Solidarité avec les sans-papiers

par eric fabre-maigne
mercredi 3 septembre 2008

Depuis le 30 octobre 2007, tous les derniers mardi du mois de 18 h 30 à 19 h 30, les Frères franciscains et des membres de la famille franciscaine toulousaine se retrouvent place du Capitole, à Toulouse, en silence et en prière, pour dénoncer la création par le gouvernement de « centres de rétention » pour les personnes étrangères en situation irrégulière. Des anonymes de plus en plus nombreux les rejoignent chaque mois, agrandissant le cercle.

Il est encore temps de les rejoindre.

Par ce geste, ils veulent apporter leur contribution au travail mené, sur le terrain et auprès des décideurs publics, par différentes associations dont ils saluent les actions, en particulier le Réseau éducation sans frontières.

Ils dénoncent d’une part l’enfermement de personnes dont le seul crime est d’être venues en France pour vivre mieux ou pour sauver leur vie. Ils tiennent à manifester leur inquiétude devant les conditions de détention elles-mêmes : le centre de rétention de Cornebarrieu, ville de la banlieue de Toulouse, est muni de vitres anti-chocs et entouré de grillages et de fils de fer barbelés à deux niveaux (à 20 m et 100 m du bâtiment) ; la cour où peuvent « s’amuser » les enfants est encore doublement sécurisée à tel point que de grandes plaques métalliques ont été posées afin d’éviter tout regard extérieur.


D’autre part, ils attirent l’attention sur une note du 28 février 2008 de la Direction de la population et de la citoyenneté du ministère de l’Intérieur, qui enjoint aux fonctionnaires des préfectures de « confisquer les passeports des étrangers demandant la régularisation de leur titre de séjour, de les enfermer dans une pièce close, et de prévenir aussitôt la Direction départementale de la sécurité publique pour qu’ils soient interpellés sur place ». Et cela « avec un zèle particulier »  !

S’agirait-il de personnes à ce point dangereuses pour nous ?

Saurons-nous trouver des solutions plus respectueuses de l’être humain et de tous ses besoins,
 ceux des enfants notamment ?

Cette situation nous rappelle, hélas, de très mauvais souvenirs, mais la réaction des Franciscains celle, exemplaire, du cardinal Saliège (1870 - 1956), qui a fait lire dans toutes les églises du diocèse de Toulouse le 22 août 1942 la lettre suivante :

« Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.

Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.

Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébedou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères, comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier…

Pourquoi le droit d’asile dans nos Eglises n’existe-t-il plus ? Seigneur, ayez pitié de nous.

Notre-Dame, priez pour la France.

France, patrie bien-aimée, France qui portes dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chrétienne, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.

Recevez, mes frères, l’assurance de mon affectueux dévouement ».

Ce même monseigneur Saliège écrivit, peu de temps avant sa mort :

« On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu’il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu’il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n’est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire : "c’est de leur faute" !

Longtemps, un chrétien était reconnu à ce signe qu’il aimait et secourait le pauvre, en qui il voyait Jésus-Christ, le pauvre par excellence, lequel n’avait pas une pierre où reposer sa tête.

Un régime économique qui fabrique des pauvres en série, des sans-toits en série, des ayant-faim en série, tout chrétien se doit de le combattre et de le remplacer.

Là encore, il ne faut pas se faire illusion : le chrétien qui veut faire son devoir est contredit par d’autres chrétiens qui ne comprennent pas, qui n’acceptent pas la doctrine de l’Evangile, et par beaucoup d’athées conservateurs qui sont pour l’ordre établi. »

Soixante ans plus tard, il est regrettable que nos dirigeants plutôt que d’aider les pays dits sous-développés à rechercher leur indépendance économique continuent à désigner leurs ressortissants en difficulté comme des boucs émissaires.

L’Histoire a montré jusqu’où peuvent mener ce genre de fausses solutions.

Mais nous ne pourrons pas dire, une fois de plus, que nous ne savions pas.

E.FABRE-MAIGNÉ

Chevalier des Arts et Lettres


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