Racketiciels : vers la fin de l’arnaque
par Bigre
vendredi 28 septembre 2007
Pré-installation des logiciels : Acer condamnée. Un juge siffle la fin de la récréation pour les constructeurs.
Voilà un jugement qui va intéresser tous les utilisateurs d’ordinateurs et particulièrement ceux qui réfléchissent un peu aux licences de leurs programmes.
Dans l’affaire G. contre SARL Acer Computer du 18 septembre 2007, le tribunal de proximité de Puteaux vient de condamner le constructeur de PC à payer 311,85 € au titre du remboursement des logiciels pré-installés à un client qui entendait disposer du seul matériel et avait pour cela refusé le Contrat de Licence Utilisateur Final (CLUF) qui apparaît au premier au démarrage de l’ordinateur.
Dans une affaire précédente (Tr de prox. de Rennes, Cresp c. Asus, 6 juillet 2006) un autre constructeur s’était vu rappelé à son obligation contractuelle de remboursement en application des stipulations du CLUF.
Pour s’en exonérer, Acer a cru bon de porter le débat sur le terrain de la vente liée et de sa légalité en matière informatique. Elle a récolté une condamnation explicite de cette pratique.
Rappelons pour mémoire que la vente liée consiste à proposer des solutions informatiques globales sans possibilité d’acheter les éléments séparément. Pratiquée systématiquement par tous les grands constructeurs, la vente liée est pourtant clairement interdite par l’art. L121-1 du code de la consommation qui dispose qu’on ne peut notamment subordonner l’achat d’un bien (ici le matériel) à l’achat d’un service (ici les logiciels). En s’appuyant sur la tolérance dont elle fait l’objet de la part des pouvoirs publics, au prétexte qu’elle serait conforme à l’intérêt des consommateurs « inexpérimentés », Acer comptait voir le juge se montrer compréhensif.
L’enjeu pour Acer était double :
- soit renvoyer la charge du remboursement sur le vendeur ;
- soit voir débouter le client qui aurait dû s’adresser à un revendeur spécialisé pour acquérir un matériel sans logiciels et non porter son choix sur une configuration globale « proposée / imposée » dans l’intérêt du consommateur qui veut un ensemble prêt à l’emploi et qui serait trop immature pour avoir droit aux informations minimales.
Pour refuser de telles prétentions, le juge se fonde logiquement sur les termes du CLUF, mais aussi sur le constat que c’est bien le constructeur, non le vendeur, qui procède à la pré-installation des logiciels. Le tribunal ajoute alors que ce faisant, le constructeur agit en méconnaissance des dispositions relatives à la vente liée et que la tolérance des pouvoirs publics « ne saurait rendre inopérante une réglementation qui doit être respectée et appliquée quand un acheteur plus avisé le sollicite ».
Conséquence immédiate, le plaignant pouvait tout à fait utiliser la procédure de désinstallation et de remboursement pour obtenir un matériel sans logiciels qu’au demeurant, note malicieusement le juge, « on ne lui proposait effectivement pas ».
Revenu sur le terrain contractuel, le juge ne devait pas être plus tendre avec Acer.
En effet, s’autorisant du flou des stipulations du CLUF qui laisse à chaque constructeur le choix des modalités, Acer prétendait soumettre tout remboursement, entre autres conditions, au retour du matériel à son siège pour désinstallation, à la mise à la charge du client des frais de transport, tout cela pour un remboursement limité au seul système d’exploitation évalué à 30 €. Constatant avec le demandeur que ces dispositions le privaient en pratique de tout remboursement, le juge annule ces dispositions comme constituant manifestement « une clause abusive ».
Notons que pour le juge, la proposition de 30 € faite par Acer participe du caractère abusif de la clause de remboursement. Il la qualifie de « symbolique » car sans rapport avec la somme qu’un client doit débourser pour acquérir les logiciels qu’il souhaite. Ce détail est important car on peut penser qu’il pose la règle à suivre pour les constructeurs en matière de remboursement, mais aussi dans la fixation des prix respectifs des éléments d’un ensemble informatique si l’optionnalité des logiciels devait un jour entrer dans les faits.
Dernier point de ce jugement particulièrement riche : l’évaluation du montant du remboursement des logiciels autres que le système d’exploitation. Accordant à Acer que la gratuité de ces logiciels ne faisait pas de doute puisqu’il s’agit de versions d’essai ou allégées, le juge n’en condamne pas moins le constructeur à leur remboursement intégral en raison de leur « présentation trompeuse » qui laisse croire aux consommateurs que ce sont des versions complètes.
Ne nous y trompons pas : au travers des pratiques commerciales douteuses qu’autorise son opacité, c’est une nouvelle fois la vente liée qui est condamnée.
On peut regretter que l’administration (DGCCRF) en charge ne fasse pas respecter les droits des consommateurs et que ceux-ci soient obligés de demander à la justice le respect de leurs droits.
Le jugement est disponible à cette adresse :
http://perso.libre-zone.net/article-125-proc-dure-r-ussie-num-ro-4.html
(Article rédigé à partir de messages de la liste de diffusion "detaxe@aful.org")