Taubira, ministre d’une République bananière

par Pale Rider
mardi 5 novembre 2013

Le 25 octobre, à Angers, Christiane Taubira a été accueillie par des enfants « militants » de La Manif pour Tous avec ces cris : « C'est pour qui la banane ? C'est pour la guenon ! » Quelques voix se sont élevées contre cela, mais sans trouver beaucoup d’écho. Pourquoi ?

Au début, certains ont présenté cet épisode comme l’initiative isolée d’une gamine de 12 ans. En admettant qu’il soit possible qu’une petite môme ose défier seule la Ministre de la Justice, on doit se poser la question, dont la réponse est connue d’avance : Qui l’a élevée, et comment ? Qui a associé dans son esprit débile (au sens ancien de faible) les noirs, les singes et les bananes ? Qui, encore plus débile, fait de la banane un aliment déprécié réservé aux singes ?

Seuil de tolérance

 Le Front National essaye de se fabriquer une image respectable en gommant sa réputation de racisme. Mais le naturel lui explose à la figure de temps en temps, l’obligeant à virer telle candidate aux municipales, ou à réprouver les propos de tel militant. Ces individus n’auraient jamais déversé leur (dé)bile, ni sur Facebook ni ailleurs, s’ils se savaient désapprouvés par l’ensemble de la « communauté » nationale. Ainsi, moi qui rédige cet article, je le fais parce que je sais d’avance que je serai approuvé par au moins une partie des lecteurs d’AgoraVox, à commencer par les modérateurs. Autrement dit, on est toujours porté par un contexte. Or, le contexte est nauséabond. Pour ne pas dire : vichyssois.

 Observons notre seuil de tolérance à certains propos, à certaines attitudes. Récemment, la télé a diffusé Welcome. En regardant ce film admirable (qui a le rare talent de coupler le militantisme politique avec un scénario intimiste tout à fait prenant), je me suis dit : Mais comment un gouvernement de la République française a-t-il pu inscrire dans la loi qu’on soit passible de poursuites parce qu’on donne à manger à des réfugiés, ou parce qu’on les abrite ? Comment la charité, la compassion mise en actes, peut-elle être une complicité, un délit, voire un crime passible de prison ? Comment avons-nous pu tolérer cela sans descendre dans la rue en demandant la démission d’un gouvernement qui, sous la direction de François Fillon avec sa tête d’enfant de chœur, avait pu faire passer des lois aussi scélérates ?

La maxime de Voltaire

 Je ne suis pas d’accord avec Christiane Taubira, mais je me battrai, ne serait-ce qu’un peu, pour qu’elle ait le droit de faire son boulot. Je ne parle pas de sa Loi pénitentiaire (qui n’est pas totalement laxiste, loin s’en faut, et qui ne fait que prolonger, parfois intelligemment, les dispositifs déjà en place). Je parle du Mariage pour Tous, la seule promesse pour laquelle François Hollande a fait preuve d’obstination (au mépris, redisons-le, d’une partie importante, voire majoritaire, de l’opinion publique). Cette réforme a été véhémentement défendue par Christiane Taubira, avec une éloquence qui, personnellement, ne m’a pas touché. J’ai combattu ici même cette loi, ainsi que les politiciens qui nous avaient trahis dans cette affaire (voir ma fiche et mes articles). Je persiste à penser que le Mariage pour Tous (et désormais le Divorce pour Tous) est une infamie et une ineptie anthropologique.

 Ayant dit cela, et même si Mme Taubira est souvent rude, je lui reconnais un grand mérite : elle est courageuse, opiniâtre et, ce qui fait défaut au Président et au Premier Ministre, elle a des convictions fortes. Des convictions, ça se soutient, ou bien ça se combat, mais sur le fond, à la loyale, avec des arguments et non avec des peaux de bananes.

 Le ramassis de fascistes qui se sont agrégés à la Manif pour Tous ont déconsidéré ce combat (de même que Frigide Barjot et ses démêlés fiscaux-immobiliers ; de toutes façons, jamais je ne l’aurais choisie comme porte-parole). C’est toujours le problème, notamment sur les questions de mœurs et de morale privée : des causes qu’on estime justes sont souillées par des gens qui les défendent, mais pas pour les mêmes raisons que soi. Quand on est protestant avec une mentalité sociale de gauche, il est difficile de côtoyer des vaticanistes tendance Mgr Lefèbvre ayant peut-être leur carte du FN. C’est invivable.

 Me voici donc ici, contraint d’apporter mes encouragements sincères à Christiane Taubira, alors que je récuse à fond ce Mariage pour Tous qu’elle a porté sans faiblir. Je n’en rougis pas. Quand on milite en faveur des Droits de l’Homme (une expression qui est devenue un sceau d’infamie, les droits étant toujours pour soi-même mais jamais pour les autres), on doit être capable de défendre le frère musulman Mohammed Morsi contre des tribunaux « laïcs » si ceux-ci ne respectent pas des normes minimales d’équité.

 Christiane Taubira n’est pas Mohammed Morsi. À titre personnel, elle n’a pas violé la démocratie. Sa couleur de peau ne me dérange pas ; c’est même un plus qui l’a certainement rendue plus combative. Elle a donc une partie de ma réprobation et la totalité de mon respect.

Au temps des colonies, il existait une petite chanson raciste : « Quand moi faim, pas malin, moi manger bananes » (auteur chanson pas malin non plus, car lui y en a dire que ça y en a savane à la Guadeloupe !). Or, les bananes, c’est excellent pour la santé, encore plus que nos pommes hexagonales. Donc, non seulement ces fachos sont méchants, mais ils sont d’une bêtise incommensurable. Ils sont bêtes à manger du foin. Celui-ci n’étant pas très nourrissant, sauf pour les vaches, comment s’étonner que certains de nos (hélas) compatriotes aient quelques déficiences intellectuelles et cognitives, et qu’ils les transmettent à leurs rejetons ?…


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