ce que sont ces « conseillers d’orientation » non psychologues.

Les syndicats apportent des précisions, qu’il est pour l’instant impossible de confirmer.

Le SNES annonce une coupure du corps des copsy en deux. Il serait prévu le recrutement d’un nouveau personnel : conseillers d’orientation qui cohabiteraient avec les conseillers d’orientation psychologues. Ces derniers seraient chargés d’effectuer les bilans psychologiques des élèves et le conseil technique auprès des chefs d’établissement.

Le projet de recrutement de ces nouveaux conseillers d’orientation non psychologues aurait été présenté à la fonction publique pour avis. Une formation de deux ans est annoncée. Le Snes n’est pas certain qu’il s’agira de fonctionnaires d’Etat (décentralisation ?).

Le Snpsyen réprouve également la partition de la profession en deux catégories. Le syndicat précise que « l’abandon déguisé de la composante psychologique inhérente à l’orientation risque très rapidement d’ouvrir la voie à une multitude d’officines privées et payantes qui ne seront pas pour les jeunes les plus en difficulté facteur de l’égalité des chances recherchée. »

Réaction du Snes (Syndicat national des enseignements de second degré), Réaction du SNPsyEN (Syndicat National des Psychologues de l’Education Nationale), Réaction de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes), Réaction de la Cé ( Confédération étudiante), Réaction de l’Acop (Association des conseillers d’orientation-psychologues de France).


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