Rendre le droit de vote obligatoire

par Marsiho
mercredi 11 mars 2015

Le vote obligatoire, une fausse bonne idée qui risque de favoriser le FN

Ainsi donc le remède pour sauver la démocratie française serait de rendre le vote obligatoire. Sur le papier l’idée peut paraître intelligente. Voter est un droit, acquis avec difficulté. Le rendre obligatoire pour préserver une citoyenneté active et respectueuse des institutions peut séduire quelques républicains. Il y a des pays où cela se pratique déjà. Australie, Belgique, Bolivie, Brésil, Grèce et quelques autres. Ce n’est pas la première fois que cette proposition est faite. Alors ? Bonne idée ?

Affirmons-le tout de suite : non. Pour plusieurs raisons :

  1. D’abord parce que comme souvent en France, on sort une idée du chapeau argumentant que d »autres l’applique, sans tenir compte du fait que chez ces derniers, le débat actuel est de supprimer cette obligation… Cela était déjà remarqué dans un court document du Sénat en date de 2003 : « Depuis quelques années, le vote obligatoire est très critiqué. Les abstentionnistes sont de plus en plus nombreux et refusent de payer les amendes. Ils demandent l’abolition du vote obligatoire au motif que voter doit être un droit et non une obligation.  » Et puis regardons de plus prêt en Belgique pour ne pas aller très loin : voilà un pays qui a du vivre sans gouvernement pendant 541 jours, traversant une crise politique sans précédent ! Ça laisse à réfléchir…

  2. Rendre un droit obligatoire, en infligeant une contravention aux réfractaires, que cela peut-il donner comme réactions ? On connait l’attachement culturel de notre peuple à sa liberté. Et même si les conservateurs ne sont jamais très loin, il y a fort à parier que sur un tel sujet ils ne seront pas majoritaires. Une fois dans l’isoloir, qu’est-ce qui interdit au réfractaire de rendre nul son bulletin, ou pire, de voter par objection en choisissant un parti extrémiste par exemple ? L’enfer est pavé de « bonnes intentions »… Sans oublier qu’il y aurait également ceux qui préféreraient payer une contravention que de voter. On se rapprocherait ainsi d’une sorte d’abstention censitaire…

  3. L’effet Tingsten : Herbert, de son prénom, quasi inconnu en France, était un politologue suédois qui a beaucoup écrit sur la démocratie. Il remarqua entre autres, que lorsque un droit de vote était accordé, il profitait aux partis conservateurs. Et que sur des populations novices dans le « devoir électoral », les manipulations clientélistes se propagèrent. Que cela donnerait-il aujourd’hui en France ?… Quand on mesure le niveau de désinformation pratiqué par certains… Je n’ai pas la réponse, mais certainement pas une démocratie équilibrée. N’est-ce pas jouer avec le risque de donner une légitimité démocratique au Front National ?

  4. Enfin, et on nous le jure la main droite sur le cœur, les élus d’aujourd’hui ont compris ce qu’attend la base. J’ai lu cet argument à plusieurs reprises, argument uniquement basé sur cette assertion. L’abstentionniste de base l’est souvent parce qu’il est « écœuré » des mœurs politiques actuelles, écœuré de voir des gens se faire élire sur des idées et faire exactement l’inverse une fois au pouvoir. Si le vote devenait obligatoire, cela donnerait seulement l’occasion de tout légitimer au seul fait que les français ont voté. En partie sourdes, je vois déjà certaines formations politiques se frotter les mains de cette aubaine. Ce serait un désastre démocratique. Sa fin ultime.

Alors ? Quelle alternative proposer ? Elle est relativement simple, non ? Faire de la politique dans le sens le plus noble du terme. Mais je ne suis plus naïf à ce point. Encore une fois, seule une réforme impliquant le citoyen peut nous sauver du désastre à venir. Ainsi que quelques garde-fous, et peu importe qu’ils soient parfois difficilement franchissables. Par exemple : une liste qui n’obtiendrait pas la majorité absolue sur le nombre d’électeurs inscrits, et non pas sur le nombre de vote émis, ne pourrait pas accéder aux fonctions briguées. Quitte à refaire une campagne, avec tout ce que cela a de long et compliqué. Autre piste qui nous vient de la genèse démocratique : la peine d’ostracisme… Bref, ne pas faire peser le poids du dysfonctionnement démocratique sur les électeurs, mais sur ceux qui prennent la politique pour un outil personnel…


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