Révision de la Constitution : le Parlement accentue-t-il vraiment son pouvoir ?

par anna
samedi 31 mai 2008


Le Parlement "vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et concourt à l’évaluation des politiques publiques". La représentation des collectivités territoriales au Sénat est assurée "en fonction de leur population". Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale (art. 9). Les parlementaires peuvent être remplacés temporairement pendant l’exercice de fonctions Gouvernementales.

Redécoupage. Le redécoupage des circonscriptions et la répartition des sièges de députés et de sénateurs sont soumis à une commission indépendante (art. 10).

Commissions. Le nombre de commissions permanentes de chaque assemblée est limité à 8, contre 6 actuellement (art. 18). Leurs auditions sont publiques, sauf décision contraire (art. 11).

Séances. La discussion des projets de loi en séance porte sur le texte adopté en commission et non plus sur le texte transmis par le Gouvernement. Elle ne peut intervenir qu’après un délai d’un mois suivant le dépôt du texte, quinze jours en cas de déclaration d’urgence (art. 17 et 21).

Ordre du jour. L’ordre du jour des Assemblées, hors projets de loi de financement, est partagé entre les textes inscrits à la demande du Gouvernement et ceux dont l’inscription est décidée par la conférence des présidents. Un jour de séance par mois est réservé à l’examen des textes proposés par l’opposition. Les séances de question au Gouvernement ont également lieu pendant les sessions extraordinaires (art. 22).

L’engagement de responsabilité du Gouvernement sur un texte de loi - art. 49-3 de la Constitution - est limité aux projets de loi de financement et à un autre texte par session (art. 23). La conférence des présidents de chacune des deux assemblées peut s’opposer à la déclaration d’urgence du Gouvernement sur un texte de loi (art. 20).

Politique étrangère. Le Parlement doit être informé "dans les plus brefs délais" de toute intervention des forces armées à l’extérieur. Si la durée de l’intervention excède six mois, sa prolongation doit être autorisée par le Parlement (art. 13).

Remarques : le Parlement s’est vu occulter, dernièrement, sa possibilité d’évaluation des politiques publiques. Pourtant, celle-ci est reconnue par l’article 14 et 15 de la Déclaration, qui donne au Parlement le droit, comme tout citoyen, de « demander des comptes » à n’importe quelle administration, et de déterminer « l’efficacité de la dépense publique ».

Concernant le découpage des circonscriptions, on peut se demander qui choisira les membres de la commission « indépendante ». Faute de le savoir, son indépendance reste toute théorique. D’autant qu’on ne sait, selon quel critère, les membres de cette commission seront élus ou nommés.

La partie concernant le Parlement dit aussi que les parlementaires pourront être remplacés…Pendant une période durant laquelle ils auraient une mission Gouvernementale. Cela n’est pas inscrit dans le texte, mais il semble que le terme « temporairement » fasse allusion au faite qu’un élu pourrait en quelque sorte « sortir de sa fonction » pour la réintégrer après, à la manière d’un fonctionnaire…Mit en disponibilité. Or, juridiquement, cela s’oppose à l’article 23 qui interdit aux Ministres d’avoir un mandat parlementaire…Et donc aux parlementaires d’être Ministre pendant leur mandat. Cette proposition viole donc l’article 23, qui est non révisable, car il fait partie intégrante de la « forme républicaine du Gouvernement » limite constitutionnelle imposée par la Constitution dans son article 89, alinéa 5, et par l’article 16 de la Déclaration, qui ne reconnaît comme régime politique légal et légitime que celui qui respecte la séparation des pouvoirs et garantit les droits inaliénables de l’Homme. Accepter cette révision…Consisterait à ni plus ni moins…Supprimer l’article 16 et donc enlever l’existence même de la Constitution !

En effet, un mandat à une durée. C’est-à-dire qu’un élu reste élu à une fonction pendant cinq, six, ans, en fonction du mandat qui est le sien. Lorsqu’il prend une fonction de Ministre, il est donc « démissionnaire » de sa charge élective, puisqu’il ne peut pas « rester » élu, et en même temps obtenir une charge « nominative » nationale tout au moins. Cela s’oppose à la séparation des pouvoirs, garantie par l’article 23 et 16 cités ci-dessus.

