Quelle place pour les Départements ?

par Michel DROUET
mercredi 14 avril 2021

Le débat médiatique sur l’éventuel report des élections régionales et départementales donne parfois l’impression que les collectivités locales ne seraient pas essentielles en ces temps de Covid. Pire, beaucoup de médias ont choisi de ne parler que des Conseils Régionaux, souvent tremplin pour les politiques briguant l’Elysée, ignorant de fait les Conseils Départementaux relégués chez les amateurs.

Une collectivité mal née

C’est cependant un fait : lorsqu’on creuse un peu on s’aperçoit du déficit flagrant de notoriété de ces Conseils Départementaux.

Tout allait bien depuis la décentralisation de 1982, les conseils départementaux ayant vu leurs compétences s’élargir considérablement et la tutelle du Préfet disparaitre. Avec des transferts financiers généreux et des ressources propres dynamiques, ils ont su faire leur place dans le paysage territorial en dépensant parfois beaucoup d’argent dans des projets de prestige, mais beaucoup de départements ont choisi de maintenir la cohabitation avec les services préfectoraux. Ce fut l’erreur initiale en termes d’image.

Le début de la fin

A partir de 1990, (lois Voynet et Chevènement) on a créé les pays et favorisé la coopération intercommunale. Plus récemment, d’autres textes ont façonné les intercommunalités en introduisant des seuils de population. Ces organisations nouvelles et leur montée en compétences, ont été autant de perte d’influence pour les Conseils départementaux. La future loi 4C en cours de préparation au Ministère de la Cohésion territoriale va encore accentuer le brouillage de la décentralisation au point que le citoyen moyen sera, in fine, incapable de décoder les compétentes entres les différentes collectivités intervenantes et n’aura aucune clé pour savoir voter.

La course à l’échalote pour garder son rang

Aujourd’hui, pour être plus « proche du terrain », les conseils départementaux créent des agences départementales inutiles et coûteuses étant entendu que les intercommunalités ont pris leur indépendance et n’ont plus besoin des « conseils » des départements. Les départements financent donc des « contrats de territoires » (qui remplacent les subventions au coup par coup anciennes), sur lesquels le droit de regard est très limité. On finance, c’est tout.

Bref, la création d’agences (sport également en vogue dans les Conseils Régionaux), ne sont rien d’autres que des outils de communication politique qui contribuent largement à désorganiser les administrations. On peut aussi transposer le constat à l’Etat qui créé lui aussi des agences sur les territoires (avec le succès que l’on sait pour les Agences Régionales de Santé) tout en conservant une organisation pléthorique dans les services centraux du Ministère d’une efficacité toute relative en période de pandémie.

Une collectivité qui gère surtout ce dont l’Etat veut se débarrasser

En 2004, l’Etat, généreux en apparence, a transféré aux départements la gestion des personnels des collèges et de ceux des DDE. Aucune dynamique dans ces transferts, mais de la gestion pure et simple, et coûteuse, compte tenu des remises à niveaux nécessaires.

Aujourd’hui, lorsqu’on fait le bilan, on constate que le Département, au travers notamment d’une compétence sociale contrainte représentant plus de 60% de son budget, gère principalement des compétences pour le compte de l’Etat. Il ne dispose plus de marge de manœuvre pour impulser une dynamique territoriale surtout lorsqu’une grande métropole représentant près de la moitié de la population départementale atténue l’image du Département.

Une parité homme/femme à bon compte

La dernière réforme, celle qui efface de fait cette collectivité du paysage, a consisté à diminuer le nombre de cantons par deux avec élection d’un couple homme/femme afin de favoriser la mixité dans les assemblées. Outre la perte de repère pour les cantons ruraux, ajouté à l’ineptie de cantons artificiels en milieu urbain, on se dit que la parité homme/femme convenait donc bien pour les « réformateurs » à une collectivité dont la principale compétence est le social. Faut-il y voir quelques relents de machisme ?

4000 mandats départementaux à supprimer

Cet état des lieux global montre le rôle désormais mineur d’une collectivité qui sous-traite principalement pour le compte de l’Etat (le budget le démontre), sans marges de manœuvre, à tel point qu’il est permis de se demander si l’entretien et le fonctionnement, onéreux, d’une assemblée d’élus se justifie encore en ces temps de disette financière.

Le Député d’Ille et Vilaine Thierry Benoit s’est prononcé en faveur de l’extinction des Conseils départementaux avec création d’une assemblée régionale redéfinie. Il faudrait réfléchir collectivement à cette proposition en envisageant d’emblée le retour à l’Etat des compétences sociales puisque la situation sociale des territoires est étroitement liée aux décisions économiques et financières prises à Paris et en transférant les collèges et les routes à la Région.

Deux mots sur les prochaines élections, pour conclure

Elles sont loin d’être indispensables pour LREM qui va s’y prendre une nouvelle tôle à moins d’un an des présidentielles, ce qui est très moyen en terme d’image. Sans doute qu’au départ, certains pensaient les reporter après les présidentielles : c’est raté ! Restent à savoir dans quelles conditions elles vont se dérouler en plein tour de France, avec la fête de la musique et les éventuels premiers départs en vacances.

L’idée de coupler régionales et départementales le même jour pouvait paraître intéressante, mais aussi contraignantes pour quelqu’un qui aurait souhaité voter pour l’une mais en s’abstenant pour l’autre.

Pas certain que ce contexte global favorise la participation, qui aux dernières élections tournait autour de 50% avec en plus 4 ou 5 % de blancs ou nuls. Faire pire ne serait pas bon signe et montrerait la défiance des électeurs vis-à-vis d’une organisation territoriale incompréhensible et des élus plus préoccupés de faire carrière en politique plutôt que d’éduquer les citoyens. 


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