Piquets de grève des salariés sans-papiers : pas de trêve estivale

par clostra
mardi 26 août 2008

Ils ont pris des risques dictés par la nécessité. Ils n’éprouvent pas de honte : ils ont fait leurs preuves. Ils veulent simplement sortir de l’ombre, obtenir une carte de séjour régulière et retrouver leur véritable identité.

Ils travaillent depuis trois, cinq ou dix ans souvent dans la même entreprise. Intérimaires, en CDD ou en CDI.
Ils sont chargés de famille ou célibataires.
Chaque mois, ils touchent leur salaire, paient leur loyer, paient leurs impôts et charges sociales (chômage, Sécurité sociale, mutuelle).
Une partie de leur salaire assure la survie d’une large famille dans leur pays d’origine, c’est ce qui les a poussés vers la France.
Ils sont venus pour travailler. Ils sont courageux (à des postes difficiles), travailleurs. Ils se lèvent tôt.
Les entreprises françaises ont besoin d’eux comme en témoignent les nécessités complices à leur endroit.

Ils sont des milliers en France et pas tous employés par des entrepreneurs voyous, loin s’en faut.

Ceux dont il est question ici travaillent dans des entreprises telles que : Véolia à Wissous, Millénium à Igny, Samsic à Massy, Stern à Verrières-le-Buisson, BBF à Ormoy, Urbaine des Travaux à Viry-Châtillon...

Ils sont soutenus par la CGT et Droits devant, selon les lieux, par la Ligue des droits de l’homme, le Secours populaire, Peuples solidaires, Réseau éducation sans frontières, Attac... par des avocats et des médecins... avec plus ou moins de bonheur par les Conseils municipaux concernés qui bien souvent assurent une partie de leur restauration, par les partis politiques : PC, PS, Verts, LCR...

Partout s’organisent des solidarités autour des piquets de grève des salariés sans-papiers qui ont décidé de devenir visibles.

Ce qui suit est une petite chronique pour un monde plus juste et plus généreux extraite de messages échangés au sein d’une liste de diffusion de la Maison du monde (affiliée à Peuples solidaires) à Evry.

Ormoy
21 mai 2008
Piquet de grève avec occupation de la Société BFF-Jardinage
20 grévistes salariés sans-papiers
37e jour de grève

 
« Au bout de 37 jours d’occupation, ils devaient être seulement 12 à recevoir cet après-midi leur APS (Autorisation provisoire de séjour) de trois mois, les huit autres ainsi que leur patron étaient venus les accompagner en espérant aussi pouvoir pêcher des nouvelles meilleures pour eux.

C’est à la grande surprise des grévistes qu’ils repartiront à 18 avec leur carte verte fraîchement tamponnée. Ils étaient tellement heureux qu’à la fin ils sont allés tous en groupe au guichet remercier les deux personnes qui officiaient.

Ça a fait désordre d’un seul coup, tout le monde riait aux éclats au guichet, le personnel derrière la vitre et les grévistes devant, même les gardiens de la préfecture ont eu le droit au passage à de grandes poignées de main enjouées.
A la sortie de la préfecture, nous avons croisé RESF 91 qui manifestait pour les jeunes majeurs, nous leur avons espéré le même dénouement.

Pour autant, tout le monde n’a pas été régularisé. Il reste toujours Rachid et Bachir, parce qu’ils sont Algériens. Les négociations vont continuer, mais pour eux c’est au niveau du ministère que cela va se jouer.

Alors les copains, malgré leur allégresse, n’en ont pas oublié que la partie n’est pas terminée. Vaille que vaille, encouragés aussi par leur patron, ils ont choisi de poursuivre la grève jusqu’à obtention de la régularisation des deux derniers du groupe et de faire la fête seulement lorsque tout le monde aura son bout de carton vert, de toute façon ils n’avaient pas l’âme à fêter quoi que ce soit devant Rachid qui s’est isolé pour pleurer.

Donc, si vous n’êtes pas encore allé les voir, ils sont tous toujours là (descendez jusqu’au garage). Rachid et Bachir ont vraiment besoin de votre soutien.

La mobilisation continue. » Marie

30 mai 2008
46e jour de grève
Fin du piquet de grève

« Au final 18 grévistes sur 20 ont été régularisés, la préfecture du 91 a refusé de régulariser les deux derniers qui sont Algériens. La CGT ne les laisse pas tomber et continue à suivre leur dossier.