En établissant qu’un élu pourrait réintégrer son mandat, après une période ministérielle, et cela sans avoir à repasser par l’élection, on part du présupposé que le député par ex, reste député pendant la période transitoire où il est Ministre. Donc…Hors la loi ! Il s’agit donc là d’une proposition anticonstitutionnelle. Rajoutons que ce système, qui j’en conviens, plait certainement à une grande partie des Ministres, et des parlementaires, était la règle sous la IV République. Mais, contrairement à la V République, la Déclaration n’avait pas de portée contraignante, et l’article 89 alinéa 5, portant sur la « forme républicaine du Gouvernement » qui interdit la révision de tous les articles faisant référence au « Gouvernement » (avec un G majuscule), avait pour lointain ancêtre l’article 95…Lequel n’était que symbolique…Ce qui n’est pas le cas de l’article 89 alinéa 5. En votant pour cet article, les parlementaires ferait ni plus ni moins qu’un viol de la Constitution !

L’article 13, quant à lui, est contraire, pour l’heure, au traité de Lisbonne. Celui-ci établit en effet que les élus pourront autoriser le prolongement ou non d’une guerre. Or, le traité de Lisbonne, lui, établit, une « clause de solidarité » entre les membres de l’UE, qui donne aux dirigeants de l’UE, les membres du Conseil Européen, la prérogative de mettre fin ou non au combat. Cette « clause » du traité de Lisbonne est déjà contraire à l’article 35 de la Constitution, qui reconnaît au Parlement une prérogative dans le domaine de la guerre, puisque ce dernier est seul à pouvoir décider si oui ou non il « déclare » une guerre. Y compris une guerre contre le terrorisme.

Si l’on ajoute à cet article, l’article 13 présenté, il faudrait donc dénoncer le traité de Lisbonne, puisque ce n’est plus aux Parlements nationaux qu’on demande dans ce traité de décider ou non du prolongement d’une guerre…Mais bien…Aux Chefs d’Etat nationaux.

Autrement dit, le Président de la République s’octroie, par ce traité, une disposition constitutionnelle que la Constitution ne lui reconnaît pas, et la révision proposée sera essentiellement théorique, et contraire au traité, puisque les parlementaires n’auront plus aucun pouvoir décisionnel sur les conflits, leur durée, et leur visée. Si par ailleurs on fait le lien avec l’article donnant le pouvoir au Président de dire au Premier Ministre ce qu’il doit faire en matière de défense, on peut sensiblement se demander quelle sera la véritable portée de l’article 13 pour le Parlement ! S’agit il de donner une vraie prérogative au Parlement…Ou bien un hochet ?

Si le Parlement veut retrouver une vraie prérogative dans le domaine des affaires étrangères, il lui faut simplement « moderniser » l’article 35, non en rajoutant du babillage inutile, mais en partant du principe que le terme « déclarer » la guerre, serait modifié en « autoriser » la guerre. En effet, on a pris l’habitude de faire la guerre, sans plus la déclarer très officiellement. L’article 35 n’est donc pas désuet, il est interprété par rapport à une époque qui ne lui correspond plus. C’est différent. A cela, le Parlement pourrait rendre cet article plus contraignant pour le Gouvernement, en reliant cet article au préambule de 46 sur le droit international. Le Parlement pourrait dire que dès lors que le conflit auquel participe la France a pour but la paix, c’est le droit international qui prime. S’il s’agit d’une guerre contre « la prolifération nucléaire », « le terrorisme », etc. En revanche, le Parlement est compétent. Une « guerre » par définition étant le contraire de la paix, le Parlement peut avoir une large audience sur ce sujet. Et le Gouvernement, qui voudrait priver le Parlement de son droit constitutionnel, devra motiver clairement sa proposition de ne pas référer du conflit auprès du Parlement.

Pourquoi rajouter un délai de 60 jours alors que le Parlement a ce pouvoir dès le départ en autorisant la guerre ?


Lire l'article complet, et les commentaires