Portraits d’humanistes : Henri Caillavet, l’homme aux idées de demain
par Voris : compte fermé
jeudi 24 janvier 2008
Qu’est-ce que l’humanisme ? Plutôt qu’un long discours philosophique sur la question, j’ai voulu lancer une série de portraits de personnalités d’hier et d’aujourd’hui de toutes opinions politiques et religieuses. La « Lettre du cadre territorial » a remis le Prix de l’Ethique à Henri Caillavet. C’est l’occasion d’esquisser ce premier portrait...
Un humaniste se reconnaît aujourd’hui par son engagement dans l’action pour libérer l’homme et défendre les valeurs éthiques. Henri Caillavet a été membre du Comité national consultatif pendant douze ans. Mais surtout il a été en avance sur les combats de la seconde partie XXe siècle : avortement, euthanasie... Ce qui paraît aller de soi à notre époque relevait de la prise de risques importants à l’époque. Ces risques Henri Caillavet les a pris !
Henri Caillavet s’engage pour le suicide assisté dès les années 70. L’acte originel de son engagement est loin d’être anodin : avec l’aide de son frère, il a aidé son père à mourir. Il fut traité alors d’assassin. Doublement assassin ! puisqu’il défendit l’avortement à une époque (dès 1947) où la société et les pouvoirs s’y opposaient : les hommes en tête !
Si un humaniste voue son existence à s’efforcer de libérer l’homme, "la société n’a pas encore libéré complètement la femme", dit Henri Caillavet. La femme qui veut avorter doit encore faire le parcours du combattant. La parité dans les salaires n’est pas encore atteinte. Certains lui reprochent d’être allé trop loin dans l’idée de l’avortement en déclarant : "Permettre à un enfant handicapé de venir au monde est une faute parentale et peut être même le témoignage d’un égoïsme démesuré." Cela lui valut un procès qu’il gagna, mais montre, qu’encore une fois, il n’avait pas hésité à braver les préjugés et l’hypocrisie de son temps. Est-il en avance sur ce sujet aussi ?
Plus récemment, il se fait le regard critique de la bioéthique et dénonce l’attitude la France qui interdit le clonage thérapeutique pour la production d’embryons, mais qui va chercher jusqu’en Australie et les manipule.
Sur les questions de la laïcité, Henri Caillavet a toujours eu également une longueur, voire d’eux, d’avance sur sa génération. Il n’a pas voté la Constitution de 1958 parce qu’elle réduisait le rôle du Parlement (fixation de l’ordre du jour de l’Assemblée par le gouvernement, vote bloqué...). Dès 1979, il se prononce pour le quinquennat présidentiel. A propos de laïcité, il rappelle que c’est une conquête qui a demandé plusieurs siècles de lutte et il met donc en garde contre les risques de la voir attaquée. Il rappelle que la laïcité ne se réduit pas à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. La laïcité consiste à respecter les convictions religieuses, y compris lorsque l’on a embrassé soi-même une croyance. Il faut interdire le port de signes ostentatoires dans certains lieux publics (école, sphère de la politique), mais pas dans la rue.
Henri Caillavet se présente comme athée et rationaliste. Il est franc-maçon du Grand Orient de France. "La maçonnerie, c’est plus qu’un concept, c’est un idéal de solidarité, de fraternité, de respect de l’autre et, donc, une philanthropie."
Henri Caillavet est bien "l’homme aux idées de demain" comme l’a qualifié
la revue Humanisme dans son numéro 276. Il s’est illustré sur tous les fronts de la libération de l’homme et de la femme : outre les sujets déjà évoqués, il s’est battu pour le divorce par consentement mutuel, les greffes d’organes (la loi porte son nom), le tribunal de l’informatique, l’acharnement thérapeutique. Il a fait aussi des propositions législatives concernant l’homosexualité et le transsexualisme.
Certes Henri Caillavet a fait une belle carrière. Il a été notamment ministre et sénateur, mais ce n’est pas ce que l’on retiendra de lui. Ce qui fait l’homme c’est l’engagement de sa personne et de sa vie (dès 1940 contre la politique du Maréchal Pétain). Henri Caillavet fêtera son 94e anniversaire le 13 février prochain.