Grévistes et patron ont signé le protocole de fin de grève vendredi après-midi.
Ils ont tous repris le travail aujourd’hui.

Merci à tous ceux qui sont venus leur rendre visite ou qui les ont soutenus d’une manière ou d’une autre.

La mobilisation continue sur d’autres piquets de grève qui ont débuté il y a quinze jours, notamment sur une entreprise d’Evry. » Marie

Evry
25 juin 2008
Piquet de grève avec occupation d’Europe Service Voirie/Déchets/Maintenance : ESV, ESD, ESM
13 salariés sans-papiers grévistes
36e jour de grève

« Sur Evry, ce sont 13 salariés sans-papiers de l’entreprise Europe Service qui sont en grève depuis presque trois semaines, 9 d’entre eux ont déjà abouti à une régularisation, mais ils continuent la grève en solidarité avec leurs 4 camarades. C’est l’union locale CGT d’Evry qui les suit.

Europe Service est une société qui s’occupe de nettoyage de voirie pour les municipalités, elle compte parmi ses clients, entre autres, la ville d’Evry. Ce sont leurs véhicules (au logo d’Evry) qui ramassent nos déchets ou nettoient nos rues.

(...) vous avez répondu présent pour les grévistes par vos visites, vos dons d’argent et de matériel. Je remercie déjà tous ceux qui ont contribué à leur rendre d’un seul coup la vie plus belle avec un peu plus d’espoir.

Désormais, nos grévistes ne se demandent plus au réveil comment ils vont pouvoir se nourrir dans la journée. Maintenant la petite cuisine collective de l’entreprise sent bon les odeurs de cuisine africaine aux heures des repas. Ils ont retrouvé leur gaieté naturelle, cela fait plaisir à voir (...)

Face à certaines inerties et certains blocages, nous avons décidé à quatre associations d’Evry (La Maison du monde, la LDH, Attac, la CGT de l’université d’Evry) de prendre en charge le soutien logistique et moral de ce groupe de grévistes. Maintenant ils sont visibles, plus personne ne peut les ignorer. » Marie

5 juillet 2008
57e jour de grève
Tous régularisés !

« Ils ont appris la nouvelle hier.
RC de la CGT est venu leur annoncer en personne vers 16 heures. Myriam, un soutien de la Maison du monde, qui est arrivée à cet instant a été témoin de l’événement, Mahamadou a beaucoup pleuré... de joie, mais pas que lui (...)

Tout le monde parlait et voulait me raconter, comment RC les avait consolés lorsqu’ils se sont effondrés de joie, Myriam heureuse de sa présence porte-bonheur, le directeur du site qui devait réaliser l’impact d’une mobilisation citoyenne... la méga fête qu’ils ont envie d’organiser jeudi soir avec tous les soutiens, les récépissés qu’ils doivent aller récupérer mercredi matin à la préfecture à partir de 9 heures... et la reprise du travail lundi dans huit jours, tout ça raconté avec fébrilité, complètement dans le désordre (...) ON A GAGNÉ !

C’est le seul piquet de grève en Essonne avec les grévistes de l’entreprise DUCA à Grigny (où il n’était que 5 sans-papiers) à avoir obtenu 100 % de régularisations.
(...)

En attendant vos dons sont encore les bienvenus, car ils ont besoin de faire face à leurs charges, deux mois de grève c’est lourd à rattraper financièrement.

Viry-Châtillon
1er août 2008
Piquet de grève avec occupation de l’Urbaine des travaux du groupe Fayat
31 grévistes salariés sans-papiers
33e jour de grève

« Ils sont en réalité salariés d’agences d’Intérim car ces sans-papiers ne travaillent que sous contrats d’intérim pour les sociétés du groupe Fayat et notamment depuis ces deux dernières années uniquement pour la société "Urbaine de travaux" de Fayat.

Les négociations au début de la grève avaient bien débuté, la société "Urbaine de travaux" avait accepté de réaliser des promesses d’embauches en CDI donc fini les contrats d’intérim, finalement la direction n’a accepté de déposer à la préfecture que 24 dossiers sur les 31 laissant la responsabilité à chaque agence d’intérim de démarcher pour les régularisations des 7 autres dossiers.

