Régionales : le fossé se creuse entre « élites » politiques et citoyens

par Michel DROUET
jeudi 25 mars 2010

Les experts es-pourcentages commentent doctement les résultats des régionales en oubliant de s’appesantir sur l’indicateur essentiel de ces élections : le nombre de suffrages exprimés, soit 21 194 314, à comparer avec le nombre d’inscrits, 43 350 204 ce qui nous donne moins de 50 %. A quoi attribuer ce taux ridiculement bas ?

 D’aucun parlent de révolte civique, d’autres de protestation pour expliquer ce taux record d’abstention, justifiant ainsi la campagne nationale décalée à laquelle nous avons eu droit. C’est vrai que sur ce point, rien ne nous aura été épargné : si le chômage s’est aggravé, c’est presque de la faute des Régions, de même si l’insécurité croit. C’est ce genre de propos colportés par l’UMP, en premier lieu les têtes de gondoles et autres aboyeurs engagés dans cette campagne, que les médias ont complaisamment rapportés privilégiant le sensationnel à l’information et à l’éducation civique. De leur côté, les sortants PS. parlant peu de leur bilan et de leurs projets, se sont lancés dans une campagne nationale, pressés qu’ils sont de faire oublier leurs dissensions internes et de redorer leur blason terni par leurs querelles d’ego. Ils se sont aussi positionnés non seulement pour 2012, mais, en cas d’échec, pour 2014, date des prochaines élections régionales avec le nouveau dispositif d’élection de conseillers territoriaux. Les verts, forts de leur succès aux européennes ont cherché à confirmer leur implantation dans le paysage politique national. Enfin le F.N. a parlé, comme d’habitude, d’immigration, et les partis d’extrême gauche nous ont servi leur discours anticapitaliste habituel, avec le succès que l’on sait.

Tout ce petit monde, avec ses petites stratégies de boutiquiers, occupé à conserver ou à accroître ses parts de marché national a oublié simplement de nous parler des Régions et de leurs compétences. A part l’économie, sujet central de tous les discours, et parfois les transports régionaux, on a rarement entendu de débats concernant les programmes d’investissement dans les lycées, ou bien les politiques régionales en matière de formation par exemple. Pourtant lorsque l’on regarde les budgets régionaux, on s’aperçoit que ces sujets non ou mal traités pendant la campagne représentent près de 80 % du budget d’une Région (c’est le cas pour la région Bretagne). Avant de me promettre monts et merveilles sur des dossiers ne relevant pas expressément de la compétence des Régions, j’aurais aimé pour ma part que l’on me dise, par exemple, comment est dépensé cet argent, comment le contrôle des subventions versées s’effectue, en particulier les sommes versées aux organismes de formation et surtout comment on mesure l’efficacité des politiques régionales.

Rien de tout cela, bien évidemment, et le débat s’est concentré, outre sur les problèmes de politique nationale cités plus haut, sur des sujets forts intéressants, certes, mais non directement liés au coeur de compétences des Régions (à part l’économie) et pour lesquels les crédits restants après avoir dépensé les 80 % du budget dans les compétences obligatoires seront largement insuffisants si l’on veut les mettre toutes en œuvre. Il n’y a qu’à lire les professions de foi des candidats pour être convaincu du décalage entre les promesses et les moyens financiers disponibles, sachant, par ailleurs que les budgets cumulés de toutes les Régions ne totalisent que 25 Milliards d’euros (budget de l’Etat : 380 Milliards...), et qu’une fois dépensées les sommes relatives aux compétences obligatoires, il ne reste plus qu’environ 5 Milliards d’euros pour toutes les Régions pour les autres politiques.

Voilà pourquoi, peut-être, beaucoup d’abstentionnistes n’ayant vu qu’un remake des élections nationales précédentes et peu au fait des compétences et des moyens réels des Régions ont préféré rester chez eux, conforté dans leur abstention par les promesses non tenues d’un pouvoir national inopérant et inexistant face aux forces des « marchés » financiers qui continuent tranquillement leur petit travail de sape des économies.

Voilà, les élections sont passées. Quelques ministres viennent d’être changés, juste pour dire que l’on « prend en compte les résultats des élections », même si personne n’est dupe.

Pour le reste, pas question d’arrêter les réformes ! On se contentera simplement de les mettre aux oubliettes, une fois votée, comme cela a été fait pour la taxe carbone. L’essentiel est préservé : on aura de beaux débats nationaux entre partis politiques, de belles envolées lyriques, et on votera des textes qui feront les unes de journaux, mais qui seront inapplicables ou dont on oubliera de voter les décrets d’application.

Et les collectivités territoriales, dans tout cela ? C’est une réforme vidée de son contenu qui nous attend parce que ceux qui voteront le texte sont aussi les cumulards qui les dirigent.

Le citoyen dans tout cela ? Bof, on ne lui demandera pas son avis, comme d’habitude.

Etonnez-vous après cela, qu’il boude les urnes.


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