Pour éviter un 21 avril, on dissout le peuple ?

par Catherine Segurane
vendredi 22 avril 2011

La possibilité d'un 21 avril, à l'envers (Marine Le Pen contre gauche), ou à l'endroit (la même contre droite d'affaires) est prise de plus en plus au sérieux. Dans les cercles du pouvoir, l'imagination se déchaîne pour trouver les moyens de contrecarrer la tendance du peuple à "mal voter". Interdire à certains candidats de se présenter, supprimer l'élection du Président de la République au suffrage universel, donner plus de pouvoir à des acteurs non élus comme les juges : toutes ces idées ne sont pas forcément retenues, mais toutes sont envisagées.

"Présidentielle : comment éviter un 21 avril ?"

Dans son édition papier du 21 avril (2011), Libération consacre au sujet son gros titre de une, ainsi qu'un dossier de trois pages. Un incroyable dossier, que j'ai lu et relu en me frottant les yeux sans parvenir à y croire. Des plumes qu'on aurait pu croire plus sérieuses s'interrogent sur les moyens d'empêcher le peuple de mal voter, et, pour ce faire, elles envisagent sans sourciller de l'empêcher de voter, ou de limiter son vote, ou de multiplier les pouvoirs non élus. Sans se cacher, et en toute bonne conscience.

Certains élus proposeraient de relever à 1000 signatures (contre 500 actuellement) le nombre de parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter.

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, agite quelques idées sans les prendre vraiment à son compte mais il en parle assez pour qu'elles avancent quand même. Et quelles idées ! Qu'on en juge :

Lui aussi parle d'augmenter à 1000 le nombre des parrains. Il parle aussi de déclarer le Conseil Constitutionnel compétent pour interdire certaines candidatures, et il nous rappelle que ce Conseil, dans sa grande modestie, avait déjà envisagé de se voir attribuer un tel pouvoir ; c'était en 1974 au sujet du candidat monarchiste Bertrand Renouvin.

Il imagine aussi (mais il écarte vite ces propositions peu opérationnelles) des systèmes de vote à un ou trois tours. 

Le journaliste qui l'interroge va encore plus loin : pourquoi ne pas supprimer l'élection du Président au suffrage universel direct ?

Le docte professeur n'approuve pas cette suggestion : "Enlever au peuple le pouvoir d'élire son président serait pris comme un recul démocratique."

Tiens donc ! On laissera donc ce pouvoir au peuple. On se contentera de le vider, comme l'indique le professeur en poursuivant :

"Il faut en revanche renforcer et garantir l'indépendance des "tiers-pouvoirs" : la justice, la presse et le Conseil constitutionnel".

C'est donc tous les pouvoirs non élus que le bon apôtre se propose de renforcer !

Un think tank "européen, libéral et progressiste", et présenté comme sérieux, la fondation Fondapol, voudrait donner un rôle au tirage au sort.

Un autre think tant, Terra Nova, se déchaîne complètement, et c'est d'autant plus inquiétant qu'il est proche de Dominique Strauss-Kahn, dont la candidature est appuyée par tout le gratin médiatique. Ses délires sont donc à prendre au sérieux. Et voilà ce qu'ils sont : Terra Nova propose une notation des candidats, et propose de remplacer les 500 signatures par un système combinant deux investitures alternatives : par un parti crédité d'au moins 5 % aux élections nationales, ou par une pétition rassemblant un million d'électeurs.


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