Il avait été également négocié que les dossiers seraient tous étudiés en bloc à la préfecture de l’Essonne à partir de l’adresse de domiciliation de l’entreprise, mais les grévistes ont appris que leurs dossiers ont été dispatchés sur les départements de leur domiciliation personnelle, ce qui éparpille et alourdit la négociation sur les dossiers de régularisations.

Pour finir, les grévistes, qui avaient accepté de se plier à la demande de la direction à rester un mouvement de grève caché dans les locaux, ont décidé devant la tournure des événements et au bout de trois semaines d’invisibilité de s’exposer au grand jour pour revendiquer et leur régularisation et un accompagnement plus volontariste de la société "Urbaine de travaux" sur les démarches auprès des préfectures.
Dernier coup de théâtre datant de ce matin, la direction de la société a menacé les grévistes de saisir le Tribunal de grande instance afin d’obtenir une autorisation d’expulsion si les sans-papiers ne lèvent pas le piquet de grève d’ici mercredi prochain car, suivant l’expression de la direction, cette grève porte préjudice à son image de marque... » Marie

11 août 2008
43e jour de grève

« Les relations sont très tendues avec l’entreprise qui ne veut ni les écouter (...) dans leurs difficultés ni appuyer leur demande en préfecture, sachant qu’il s’agit du groupe Fayat (10 000 salariés) qui aurait les moyens de faire pression.

La direction a mis à exécution son projet d’expulsion puisque les grévistes n’avaient pas levé le camp le 6 août, comme elle les avait mis en demeure de le faire.
L’huissier est donc passé le 7, devant des soutiens témoins et un jugement en référé au Tribunal de grande instance devrait vraisemblablement suivre en début de semaine.

C’est un coup dur pour le moral de la troupe, bien qu’ils soient très solidaires et déterminés à se battre. Ils sont inquiets de la suite des événements. L’expulsion signifierait l’installation sur le trottoir devant les grilles de l’entreprise et la police alors s’occuperait d’eux.

Un des 31 grévistes vient d’être régularisé, il y a quelques jours.

Le seul contact humain récent de la direction (à part la visite de l’huissier...) a été de demander au porte-parole du mouvement, de convaincre l’heureux régularisé de reprendre le travail !

Commentaires du porte-parole écœuré : "Jamais ils n’ont pris de nos nouvelles !"
Dans leur isolement, ils sont contents des soutiens qui se sont mis en place autour d’eux, malgré le mois d’août. La direction sait qu’il y a une mobilisation derrière. » Catherine

15 août 2008
47e jour de grève

« La semaine prochaine des rendez-vous doivent avoir lieu avec la préfecture de l’Essonne, ils auront besoin de ne pas y aller seuls et d’être accompagnés par des "nationaux". (...)

A l’heure d’aujourd’hui :
31 grévistes
Un seul régularisé

24 (pour lesquels l’entreprise) dit être d’accord pour les passer en CDI, mais pas question de les soutenir dans leurs démarches administratives, ils disent être plus du double de sans-papiers embauchés que ceux en grève, les autres ayant trop peur des représailles. » Michèle

16 août 2008
48e jour de grève

« Je suis passée au local syndical où se trouvent les grévistes. Un local de 30 m2. Des cartons le long du mur, des couvertures, des duvets sur les armoires.
J’apprends qu’ils dorment à 31 dans cet espace... à même le carrelage sur lequel sont disposés des cartons la nuit venue, et ce, depuis quarante-cinq jours.

J’apprends aussi les manifestations de solidarité des très nombreux usagers de la N7 qui, arrivés à la hauteur de l’Urbaine des travaux, actionnent le klaxon et ralentissent.

Mon message serait de poursuivre et d’amplifier ce brouhaha solidaire et de s’arrêter pour déposer des matelas de sol de camping (ceux qu’on roule et place sur les sacs à dos) - mais surtout pas de matelas pneumatiques : il n’y aurait pas la place ! - qui remplaceraient avantageusement les cartons à même le carrelage.
Ce serait également l’occasion de leur assurer un soutien explicite pour activer le traitement des dossiers par les préfectures et l’annulation de l’effet du passage de l’huissier venu constater les conditions d’occupation du local syndical, a-t-il dit, pour les expulser leur a dit la direction. » Emma

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