Pour Najat Vallaud-Belkacem, les élèves ne doivent pas se poser de questions
par Qaspard Delanuit
jeudi 22 janvier 2015
« Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les "Oui je soutiens Charlie, mais", les "deux poids, deux mesures", les "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ?" Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs ».
http://www.regards.fr/web/article/charlie-hebdo-vallaud-belkacem-ne
Diantre ! De trop nombreux questionnements de la part des élèves ?
A qui et comment des questions d'enfants peuvent-elles être insupportables ?
La remarque de notre ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (quelles responsabilités, Madame !) semble bien révélatrice de l'entrée de la France, à pas de loup, dans une dictature molle fondée sur l'abrutissement du troupeau confiné dans l'enclos du politiquement correct. Les enfants ne doivent plus se poser de question - surtout pas de questions insupportables ! Ils doivent bêler ce qu'on leur dit de bêler. Telle est la conception de notre grande ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (oui, c'est bien son titre) : il faut déverser des "valeurs" dans la tête des élèves sans qu'ils puissent se poser de questions insupportables.
Un mauvais esprit rétorquerait probablement que le principal objectif d'un maître, dans n'importe quelle matière d'étude, est précisément que son élève se pose des questions, car c'est le cheminement de la question à la réponse qui forme l'intelligence et constitue le savoir vivant. Argumenter dans ce sens nous conduirait d'ailleurs à citer à peu près tous les philosophes et tous les pédagogues.
Mais oublions toutes ces ânerie d'intellectuels qui donnent mal à la tête ! D'ailleurs, qui sait si Montaigne n'était pas déjà une sorte de terroriste ? Notre brillante ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (et patati et patata) a déclaré que ces questions d'enfants lui étaient insupportables ! Qu'on les fasse donc taire ! Et pas seulement pendant une minute. Qu'on leur apprenne à se taire définitivement... au nom de la liberté d'expression.
Professeurs, à vos cahiers de punitions ! Distribuez les lignes à copier :
"Je ne dois pas poser de questions qui dérangent notre ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche" (oui, c'est long).
"Je ne dois pas me poser de questions mais je dois seulement croire tout ce que dit mon professeur, lui-même soumis à notre ministre de la vérité, sans m'interroger"
Dans ce combat courageux, notre édifiante ministre (de tout plein de choses) a trouvé un solide soutien du côté de l'UMP. A en croire certaines déclarations, cette noble association de bienfaisance politique estimerait qu'il est souhaitable que les enfants qui n'ont "pas respecté la minute de silence en hommage aux victimes des attentats terroristes" soient "impérativement convoqués, ainsi que leurs parents, et sanctionnés".
http://www.charentelibre.fr/2015/01/20/attentats-pour-l-ump-les-eleves-n-ayant-pas-respecte-la-minute-de-silence-doivent-etre-sanctionnes,1936152.php
L'année dernière, les Français avaient appris qu'il ne fallait pas rire des blagues d'un humoriste qui n'avait pas d'accréditation du ministère du rire.
Les enfants doivent désormais savoir que les questionnements insupportables sont interdits dans l'école de la République.
La liberté d'expression ? Pour tous ?
Oui, d'accord, bien sûr...
Mais en silence !
Source image : http://meilleures-entreprises.com/actualites-pratiques-rh/exemple-de-liberte-dexpression-abusive/