Rafle du Vel’ d’Hiv : la France ou les Français ?

par MUSAVULI
mercredi 25 juillet 2012

Malgré le temps qui s’est écoulé, le malaise reste palpable chaque fois qu’on aborde la question de la déportation des Juifs et des responsabilités collectives dans la tragédie de la Shoah. On a encore pu s’en rendre compte dimanche 22 juillet au cours de la cérémonie de commémoration consacrée à la rafle du Vel’ d’Hiv. La gravité de la situation et le sentiment de reconnaissance qui devaient irriguer les esprits des survivants, leurs proches et les représentants de la communauté juive, ont peut-être contribué à faire éluder, une fois de plus, quelque chose d’important. 

En effet, nombreux voulaient qu’on crève définitivement l’abcès, mais les politiques ont préféré jouer sur les mots. Ainsi, dans la lignée du Président Chirac qui, le premier, avait brisé le tabou entretenu par tous ses prédécesseurs, le Président Hollande s’est contenté de reconnaître la responsabilité de la France. Il a parlé de crime commis par « la France ». C’est peut-être tout ce qu’il pouvait dire dans le cadre du nécessaire devoir de mémoire, quand on découvre les réactions de certains, comme Henri Guaino.

Sur le coup, on ne s’est pas rendu compte, mais il fallait relever la nuance. N’est-il pas nécessaire de préciser un jour que le crime avait été commis, non seulement par la France, mais surtout par « les Français » ?

Car les historiens sont unanimes pour reconnaître que l’essentiel du travail de dénonciation et de déportation avait été le fait des initiatives individuelles. Jamais le drame n’aurait atteint les proportions qu’on connaît maintenant si des millions d’anonymes ne s’étaient volontairement associés à cette entreprise de destruction dont on a tellement honte depuis. Même le zèle de la « police française », sur qui retombe l’essentiel de l’opprobre, n’était que la manifestation visible d’une sombre volonté profonde de la société française.

Bien évidemment, il y avait le poids du contexte qu’on apprécie toujours difficilement longtemps après les évènements. Le peuple s’est lourdement trompé sur ce coup-là, et il peut arriver à n’importe quel peuple de se tromper dans son appréciation des situations historiques et de la meilleure façon de se déterminer en conséquence. 

Le temps est peut-être maintenant suffisamment écoulé pour que l’aveu officiel soit complet. Les rafles ont été aussi bien l’œuvre de la France en tant qu’entité politique que des Français individuellement. Ils n’étaient pas forcés de rédiger les lettres de dénonciation ni de soutenir avec enthousiasme le régime de Vichy et sa politique de collaboration. C’était les Français, pas la France.

Mais il faut présenter l’histoire complète et ne pas passer sous silence le rôle, par exemple, des « justes » qui, eux aussi sans être obligés, mais au péril de leurs vies, ont entrepris de sauver « leurs semblables ». La grandeur d’une nation s’inscrit dans cette complexité de la société où, en même temps que des foules enthousiastes acclament un régime infâme, une poignée d’anonymes s’accrochent à ce qu’il y a de plus précieux : les valeurs. Celle de la fraternité avait été tellement malmenée ces années-là. Mais l’avenir de la France n’était ni dans l’horreur de Birkenau, ni dans l’allégeance à l’occupant nazi.

Quelques résistants, seulement, ont tenu à le rappeler. Ils sont partis dans les maquis du Vercors, et ailleurs. La résistance n’était pas un fait majoritaire, mais elle a sauvé la face à un peuple aujourd’hui fier d’avoir pu reconquérir les valeurs avec lesquelles elle s’est toujours senti en harmonie. Mais l’histoire d’un peuple a aussi sa part de pages sombres, et le devoir de mémoire doit être l’occasion de rappeler tout ce qui s’est passé. Ainsi faudra-t-il un jour aller jusqu’au bout de la phrase : le crime avait été commis par la France, les Français et l’occupant nazi.

Alors, sommes-nous responsables ? Plutôt oui, mais il faut présenter le récit complet.

 Boniface MUSAVULI


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