Service public, aménagement du territoire et intérêt général

par Marc Bruxman
mercredi 19 novembre 2008

En France, les notions de service public et d’aménagement du territoire ont historiquement toujours été liées. Mais alors que ce lien était historiquement dans le sens de l’intérêt général, il devient de plus en plus contraire à l’intérêt général. Cela cause une dégradation de plus en plus grande de la qualité du service public pour une majorité d’usagers. 

Lorsque l’on a créé les services publics dans ce pays, la France était essentiellement rurale. Pour qu’ils soient efficaces et au service du plus grand nombre, il était donc important d’avoir un maillage très fin qui couvre l’essentiel du territoire. De plus, les zones urbaines peu chères à désservir étaient la minorité, les zones rurales la majorité. 

Depuis, la France est devenue essentiellement urbaine. Plus de 70% de notre population vit dans de grandes et moyennes agglomérations. De plus, la plupart de ceux qui vivent statistiquement en zone rurale sont le plus souvent restés proche des grands centres urbains dans des zones qui ont encore une densité de population importante et où le coût des services publics même si il est plus élevé qu’en ville reste raisonnable. Mais il reste une toute petite partie des gens qui vivent dans des zones très reculées, difficilement accessibles et où la densité de population est extrêmement faible. C’est de la desserte de ces zones dont il est question dans cet article.


Car les quelques pourcents de la population qui vivent dans des zones reculées sont aujourd’hui un pourcentage important du coût des services publics. Actuellement 10% des voies ferrées représentent 50% du trafic alors que plus de 50% du réseau représente moins de 10% du trafic. En matière de coûts, cela veut donc dire que ces 10 derniers pourcents coûtent une fortune à la collectivité. La même équation est valable pour les autres services publics à quelques différences près. 

Là où le problème devient insoluble c’est qu’il existe aujourd’hui des lignes très fréquentées comme le RER A francilien (environ 1 million de voyageurs chaque jour) et de façon générale la quasi totalité des RER qui souffrent de problèmes chroniques de sous-investissement. En ces temps de déficits budgétaires, les crédits pour remettre à niveau ces infrastructures ne sont pas simples à trouver. Alors qu’il suffirait en réalité de fermer par exemple 20% du réseau ferré actuel (ce qui pénaliserait probablement moins de 1% des voyageurs à en croire les statistiques) pour dégager immédiatement ces crédits. 

Je sens d’avance que je vais me faire attaquer par la gauche et me voir reprocher une course à la rentabilité. Mais on ne parle ici pas de rentabilité mais d’utilisation ! Est il normal de maintenir des infrastructures que quasiment personne n’utilise alors que nous n’avons pas les moyens de maintenir des infrastructures utilisées par des millions de personnes ? (Le RER A n’est qu’un exemple, mais d’autres lignes de trains nécéssaires comme le prolongement du TGV jusqu’à Toulouse rendrait service à énormément de monde). N’y a-t-il pas là une mauvaise gestion des priorités ? Je crois que le débat mérite d’être posé et que le taux d’occupation des lignes fournirait un bien meilleur indicateur que la rentabilité dans une optique de service public. 

Parce que le résultat actuellement c’est une majorité d’utilisateurs insatisfaits. Le peu de voyageurs du Puy-de-Dôme qui voient un train par jour arriver dans leur gare ne sont déjà pas satisfaits du service c’est une évidence. Mais les millions de personnes qui prennent le RER tous les jours ne le sont pas plus. Avec ce système, personne n’est satisfait. 

L’aménagement du territoire est ainsi une impasse. Pour ne pas avoir le courage politique de reconnaitre que certaines zones ne sont aujourd’hui plus du tout attractives et seraient par exemple plus utiles sous forme de réserve naturelle, on dépense des fortunes pour maintenir une très faible population dans un style de vie tout en leur donnant l’impression qu’il ne coûte rien. Or, certaines personnes qui ont pourtant elles-mêmes de très petit revenus coûtent mensuellement plusieurs fois le smic pour leur acheminer les services publics de base. A ce stade, offrir un relogement dans une zone plus dense, serait plus économique pour l’Etat. 

L’idée de base de l’aménagement du territoire c’est qu’il allait permettre d’inverser le cours des choses. Mais il ne l’a pas vraiment fait. Pour certaines zones, l’investissement est à fond perdu et le coût des mesures démentielles. Une reconversion de ces zones en réserve naturelle, précédée d’un relogement de leurs habitants en zones plus denses serait je pense la meilleure solution. Je sais que je vais certainement choquer et heurter en écrivant cela, mais Agoravox est un lieu de débat, alors débattons !


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