Pour quoi votons-nous les 14 et 21 mars ?
par Michel DROUET
mardi 9 mars 2010
Petit rappel de ce qui se dit en ce moment
On parle beaucoup de vote sanction, eu égard aux difficultés que rencontre la majorité présidentielle. Les estimations situent ce vote aux alentours de 14 %, pourcentage de déçus potentiels ayant voté U.M.P. aux présidentielles et qui veulent manifester leur mécontentement.
Paradoxalement, le Parti socialiste qui n’a rien prouvé ces dernières années et qui a continué à se déchirer en interne sur des querelles de personnes bénéficie d’une bonne cote pour ces élections : c’est dire le désarroi qui envahit l’électorat obligé de choisir par défaut, à moins que les électeurs ne reconnaissent quelques vertus à la gestion socialiste des Régions ? Mais sur quelles bases objectives ?
La particularité de ces élections est qu’elle permet des alliances entre les deux tours et on voit bien se profiler les ralliements : celui du front de gauche par exemple, qui peut se permettre de mettre les 7 ou 8% dont il est crédité dans la balance pour obtenir des places éligibles et bien sûr celui des écologistes vers lesquels se tournent les regards, avec leurs 14% d’intentions de votes.
Ne parlons plus du Modem dont l’évaporation se confirme au fil des scrutins et dont les électeurs rejoindront bientôt leurs familles d’origine, à droite et à gauche.
Quant à l’UMP, qui a choisi « l’union de ses forces » dès le premier tour, il est condamné à constater les dégâts dès le 14 mars au soir.
Voilà pour les commentaires politiques qui envahissent les médias et que l’on donne plusieurs fois par jour en pâture aux citoyens.
Quels sont les véritables enjeux ?
On peut avoir l’impression autour de cette campagne que l’avenir de notre pays est en train de se jouer, ce qui est loin d’être le cas.
Nous sommes dans un affrontement classique gauche-droite dont l’avantage premier pour les protagonistes sera de leur assurer une bonne visibilité médiatique et au passage, pour les vainqueurs et leurs ralliés, d’assurer la vie financière des partis qu’ils représentent.
Car plus que les idées développées sur les véritables compétences des Régions, qui ne sont abordées que de manière marginale dans les débats, c’est la pérennité des partis classiques qui est en jeu ainsi que la carrière politique de leurs têtes de gondole.
Cela nous donne des débats pitoyables avec attaques personnelles à la clef, ou bien des envolées politiciennes qui n’apportent rien et surtout entretiennent la confusion dans l’esprit des électeurs, mais qui font les choux gras des médias.
On l’aura compris, le véritable enjeu c’est le pouvoir, la réélection pour la xiéme fois du même Président, du même Conseiller Régional, avec de temps un temps un petit nouveau que l’on mettra en avant là ou l’élection est déjà gagnée ou là où elle n’est pas gagnable.
Au fait, parmi les sondés interrogés sur leurs intentions de vote, combien d’entre eux connaissent les compétences des Régions (Lycées, apprentissage et Formation continue, transports ferroviaires régionaux, économie, cultures, sport, tourisme) et les budgets consacrés ?
Quelques chiffres pour remettre les choses à leur place
Le budget 2007 de l’Etat seul s’élève à 335 Milliards d’euros.
Le budget des régions ne représente quant à lui que 25 Milliards, soit seulement 12 % du budget total de 209 Milliards d’euros (chiffres 2007) des collectivités locales et de leurs groupements.
Pour compléter le tableau, une fois les principales dépenses payées (lycées et transports régionaux, en particulier, soit 50% environ des budgets régionaux) la part consacrée à la formation ne s’élève qu’à 5,24 Milliards d’euros (20 %) et celle affectée au développement économique et à l’emploi ne représente au final que 2,2 Milliards d’euros (8 %).
Pour donner un autre point de repère, les Régions n’auront investi, toutes compétences confondues, qu’environ 10 Milliards d’euros en 2007, à comparer aux 350 Milliards d’investissements réalisés au total par l’économie française.
Les Régions Françaises sont donc des naines et leur force supposée n’est pas à la hauteur du battage médiatique auquel on assiste autour des élections régionales.
Même chose pour les Départements (17 Milliards d’euros d’investissement), les groupements à fiscalité propre (10 Milliards) et les communes (31 Milliards).
En conséquence, lorsque les collectivités locales nous assènent qu’elles réalisent 73 % de l’investissement public en France, n’oublions jamais que les principaux acteurs économiques sont avant tout des acteurs privés qui font la pluie et le beau temps sur l’économie française, les collectivités locales, dispersées, n’étant que des variables d’ajustement et des distributeurs de subventions, parfois à fonds perdus.
Un horizon bouché
En définitive, une fois ciblé le vote sanction et le vote politique pur et dur, on ne perçoit pas la motivation des électeurs pour un vote responsable, étayé par une véritable connaissance des compétences régionales.
On constate au travers de ce qui précède que l’architecture de notre système de collectivités locales ainsi que les moyens financiers dont elles disposent ne favorisent pas la performance économique.
Les multiples baronnies créées au fil du temps et les élus qui squattent les postes à responsabilité en raison de l’absence de règles concernant le cumul des mandats, consacrent la dispersion de l’action publique, le saupoudrage des finances des collectivités locales, les attentes des lobbies, et aboutissent en définitive à l’inefficacité économique.
La réforme des collectivités locales, en cours d’examen au Parlement, (et qui sera votée par ces mêmes élus cumulards représentants les partis politiques installés, ce qui n’est pas de bonne augure) n’est pas de nature à faire bouger les lignes dans le sens d’une meilleure efficacité.
Nous sommes donc condamnés, campagne électorale après campagne électorale, à subir les mêmes discours indigents qui nous invitent à voter selon notre instinct et non pas de manière éclairée.