Pour un bonus-malus du permis à points

par Léon Tartafione
lundi 26 octobre 2009

Le retrait des points du permis sanctionne mais ne reconnaît pas les comportements vertueux. Il faut étendre le système de bonus-malus au permis à points pour, au delà de l’instantané du flash du radar, prendre en compte les comportements vertueux sur la longue période

Le système du permis à points, instauré en 1992, fait des ravages en France depuis que le déploiement des radars automatiques est venu lui donner une importance concrète.
 
Désormais, chaque année, ce sont ainsi près de 10 millions de points qui sont perdus par les automobilistes et plus de 100 000 permis qui sont retirés par an, ce qui fait au choix, le bonheur des fabricants de voiture sans permis, développe l’utilisation des transports en commun, ou incite à la conduite sans permis… Incontestable est l’impact bénéfique qu’a eu cette mesure sur les chiffres de la sécurité routière avec, depuis 2002, une quasi division par deux des décès et des accidents graves.
 
Pourtant, pour légitime que puisse être cette sanction, elle est inéquitable. Un système n’est en effet acceptable que si, tout en sanctionnant les déviances, il favorise également les comportements vertueux. Or aujourd’hui, même les bons conducteurs (ceux qui n’ont pas commis d’infractions ou provoqué d’accidents depuis 3 ans) sont frappés de plein fouet par les retraits de points. Nul n’est en effet à l’abri d’une erreur et aujourd’hui, sur un parcours de quelques kilomètres, sans même avoir de comportements gravissimes, on peut perdre son permis, au moyen de quatre infractions (notre automobiliste « circule sans motif sur la partie gauche de la chaussée » et perd 3 points, il omet de mettre son clignotant et en perd 3 autres, puis, pris dans une circulation dense il ne respecte pas la distance de sécurité et en perd encore 3. Enfin, il ne respecte pas une règle de priorité et en perd 4).
 
Imaginons donc un conducteur qui n’a pas commis d’infraction au code de la route depuis 10 ans, qui est donc par définition une personne responsable et attentive au volant et qui, pour une raison X ou Y, un jour qu’il est mal luné ou distrait (qui peut dire que ça ne lui arrive jamais ?), perd ses points. Ce bon conducteur se retrouve privé de permis au même titre qu’un chauffard qui pratique la conduite à risques mais qui, bien plus prévoyant, s’est très bien adapté au système et dispose d’un de ces détecteurs de radars perfectionnés qui sont commercialisés à plus de 200 euros, tant il est vrai que tout le monde peut constater qu’entre deux radars les vitesses ne sont pas respectées par certains puissants véhicules bien équipés.
 
Il y a là une iniquité certaine car le comportement vertueux sur le long terme n’est pas du tout valorisé par le système des retraits de points. Seule compte la sanction et tous les moyens se développent pour y échapper, allant même jusqu’à l’achat de points, à tel point qu’on se demande si, à la figure tutélaire du bandit de grand chemin d’autrefois ne s’est pas substituée aujourd’hui celle du « filou » des grands chemins.
 
Dès lors, pour prendre en compte « l’histoire » et le comportement passé des conducteurs et non pas seulement en saisir un instantané potentiellement trompeur le temps d’un flash, il faudrait instaurer un système de bonus, à l’image de ce qui se pratique dans le domaine très similaire de l’assurance automobile : allouer forfaitairement à tous les conducteurs, ne serait-ce qu’un petit point par année sans infraction au code de la route. Ainsi, un conducteur pourrait avoir plus de douze points et, par exemple, au bout de 10 ans sans infractions, un capital de 22 points. En cas d’infraction, non seulement les points actuellement prévus par la législation seraient retirés, mais le conducteur n’aurait pas à la fin de l’année le bénéfice de ce point de bonus.
 
Coupons tout de suite court à la critique du caractère « accidentogène » de cette mesure de bon sens : peut-on croire qu’un conducteur qui aurait atteint un « capital » de 22 points serait incité pour autant à commettre davantage d’infractions et à se laisser aller à de coupables négligences ? D’abord une réponse est évidente : c’est un bon conducteur puisque depuis 10 ans il n’a pas commis d’infractions ! Ensuite, le retraits des points est couplé à un système d’amendes au caractère dissuasif que nul conducteur ne peut prendre à la légère. En cette matière, il n’y a pas d’arbitrage car un dépassement de vitesse mineur induit une amende dissuasive.
 
Ce système existe déjà en matière d’assurances et il a fait ses preuves : voit-on des conducteurs avec 50% de bonus « jouer aux autos tamponneuses » avec leur voiture, tout simplement parce qu’ils disposent de ce « matelas » ? Non, évidemment, mais cela permettrait de récompenser les bons comportements tout en continuant à sanctionner les mauvais, contribuant ainsi à faire accepter davantage un système qui par son iniquité provoque, selon les sondages, l’opposition des deux-tiers des Français.
 

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